Changement climatique, pandémie de Covid-19, guerre en Ukraine… Le secteur de la construction et de l’immobilier doit faire face à de multiples crises qui ont des conséquences sur l’accès au logement. Les professionnels sont en première ligne face aux enjeux du développement durable.
La crise climatique, dont le dernier rapport du GIEC vient de souligner l’urgence, a mis en évidence la nécessité d’améliorer l’efficacité énergétique des logements. Le bâtiment est en effet l’un des plus gros contributeurs à l’empreinte carbone de nos économies. En France, les bâtiments résidentiels et tertiaires produisent 24 % des émissions de CO2. Des chiffres qui font de ce secteur, avec celui des transports, l’un de ceux dont le potentiel de contribution à la lutte contre le réchauffement climatique est le plus important. Il doit donc poursuivre sa mutation pour réduire son impact sur l’environnement.
La crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 a, de son côté, modifié les modes de consommation et les projets de vie, ainsi que le rapport au travail et au logement. Les périodes de confinement ont confirmé combien le logement est structurant dans nos vies. Résultat : la quête de confort et de « mieux-vivre », liée notamment à la progression du télétravail, n’a jamais été aussi forte. La crise sanitaire a notamment éveillé, dans la population francilienne, un désir de relocalisation vers des régions aux tissus urbains moins denses, où elle espère trouver une meilleure qualité de vie. Le Credoc note ainsi une appétence nouvelle pour les villes moyennes, les maisons individuelles avec jardin ou les appartements avec terrasse ou balcon. La possibilité d’aménager un bureau séparé est aussi fondamentale, tout comme la qualité du réseau internet.
Parallèlement, la crise sanitaire a également entraîné, suite à la rupture de la chaîne logistique, une pénurie et une flambée des prix des matériaux qui pèsent sur le secteur de la construction, et donc sur l’offre et le prix des logements. L’inflation de certains produits a ainsi atteint des sommets dès 2021, selon les chiffres de la FFB (Fédération française du bâtiment) : 90 % pour l’acier, un triplement pour le bois, entre 30 % à 60 % pour les peintures et PVC... Puis est venue s’ajouter l’explosion des prix de l’énergie, causée par la reprise économique mondiale.
Tensions et incertitudes liées à la guerre en Ukraine
C’est dans ce contexte déjà très troublé que le secteur doit désormais affronter les conséquences de la guerre en Ukraine, qui renforce « dramatiquement les risques de pénuries et d’inflation de l’ensemble des coûts de production », selon la FFB. L’Ukraine, la Russie et la Biélorussie sont de gros producteurs d’acier mais aussi d’aluminium ou de cobalt. Le cas de l’acier est le plus préoccupant, explique Olivier Salleron, le président de la FFB : les tiges et les grillages servant au béton armé en France sont en effet fabriqués par la société italienne Riva, à partir de grandes quantités d’acier livrées par les fonderies ukrainiennes, qui aujourd’hui sont à l’arrêt. La Russie est aussi le deuxième producteur d’aluminium, dont le prix s’envole et avec lui, celui des fenêtres et des pergolas. Cuivre, bois et tuiles sont également de plus en plus chers. Sans compter la hausse du cours du pétrole, qui fait enfler le coût du transport.
Résultat : le coût des rénovations, mais aussi des constructions de logements neufs va continuer à augmenter. « Avec le conflit en Ukraine, les difficultés d’acheminement de matériaux comme l’acier ou l’aluminium dont le cours s’envole, combinées à la hausse du prix de l’énergie, notamment le pétrole, nécessaire pour produire de nombreux matériaux, devraient entraîner une nouvelle hausse des coûts de construction que l’on retrouvera dans le prix d’achat des biens neufs et dans le budget global d’acquisition de biens anciens avec travaux », analyse ainsi Julie Bachet, directrice générale du courtier en crédit Vousfinancer.
Face à ce renchérissement du coût du logement, Olivier Salleron plaide pour des mesures de soutien qui permettront d’atteindre l’objectif de 500.000 logements construits par an, nécessaire pour faire face à la pénurie. Il propose notamment de « mettre le paquet » sur la rénovation énergétique : « Aujourd’hui on peut doubler, voire tripler les volumes de Ma prime rénov’ s’il y a des aides pour les particuliers ». Pour le président de la FFB, la relance de la construction est la seule réponse au besoin de loger de manière abordable l’ensemble de la population.
La RSE, « vecteur de renouvellement » ?
La RSE va-t-elle être sacrifiée dans cette période de crises et d’incertitudes ? Ou représente-t-elle au contraire une partie de la solution ? « La construction doit être un acteur de lutte contre le réchauffement climatique. Les enjeux auxquels est aujourd’hui confrontée la filière (logement abordable, pouvoir d’achat, transition écologique, emplois non délocalisables dans les territoires, cohérence des réglementations), imposent d’inscrire dans la durée une véritable stratégie sur la construction neuve, la rénovation, la lutte contre la fracture territoriale, le renouvellement urbain, la revitalisation des centres villes, ainsi que l’aménagement des territoires », estime Olivier Salleron, le président de la FFB. Les professionnels de la construction et de l’immobilier sont donc en première ligne face aux enjeux du développement durable.
« Ces crises doivent nous interroger sur l’évolution des modes de vie à l’heure où nous entrons dans un nouveau paradigme dont le digital, l’écologie et l’équilibre personnel sont les fondations », estime pour sa part Daniel Rigny, président de TwentyTwo Real Estate, un groupe qui gère 4,5 milliards d’actifs immobiliers dont une partie significative dans le résidentiel. Pour le dirigeant, « la crise doit être un catalyseur de RSE et une opportunité d’améliorer les modèles du passé par un développement plus harmonieux et durable » car « dans ce contexte, la RSE n’est pas accessoire, mais bel et bien un vecteur de renouvellement ».
Label ISR et critères ESG
Couvrant toute la chaîne de valeur depuis l’investissement jusqu’à la gestion opérationnelle et administrative, TwentyTwo Real Estate propose, à travers sa foncière Powerhouse Habitat, une offre locative à loyer abordable, répondant à des standards élevés de confort, de services et d’efficacité énergétique. L’OPPCI PWH, qui détient ces logements à travers Powerhouse Habitat, vient d’obtenir à ce titre le label ISR (Investissement Socialement Responsable). Un label exigeant, délivré par le ministère de l’Economie pour trois ans après un audit de l’Afnor, et qui permet de distinguer les fonds d’investissement mettant en œuvre une méthodologie ISR robuste, avec des résultats mesurables et concrets, dans une démarche d’amélioration continue.
La foncière a ainsi mené au cours des deux dernières années des actions ciblées de réduction des émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble de son parc de maisons individuelles, qui ont notamment permis d’atteindre la classe A (bas carbone) du diagnostic de performance énergétique (DPE) pour des logements construits dans les années 1980. L’amélioration de l’efficacité énergétique de 250 maisons a ainsi permis de réduire la facture énergétique des locataires de 66 %. Dans les territoires, Powerhouse Habitat s’appuie également sur un tissu d’un millier de PME et TPE locales pour entretenir et rénover son patrimoine, contribuant ainsi à maintenir l’emploi local et à faire émerger un écosystème d’entreprises spécialisées dans la rénovation environnementale.
Cette dimension d’investissement socialement responsable (ISR) et cette prise en compte des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) intéressent de plus en plus les investisseurs institutionnels, notamment étrangers, qui font désormais de l’ESG un critère discriminant de leurs investissements. Le fonds français Ardian, premier groupe européen et géant mondial du capital-investissement, qui gère quelque 120 milliards d’euros d’actifs dans le monde, multiplie lui aussi les efforts pour s’affirmer comme l’un des leaders de la finance responsable. Depuis 2009, il accompagne ainsi les entreprises et les actifs de son portefeuille dans leurs démarches ESG. Plus qu’un critère normatif d’investissement, l’ISR devient donc un relais de croissance et un facteur de résilience dans un contexte d’instabilité et de changements structurels touchant aussi bien les professionnels de l’immobilier que les ménages.
11/12/24 à 13h46 GMT