Si la question de la gestion et du traitement des déchets se pose déjà pour les déchets domestiques dans chaque foyer français, elle prend une dimension globale et incontournable dans le cas des déchets produits par l’industrie et les grands chantiers. Une problématique majeure que des entreprises françaises tendent désormais à intégrer dans leurs processus.
Selon une étude statistique menée par le Ministère de la Transition écologique et solidaire en 2016, la France a produit cette année-là 323 millions de tonnes de déchets (1), dont une très large majorité a été générée par l’industrie. Conscientes du poids qu’elles représentent dans cette catégorie de production nationale, les entreprises françaises s’efforcent depuis plusieurs années déjà de réduire la masse impressionnante de déchets résultants de leurs activités, et d’en rationaliser l’élimination de façon plus cohérente qu’auparavant. Démonstration avec trois sociétés qui, chacune dans leur secteur, ont adopté depuis une démarche plus vertueuse de la gestion de leurs déchets.
Le grand pari(s) d’Eiffage
Avec quatre nouvelles lignes de métro, l’allongement d’une cinquième et la construction de 68 gares, le Grand Paris Express (2) est le plus grand projet urbain en Europe. Parmi les nombreux travaux à réaliser, Eiffage génie civil s’est vu attribuer le premier marché de génie civil concernant les lignes 14 Nord, 16 et 17 Sud (3), ainsi que les travaux de génie civil du sixième lot de la ligne 15 Sud du métro parisien (4). Deux chantiers gigantesques qui vont produire des millions de tonnes de déblais et gravats qu’il faudra trier afin de séparer les déchets polluants de ceux qui ne le sont pas. Pour faciliter le tri et la mise en sécurité des déchets les plus dangereux, Eiffage Génie civil a d’ailleurs installé sur certains de ses chantiers la « tri-box » (5), un conteneur spécialement dédié au tri des déchets et au stockage des produits chimiques. Le stockage des produits chimiques est équipé d’une plate-forme de rétention et permet la gestion d’une pollution accidentelle. Une initiative parmi d’autres qui va permettre à Eiffage génie civil de respecter l’objectif de 70% de valorisation des déchets du BTP fixé par la directive-cadre du 19 novembre 2008 relative aux déchets de l’Union Européenne (6) et la loi de transition énergétique pour la croissance verte (7), voire même de le dépasser puisqu’une étude a montré que, déjà l’an dernier, 80% des déchets issus du BTP étaient recyclés (8).
L’autre enjeu de tels chantiers, c’est bien sûr l’évacuation de ces tonnes de déchets. Afin de réduire au minimum son empreinte carbone, Eiffage génie civil a fait l’acquisition de quinze véhicules Volvo FH GNL (9) (Gaz Naturel Liquéfié) qui ont la particularité de réduire les émissions de CO2 de 20 à 100 % par rapport au diesel, selon le type de gaz utilisé. « Ces camions participent à la stratégie multimodale d’évacuation des déblais qui était convenue avec le client et viennent compléter l’offre rail et fluviale que nous avions proposée », explique Alain Bertoni (10), directeur du matériel d’Eiffage Génie civil. Cette démarche illustre l’engagement pris depuis 2008 par Eiffage de maîtriser son empreinte carbone qui lui a récemment valu de voirsa note relevée de B à A- (11) dans le classement Climate Change 2020 du CDP (Carbon Disclosure Project). Une distinction que devrait apprécier Guillaume Sauvé, le président d’Eiffage génie civil et Métal qui se félicitait (12) il y a quelques mois qu’il y ait « une vraie prise de conscience écologique » en France.
Naval Group agit en sous-marin
Déconstruire le Tonnant, Le Terrible, Le Foudroyant, L’Indomptable et L’Inflexible, cinq sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), c’est la mission titanesque que la Direction générale de l’armement (13) a confiée à la société Naval Group (14), présidée depuis avril dernier par Pierre Pommellet. Les travaux n’ont débuté que plusieurs mois après, le temps de mettre en place un site de déconstruction au sein d’une installation classée pour la protection de l’environnement. Il faut dire que, même si ce chantier n’inclut pas les chaufferies nucléaires, séparées de la coque et démantelées au préalable, les chiffres n’en restent pas moins impressionnants : chaque navire mesure plus de cent mètres de long pour dix mètres de diamètre et pèse 7000 tonnes, avec une intrication de matériaux d’une complexité inégalée. Pour mener à bien cette mission, Naval Group, leader européen du naval de défense et acteur majeur du secteur dans le monde, a sous-traité la déconstruction, la gestion et la valorisation des déchets à Véolia (15), et le désamiantage à Neom (16), filiale de Vinci Construction France.
Le premier des cinq SNLE, le Tonnant, a ainsi fait son entrée dans une forme de déconstruction de Naval Group le 11 septembre 2018 (17) à Cherbourg. Nettoyage, dégazage, pompage des polluants résiduels de la machine, désamiantage et enfin découpe de la coque, chaque sous-marin nécessitera dix-huit mois de travaux. Bien entendu, Naval Group apportera un soin tout particulier au traitement des déchets de ce colossal chantier. « L’objectif est qu’aucun déchet ne reste en dehors de la filière. Nous allons revaloriser 87 % de la masse solide des déchets après dépollution ou nettoyage », explique un porte-parole de Naval Group (18). Par ailleurs, le groupe précise que les 13% restants seront envoyés dans des filières de traitement classifiées.
Tarmac Aerosave recycle les avions
Alors que le trafic aérien n’a cessé de s’intensifier ces dernières années, la question de l’avenir des avions en fin de vie risque de se poser de plus en plus fréquemment. Heureusement, certaines entreprises ont anticipé ce phénomène depuis plusieurs années. C’est le cas, notamment, de Tarmac Aerosave. Née en 2007 de l’alliance de l’avionneur Airbus, du fabricant de moteurs Safran et du spécialiste de la valorisation des déchets Suez, tous trois actionnaires pour un tiers (20), cette entreprise s’est très tôt spécialisée dans le démantèlement et le recyclage d’avions. Un marché porteur appelé à se développer car, si 500 avions arrêtaient de voler chaque année en 2017, ce nombre devrait doubler d’ici une petite vingtaine d’années (21).
Leader européen sur ce marché, Tarmac Aerosave a développé une compétence unique. « Nous réussissons aujourd’hui à recycler 90% de la masse d’un appareil, pratiquement tout sauf les composites et les mousses. Personne d’autre au monde ne sait le faire », se félicite Patrick Lecer (22), le président de la société. Pour démanteler un avion, la société commence par le décontaminer, éliminant toutes les substances dangereuses et les matériaux inflammables et explosifs. Ensuite, elle récupère tout ce qui peut être réutilisé : moteur, trains d’atterrissage, sièges… toutes ces parties de l’avion sont vérifiées et recertifiées afin d’être revendues en tant que pièces de rechange pour les appareils en service. Enfin, vient la déconstruction proprement dite, soit le découpage de la carlingue dans le respect des normes environnementales. Ce processus qu’elle maîtrise parfaitement, Tarmac Aerosave l’a mis en pratique pour la toute première fois sur un Airbus A380 (23) l’année dernière. Pour démanteler le superjumbo, l’entreprise a dû développer de nouveaux processus et des outils sur mesure, notamment des berceaux sur lesquels poser l’avion afin de le déplacer. Par ailleurs, les procédures de sécurité du personnel ont été renforcées lors de la phase de démantèlement des pièces lourdes en hauteur. Une opération menée avec succès à la plus grande joie de Patrick Lecer. « Nous sommes très fiers de ces succès industriels, obtenus avec le plus grand avion du monde actuellement en service », a déclaré le président de Tarmac Aerosave (24).
Sources :
(2) https://www.societedugrandparis.fr/gpe/le-grand-paris-express-en-resume
(6) https://www.ecologie.gouv.fr/dechets-du-batiment
(7) https://www.ecologie.gouv.fr/loi-transition-energetique-croissance-verte
(10) https://www.volvotrucks.fr/fr-fr/news/press-releases/2020/feb/pressrelease-200210.html
(16) https://www.neom.pro/vinci/reference-desamiantage-de-5-coques-dex-snle/
(23) https://www.air-journal.fr/2019-11-20-desossage-des-a380-tarmac-aerosave-finit-le-premier-5216356.html
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17/10/24 à 09h35 GMT