Par Victor Depois
À quelques jours du Festival des films pour l’environnement (FFPE), Gaïa Presse s’est entretenue avec deux passionnés du Saint-Laurent, Geneviève Bilodeau et Patrick R. Bourgeois, réalisateurs de Québec profond.
Plus de 100 jours de tournage et 200 plongées dans les entrailles du fleuve ont permis au couple de nous offrir des images uniques des profondeurs du Saint-Laurent, de la Côte Nord à l’Île Bonaventure, en passant par la grande rivière Saguenay. Ce film capture avec justesse la beauté du fleuve-mer et les rencontres de la faune sous-marine québécoise, à la lumière du livre du même nom, paru en 2015.
Gaia Presse : Avez-vous ressenti une évolution des mentalités depuis la sortie du livre?
Patrick: La perception des gens sur le Saint-Laurent est essentiellement la même qu’à la sortie du livre. Il y a une méconnaissance qui perdure. Il y a beaucoup de travail de sensibilisation à faire autour du Saint-Laurent.
GP : Comment le Saint-Laurent a-t-il changé?
Patrick : Le meilleur exemple, ce sont les changements de température. Quand on a fait le tournage, il faisait très chaud : l’été dernier, l’eau était cristalline. Je n’ai presque pas vu de poissons au cours de l’été parce qu’avec une eau aussi claire, les poissons ont tendance à descendre plus profondément. Lorsque l’eau est cristalline, ça veut dire qu’il n’y a pas beaucoup de phytoplancton. Mais le phytoplancton, c’est la base de la chaîne alimentaire marine. C’est inquiétant. Ensuite il y a des problèmes qui perdurent dans le Saint-Laurent, qui ne vont pas en s’améliorant : la chute des taux d’oxygène, l’acidification des eaux.
Autre gros changement : l’année dernière, il y avait pleins de bars rayés. C’est une espèce qui était là originellement, qui a disparu sous l’effet de la pêche sportive, et que les biologistes ont réintroduit il y a environ vingt ans. Mais la souche qui a été réintroduite n’est pas celle du Saint- Laurent. Et on se rend compte que les bars rayés remontent dans les rivières pour manger des saumons d’eau. Quand on joue aux apprentis sorciers, on crée des problèmes qui sont parfois pires qu’au départ!
GP : D’où vous vient cette passion pour le Saint-Laurent, les fonds marins et la nature en général?
Geneviève: J’ai grandi sur la rive sud de Montréal, à Brossard : c’est une ville qui est au bord du fleuve sous le pont Champlain. J’étais enfant et je ne comprenais pas pourquoi on avait un si beau cours d’eau et qu’on ne pouvait pas en profiter. On nous disait qu’il était pollué. Mon intérêt pour le fleuve et tous les écosystèmes vient sûrement de là. Je suis impliquée dans la Fondation Rivières et dans le Festival des Films pour l’Environnement depuis 15 ans. Je suis une citoyenne qui s’informe et qui ne comprend pas pourquoi politiquement, il n’y a pas de décisions plus drastiques qui se prennent.
Patrick: Moi, ce n’est pas compliqué, j’ai grandi avec les documentaires de Cousteau. Tout l’intérêt et la passion pour les fonds marins se sont développés au contact du travail du Commandant Cousteau.
GP : Votre film sera diffusé en ouverture du FFPE. Quel est votre sentiment?
Patrick: Dans le fond, le but c’est de montrer ce film. Toutes les images qu’on a récoltées, il fallait les diffuser le plus ouvertement possible. Ce festival réunit des Québécois pour parler du Saint-Laurent, [et ce sont eux] les principaux concernés par ce fleuve. On a la responsabilité en tant que Québécois d’en prendre soin.
Québec profond sera présenté en ouverture du Festival des Films Pour L’Environnement (FFPE) à Saint-Casimir le 20 avril. Il sera aussi diffusé sur Canal D, le mercredi 25 avril à 22h.
Crédit Photo: Patrick R. Bourgeois
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