Par Geneviève Laroche* | Doctorat sur mesure en agroforesterie, Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation. Cette communication scientifique est une présentation de l’Institut EDS. Le texte original a été publié dans le journal étudiant l’Interdisciplinaire.
Les étudiantes chercheurs de l’ULaval et de l’Université Alione Diop de Bambey ont réalisé un projet en sécurité alimentaire. Photo : Daniel Olivier-Cividino
Des étudiants de l’Université Alioune Diop de Bambey, au Sénégal, et de l’Université Laval se sont réunis en juin 2018 pour participer à une démarche intensive et participative visant à imaginer des solutions innovantes et adaptées pour atteindre l’objectif de développement durable « Faim Zéro » (ODD 2) à Bambey. L’exercice a mené à l’idéation d’un périmètre agrosylvopastoral sur les terrains de l’Université qui renforcerait les liens entre ville et campus dans une perspective de développement durable.
La population urbaine mondiale croît au rythme de 72,8 millions de personnes par année(1). Les villes africaines, confrontées au plus haut taux d’accroissement démographique au monde (4 % par année), doivent plus que jamais développer des stratégies afin de garantir à leurs habitants un milieu de vie durable et résilient(2).
À Bambey, une ville sénégalaise comptant 25 000 habitants, les enjeux de l’urbanisation durable sont bien réels. Parmi ceux-ci, le développement de zones habitées spontanées, l’amélioration de l’accès aux services, la gestion des inondations et le développement d’activités économiques porteuses font partie des priorités(3),(4).
Le défi de penser à des solutions durables en contexte urbain nécessite le recours à une démarche qui soit intégrée et inclusive(5),(6). Dans ce contexte, l’Institut EDS de l’Université Laval et l’Université Alioune Diop de Bambey ont mis au point une démarche de cocréation pour rêver « Bambey durable » à l’horizon 2030 en s’appuyant sur les Objectifs de développement durable (ODD). Cet article présente la démarche et l’illustre à travers le cas de l’ODD 2 (Faim zéro).
La démarche de repérage-diagnostic-idéation
La démarche s’est déclinée en quatre temps. Premièrement, les acteurs locaux ont ciblé cinq ODD prioritaires pour Bambey : faim zéro, santé et bien-être, eau propre et assainissement, énergie propre et d’un coût abordable, ainsi que travail décent et croissance économique. Pour approfondir chacun des ODD, des équipes multidisciplinaires composées d’étudiants provenant des deux universités ont été formées.
Deuxièmement, le repérage des éléments liés aux ODD s’est effectué à travers des recherches documentaires et la rencontre d’acteurs clés. L’équipe de l’ODD 2 a rencontré le maire, une association paysanne, un gestionnaire de ferme urbaine, des habitants d’un quartier défavorisé et les responsables des services alimentaires universitaires, en plus d’effectuer des visites informelles dans les marchés, les champs et au puits.
Troisièmement, chacune des équipes posa un diagnostic partiel de la situation de la ville par rapport à son ODD et le partagea avec les autres équipes.
Finalement, l’étape de l’idéation, fut vécue lors d’une journée d’atelier ayant réuni une trentaine d’acteurs de la ville de Bambey répartis dans les différentes équipes ayant travaillé sur les ODD. Une nouvelle équipe, centrée sur l’ODD 11 (villes et communautés durables), avait pour mission d’intégrer les idées des autres équipes. Utilisant le plan de la ville et les résultats des étapes antérieures comme base de discussion, les acteurs ont imaginé un projet porteur permettant de réduire durablement la faim à Bambey.
Résultats pour l’ODD 2 « Faim zéro »
Du repérage et du diagnostic partiel, nous retenons deux constats principaux pour l’ODD 2.
Constat 1 : La ville dépend à 50 % des importations d’aliments – Les habitants de Bambey dépendent à parts égales de la production agricole en périphérie de la ville et des importations réalisées par les routes principales pour se nourrir. Les villages fournissent du mil, des arachides, de la viande et quelques produits maraîchers saisonniers, alors que le reste provient de l’extérieur. La durabilité des systèmes agricoles en périphérie de Bambey est compromise par le manque de main-d’œuvre, l’irrégularité croissante des pluies et la baisse de fertilité des sols. Le potentiel de l’agriculture urbaine reste largement sous-exploité dans cette ville. Les importations par voie terrestre sont, pour leur part, affectées par l’état des infrastructures routières, le prix de l’essence, l’organisation des chaînes d’approvisionnement et la volatilité des prix. Bambey est donc fortement dépendante de l’extérieur en termes d’alimentation.
Constat 2 : Étudiants, habitants des quartiers spontanés et femmes peinent à se nourrir – Certains groupes sont plus touchés que d’autres par l’insécurité alimentaire. Les étudiants, d’une part, déplorent la piètre qualité des aliments servis par la cafétéria universitaire et l’impossibilité de cuisiner convenablement dans les résidences. D’autre part, les habitants du quartier spontané Tawfekh sont très pauvres et incapables de se procurer des aliments en quantité et de qualité suffisantes, en plus d’être privés d’eau et d’électricité. La faim est telle dans ce quartier que de nombreux enfants se rendent à la cafétéria universitaire, située non loin, pour s’approvisionner du reste de la nourriture n’ayant pas été consommée par les étudiants. Plus globalement, les femmes, en plus d’assurer les tâches liées à la préparation des repas, sont particulièrement touchées par la faim, car leurs pouvoirs, leurs revenus et leur niveau d’éducation sont moins élevés que ceux des hommes.
L’idéation : un projet d’agriculture urbaine – Sur la base de ces constats, les participants à la phase d’idéation ont imaginé un projet agrosylvopastoral expérimental sur le campus universitaire destiné à améliorer l’alimentation des étudiants et des habitants de Tawfekh. Des périmètres agroforestiers diversifiés et de petits élevages (volailles) seraient gérés par des étudiants et des agriculteurs et éleveurs expérimentés. Les produits seraient destinés en priorité aux étudiants ou vendus à la cafétéria. Les surplus seraient vendus en ville et à Tawfekh à coût modique, ce qui permettrait de générer des revenus en plus d’améliorer l’alimentation des familles de ce quartier. Plus encore, ces activités contribueraient à faire de Bambey une ville durable où la sécurité alimentaire serait sensiblement améliorée.
Conclusion
En dépit de son caractère éphémère et non contraignant, cet exercice aura confirmé le rôle structurant que pourrait jouer l’Université Alioune Diop dans la réduction de la faim à Bambey. Il aura de plus montré la faisabilité d’une approche inclusive et décloisonnée pour réfléchir au développement durable intégré à l’échelle urbaine.
*En collaboration avec :
Daniel Olivier-Cividino | Maîtrise en architecture et Maîtrise en science de l’architecture, Faculté d’aménagement, d’architecture, d’art et de design.
Marwa Neda | Baccalauréat en architecture, Faculté d’aménagement, d’architecture, d’art et de design.
Babacar Dramé | Licence en Ingénierie du Développement Durable et Management de l’Environnement, Santé et Développement Durable, Université Alioune Diop de Bambey Barhama
Diallo Sbn | Licence Ingénierie du Développement Durable et Management de l’Environnement, Santé et Développement Durable, Université Alioune Diop de Bambey
[ODD2030]
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