Au regard de la dramatique problématique climatique et de l'insuffisance du texte de loi à engager une trajectoire compatible avec un futur souhaitable, 133 signataires - acteurs actifs sur les enjeux climat, et 48 soutiens - entreprises, collectivités ou acteurs indépendants se joignent à l'Appel pour atteindre les objectifs de l'Accord de Paris.
Cette tribune, rédigée par nos membres en mars dernier, a été envoyée aujourd’hui au Président de la République, Emmanuel Macron, pour la seconde fois.
Nous sommes nombreux à souhaiter voir des mesures plus ambitieuses et à la hauteur des enjeux votés par le Gouvernement.
Parmi les signataires et soutiens : 2tonnes, Association Bilan Carbone (ABC), Avenir Climatique, BL évolution, Carbone 4, Collectif Citoyens pour le Climat / Citizens for Climate, CliMates, ekodev, Eqinov, GreenFlex, I Care & Consult, Innopublica, Institut de l'Économie Positive, Iter, coopérative de conseil en mobilités, Les 150 - Citoyens de la Convention Climat, Mobeetip, REEVE ( Réseau éco-évènement ), TK'Blue Agency Vizea, WELYA, YuAct, Yuwway
Pour découvrir les 170 signataires et soutiens qui se sont engagés pour la tribune : c'est par ici !
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Monsieur le Président de la République,
Depuis le 29 mars, le texte si important de la Loi Climat et Résilience fait l’objet d’un examen à l’Assemblée Nationale. Ce texte est une étape de plus dans la stratégie française de décarbonation de nos modes de vie pour contenir le changement climatique dans des limites acceptables. Malheureusement, nous, Professionnels du Conseil Climat, vous alertons sur le fait que le texte en l’état n’est pas suffisant pour diviser comme nécessaire notre empreinte carbone par deux d’ici à 2030.
Nous vous proposons trois mesures fortes pour accélérer le rythme de notre transition :
1) La formation rapide et obligatoire des décideurs et de tous les français
2) L’évaluation systématique des impacts climatiques de toutes les politiques privées et publiques
3) Se donner les moyens pour respecter la trajectoire de la SNBC
Le début de votre quinquennat a été marqué par des signes très encourageants pour le climat : la création d’un Ministère d’État de la Transition Ecologique et Solidaire, d’un Haut Conseil pour le Climat (HCC), et l’instauration de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC), une expérience de démocratie participative inédite.
Malheureusement, les deux dernières années ont mis cette dynamique à rude épreuve. Le Ministère d’Etat n’en est plus un. Le HCC publie régulièrement, chiffres à la clé, les efforts encore nécessaires à la France pour respecter ses engagements lors de l’Accord de Paris. Enfin, le projet de Loi Climat et Résilience à partir des propositions de la CCC porte de nombreux sujets mais ne présente pas des moyens à la hauteur des objectifs, comme le montrent les rapports du Conseil Economique, Social et Environnemental, du Conseil National de la Transition Ecologique et du HCC.
La problématique climatique est dramatiquement simple. Notre atmosphère est telle une baignoire qui se remplit de nos émissions de gaz à effet de serre (GES). Cette baignoire porte les graduations du dérèglement climatique à l’échelle mondiale : 1°C (déjà sous le niveau de l’eau), 1.5°C (très proche du niveau de l’eau), 2°C… Au-delà de 2°C, la baignoire peut déborder à tout moment à cause d’effets de seuil irréversibles et de possibles emballements [4]. La réponse aux enjeux climatiques est la suivante : réduire le débit de tous les robinets qui alimentent cette baignoire avant que le niveau ne soit trop élevé. Le rythme de remplissage n’a toujours pas ralenti et notre fenêtre d’action est très étroite : seulement 10 ans pour limiter le changement climatique à 1.5°C et 30 ans pour le limiter à 2°C [5], à condition d’agir avec force et volonté dès à présent. C’était l’ambition de l’Accord de Paris, impliquant pour la France une division par deux de ses émissions en 2030 et la neutralité carbone d’ici à 2050.
Mais ces engagements se heurtent à l’épreuve des chiffres : la France devait dans un premier temps réduire ses émissions de 2.2% par an et le compte n’y est pas d’après le bilan de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC – période 2015-2018) [6]. La réduction constatée sur cette première période n’est que de 1% par an, et même celle de 2019 mise en avant reste inférieure à 2%. Ce retard est présenté comme majoritairement structurel : les émissions ne diminuent pas assez vite dans plusieurs secteurs. C’est donc bien de quantification de nos efforts et de mise en cohérence des moyens mis en œuvre dont il s’agit, et pas uniquement d’ambitions de long terme. Ainsi pour atteindre nos objectifs climat, pourquoi ne pas avoir remplacé le « joker » des 110km/h sur autoroute, dont le potentiel de réduction de GES est considérable (entre 1 et 2 Mt CO2 eq/an [7, 8]) avec une mise en œuvre simple et immédiate, par des mesures de même impact ?
L’objectif de -2.2%/an n’étant pas atteint aujourd’hui, comment imaginer atteindre des réductions de -5%/an prévues dans la SNBC pour la période 2030-2050 [6] (-20 Mt CO2 eq chaque année) ? L’enjeu n’est pas d’attendre que toutes nos organisations soient prêtes à subir ces réductions, mais au contraire de les accompagner au plus vite à les respecter. Plus les efforts sont retardés, plus la pente sera raide vers la neutralité carbone en 2050, et plus les risques seront grands car les effets du changement climatique ne sont pas linéaires.
Enfin, la SNBC ne porte que sur l’inventaire national et non sur notre empreinte carbone, qui est quasi constante depuis 1995. En somme, seule une partie des robinets est concernée et la baignoire se remplit toujours à la même vitesse, à cause de nos importations. Les réductions drastiques exigées par la SNBC devraient donc être doublées en prenant en compte l’ensemble de notre empreinte, nous obligeant dès aujourd’hui à multiplier nos efforts.
C’est pourquoi, Monsieur le Président, nous ne vous demandons pas de mesures ponctuelles ou sectorielles. L’enjeu étant bien plus large, trois demandes transversales vous sont faites :
La CCC a montré que toute personne informée par des experts pouvait s’emparer de ce sujet important et faire des propositions pleines de sens. Nous vous demandons une formation régulière et évolutive de tous les décideurs actuels et futurs à tous les échelons, et de la population aux enjeux, afin de favoriser l’acceptation des changements. De plus, un rapport de l’ADEME pointe le fait que 54% des parlementaires croient que le changement climatique pourra être limité à un niveau raisonnable [9], ce qui est incompatible avec le rythme actuel. Nous vous demandons donc de faire suivre immédiatement à ces parlementaires le même parcours de formation que les membres de la CCC pour leur permettre d’appréhender l’ampleur et la profondeur des changements nécessaires et les caractères inédit et urgent de la situation.
Pour assurer la cohérence des toutes les politiques publiques et privées, il est nécessaire d’évaluer au préalable les impacts climatiques de chaque action. Cette cohérence doit s’appliquer à toutes les échelles, tout autant pour le déploiement de la 5G [10], les accords internationaux, les plans et stratégies de l’Etat, des entreprises et territoires. D’autant que de nombreux outils sont disponibles, comme les plans de transition, les plans climat ou la démarche ACT.
Les changements à venir demandent des moyens colossaux à toutes les échelles. Il est donc nécessaire de mobiliser tous les moyens humains et financiers disponibles (en particulier en réorientant les 70 milliards d’€ du Plan de Relance qui pourraient avoir un effet néfaste sur le climat [11]) pour assurer de réelles mutations structurelles. A titre d’exemple, la mise en œuvre de la transition à l’échelle locale (hors investissements privés) se chiffre autour de 100€/an/habitant, soit 6,5 Mds € /an. Ces efforts d’investissements doivent s’inscrire dans la durée pour accompagner la transition sur le long terme et préserver l’emploi.
Ces changements sont urgents pour éviter que la baignoire ne déborde.
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09/08/24 à 08h48 GMT