La voiture à air comprimé a plusieurs avantages d’un point de vue socio-économique et environnemental par rapport à l’automobile électrique. Il est donc important qu’elle soit considérée comme l’alternative de demain dans les régions « vertes » comme le Québec.
Depuis quelques années, plusieurs pays se sont donné pour objectif de changer une proportion de leur flotte d’automobiles à carburant conventionnel par des voitures électriques. Dans la croyance populaire, ces voitures électriques semblent souvent perçues comme un remède miracle à notre dépendance au pétrole. L’impact réel de ces voitures tant sur notre consommation de pétrole que sur l’environnement est loin d’être miraculeux, il est en fait plutôt mitigé. D’un point de vue environnemental et socio-économique, d’autres alternatives seraient beaucoup plus intéressantes. Ces alternatives seront très efficaces pour les régions du monde qui produisent leur électricité majoritairement via les énergies renouvelables (comme le Québec ou la Norvège).
Les voitures à air comprimé (VACs) sont composées d’un moteur semblable à celui des voitures thermiques conventionnelles (moteur à piston), contrairement aux voitures électriques qui sont fabriquées avec un moteur très différent. Le « carburant » des VACs est l’air comprimé plutôt que l’essence ou le diesel pour les véhicules thermiques. Puisque l’air comprimé contenu dans les VACs est compressé via un compresseur électrique, l’énergie nécessaire à la propulsion des VACs provient ultimement de l’électricité produite par le réseau électrique local, comme tous les autres véhicules alternatifs. Ainsi, lorsque cette électricité est produite à partir de sources non renouvelables comme le diesel ou le charbon, les véhicules alternatifs (y compris les voitures électriques) peuvent consommer plus de carbone que les voitures conventionnelles (1). Dans les régions où les énergies renouvelables sont faiblement utilisées (par exemple en Europe), l’efficacité énergétique du véhicule de demain doit être la plus élevée possible pour qu’il y ait réellement une réduction de la consommation des hydrocarbures.
Cela nous amène à la raison de l’intérêt porté à la voiture électrique. Ce véhicule est en fait le plus efficace parmi tous ses compétiteurs avec son efficacité de 77 % contre 27 % pour la VAC et 21 % pour la voiture conventionnelle (2). Donc, pour la même distance parcourue, la VAC consomme 3 fois plus d’électricité que sa concurrente électrique. Toutefois, le coût énergétique nécessaire pour la construction du véhicule électrique correspond à plus de 2 fois celui pour construire une VAC, diminuant ainsi sa capacité à être un bon vecteur de réduction des gaz à effet de serre. De plus, les batteries des voitures électriques sont composées d’éléments nocifs pour l’environnement, notamment le lithium. Les réserves mondiales de ce métal pourraient aussi s’épuiser si la voiture électrique venait à être utilisée à grande échelle, la rendant « non renouvelable » en quelque sorte. Finalement, les batteries sont rarement recyclées étant donné le coût élevé du processus, augmentant ainsi le risque de pénurie et leur impact sur l’environnement.
Les régions comme le Québec et la Norvège produisent leur électricité en grande partie avec des énergies renouvelables (plus de 97 % au Québec (3) et environ 70 % en Norvège (4)). Dans ces régions, un véhicule avec une haute efficacité énergétique n’est pas nécessaire pour réduire les gaz à effet de serre. Les autres aspects comme l’autonomie, le temps pour faire le plein et les dangers environnementaux devraient donc avoir plus d’importance dans leur prise de décision sur le choix du véhicule de demain. D’après Tata Motors (le plus grand constructeur de véhicules indiens), les VACs peuvent avoir une autonomie semblable aux voitures électriques (de 200 à 300 km), mais le plein d’une VAC peut se faire en seulement 3 minutes, avec un coût estimé à 3 $, contre 30 minutes pour une voiture électrique et un coût d’environ 1,5 $. Le réservoir en fibre de carbone de la VAC n’est pas composé de matériaux rares ou néfastes pour l’environnement et peut être recyclé beaucoup plus facilement qu’une batterie. Ces véhicules présentent donc plusieurs avantages par rapport aux voitures électriques, tant pour leur efficacité dans le transport à longue distance que pour leur impact sur la planète.
Puisque la technologie de la VAC est semblable à celle de la voiture à combustion (moteur à piston), la transition vers cette technologie serait plus facile que vers celle des voitures électriques. Cette particularité ferait en sorte que l’industrie automobile n’aurait pas besoin de grandes modifications et que les travailleurs dans le domaine de la mécanique pourraient s’adapter facilement. Des stations à remplissage rapide seraient également nécessaires et pourraient être intégrées graduellement aux stations d’essence actuelles, permettant ainsi de les conserver. Finalement, le coût d’une VAC est semblable à celui des voitures conventionnelles puisque la technologie est similaire. Son coût serait même parfois moindre car sa construction est moins énergivore. La voiture à air comprimé pourrait donc devenir rapidement plus attrayante pour le consommateur que ses homologues électrique et thermique.
Le manque d’offres, tant pour les voitures électriques que celles à air comprimé, pourrait être considéré comme un obstacle. Toutefois, il est possible d’utiliser cet obstacle comme un vecteur économique si les gouvernements des régions d’intérêts voulaient investir dans le développement des nouvelles voitures et dans leur mise en marché. Le Québec, avec pratiquement 100 % d’électricité renouvelable, est la région du monde la plus propice pour s’approprier la technologie des VACs. Cette voiture pourrait alors s’allier à un meilleur système de transport en commun pour réduire de façon notable la dépendance du Québec au pétrole et permettre de développer son économie tant en milieu urbain qu’en région. Il semble toutefois que le gouvernement préfère prospecter l’or noir que d’investir dans un secteur qui pourrait être bénéfique pour toute la population et qui protégerait notre environnement.
RÉFÉRENCES :
(1) Hawkins, T.R., Singh, B., Majeau-Bettez, G. et Strømman, A.H., 2013. Comparative Environmental Life Cycle Assessment of Conventional and Electric Vehicles. Journal of Industrial Ecology, 17(1), 53-64.
(2) Creutzig, F., Papson, A., Schipper, L., et Kammen, D.M., 2009. Economic and environmental evaluation of compressed-air cars. Environmental Research Letters, 4(4), 044011.
(3) Gouvernement du Québec, 2013. Production d’électricité [en ligne]. Énergie et Ressources naturelles Québec. www.mern.gouv.qc.ca/energie/statistiques/statistiques-production-electricite.jsp [consulté le 17 février 2015].
(4) Eurostats, 2014. Statistiques sur les énergies renouvelables [en ligne]. European Commission. http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Renewable_energy_statistics/fr#Principaux_r. C3.A9sultats_statistiques [consulté le 17 février 2015].
Source: L'Interdisciplinaire, journal étudiant de l'Institut EDS
[Journallinterdisciplinaire]