Au sommaire :
- un entretien exclusif avec Teresa Ribera, la patronne de l'IDDRI ;
- une synthèse des engagements de la société civile mondiale ;
- le point sur l'état des négociations et les enjeux du sommet climatique de Paris.
Edito : Un peu de cynisme
En diplomatie, on n’a ni ami, ni ennemi. Juste des intérêts à défendre avec des alliés de circonstance, contre des adversaires qui peuvent ne pas le rester longtemps. Il en est de même dans les négociations climatiques. A priori, « l’ennemi » est tout désigné : ce sont les pays producteurs de pétrole. Et il est vrai que leur je-m’en-foutisme climatique les installe naturellement à cette place. Ce n’est pourtant pas si simple.
La plupart d’entre eux tendent les verges pour se faire battre. La Russie a pris d’honorables engagements d’atténuation (-25 à -30 % de GES entre 1990 et 2030), mais n’entend les respecter qu’en regardant ses forêts pousser.
Angola, Koweït, Libye, Nigeria, Venezuela n’ont pas pris la plume pour rédiger un semblant de contribution nationale volontaire (INDC en jargon onusien) pour l’ONU. En réglant un peu ses climatiseurs, Oman veut bien abattre de 1,2 million de tonnes ses émissions de GES ; on frise le foutage de gueule.
Certains sont plus malins. En développant les renouvelables, le nucléaire et le captage-stockage de CO2 (CSC), l’Arabie Saoudite entend réduire ses émissions de GES de 130 millions de tonnes en 2030, par rapport à un scénario tendanciel de 750 millions de tonnes. Paré du voile de la vertu, Ryad s’autorise tout de même une hausse de 35 % de ses rejets carbonés en quinze ans. L’Irak fait le même calcul : une
réduction de 14 % par rapport au scénario « fil de l’eau » lui laisse la possibilité de faire bondir de 72 % ses émissions entre 2015 et 2035.
Le cas de l’Algérie mérite qu’on s’y arrête. Même si elle estime n’avoir aucune « responsabilité historique […] en matière d’accumulation des gaz à effet de serre », Alger fait une honnête proposition. En 2021 et 2030, le plus vaste pays du Maghreb propose de diminuer ses rejets de 7 %. Un but dont l’ambition peut être triplée, moyennant un sérieux coup de main des pays riches. Et ce ne sont pas les travaux
qui manquent : reconquête de milliers de kilomètres carrés de terres arables, rénovation énergétique de millions de logements, électrification solaire, amélioration de la gestion des déchets, réduction du torchage, reboisement. De quoi faire travailler les capitaux et les entreprises du Nord. Et, éventuellement, de sécuriser leur approvisionnement en électricité. La fondation Désertec milite pour l’installation de centrales solaires dans le Sahara, dont une partie de la production alimenterait l’Europe.
L’Iran fait un pari comparable à celui de l’Algérie. Seule, Téhéran estime pouvoir réduire de 4 % ses rejets d’ici à 2030. Avec des technologies occidentales de raffinage, de nouveaux réseaux de transport de gaz et d’électricité, des centrales électriques de dernière génération, des énergies décarbonées et du CSC, la contribution iranienne pourrait tripler, insiste la théocratie.
Voilà qui facilite le travail des diplomates. D’un côté, les pays pétroliers qui ne feront jamais rien pour renoncer à leur rente pétrolière et faciliter la mise en oeuvre d’un accord sur le climat. De l’autre, des partenaires qui cherchent compétences, technologies, capitaux et des moyens de retenir chez eux leurs populations.
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