Dans le cadre de la mise en œuvre du Système normalisé d’observation indépendante externe (SNOIE), il a été constaté plusieurs irrégularités faites par les acteurs de la société civile qui considéraient davantage l’opération d’observation indépendante comme une défiance vis-à-vis des pouvoirs publics. Face à cette situation, World Resources Institute (WRI) accompagne les organisations de la société civile à ne plus faire l’observation indépendante et des publications sans vérification des différentes sources d’informations. « On souhaite arriver à un niveau où, lorsqu’on a obtenu des données préliminaires suite aux alertes qui viennent du terrain, qu’on échange avec les parties prenantes (autorités locales, secteur privé et communautés locales) pour leur présenter les premières tendances et demander leurs points de vue avant de finaliser le rapport et le partager avec les décideurs pour les aviser sur la situation et les rendre public après un délai d’au moins 30 jours », explique le directeur de l’initiative Open Timber Portal pour le Bassin du Congo à World Resources Institute Africa, Dr. Achille Djeagou Tchoffo.
Le rôle de l’organisation internationale de recherche est d’apporter de la rigueur dans le travail de la société civile et toutes les règles éthiques qui l’entoure. « On ne travaille pas contre le gouvernement, mais pour l’intérêt du pays. A ce titre, on regarde ce sur quoi le gouvernement a souscrit pour protéger ses forêts et les gérer durablement. La conservation demande des sacrifices pour concilier les intérêts économiques et sociaux de développement local », confie notre interlocuteur. Par exemple, la réduction de la quantité d’arbres à abattre pourrait permettre que les générations futures puissent bénéficier de la ressource tout en permettant à l’Etat de tirer les avantages économiques continus pour ses projets structurants, suite à la planification de l’exploitation sur le long terme par rapport aux objectifs d’aménagement et à l’investisseur de trouver la rentabilité suite à son investissement.
In fine, l’objectif de WRI est de promouvoir la transparence dans les chaînes d’approvisionnement. « Nous voulons toujours améliorer l’image du bois camerounais à l’échelle internationale. Si les statistiques qui viennent de certaines sources au niveau international montrent que le niveau d’exploitation illégale est toujours élevé, cela veut dire qu’il y a un problème sur la chaîne d’approvisionnement. Même les entreprises qui ont la volonté de travailler correctement et de respecter la légalité vont être touchées. Si le Cameroun est un pays où l’on dit que 80% du bois est illégal, la probabilité est grande que le bois en provenance du pays soit mal apprécié », fait observer Dr. Djeagou.
« Il faut arriver à démontrer que malgré l’existence des opérateurs véreux, il y en a qui font des efforts pour respecter la règlementation. C’est ce que nous faisons à travers l’Open Timber Portal (OTP), pour mettre en lumière les meilleurs exploitants et travailler aussi à faire monter les plus faibles pour qu’ils comprennent l’intérêt à travailler dans la légalité », poursuit le responsable de WRI Africa. Le travail mené avec la société civile vise à amener l’Etat à évaluer les pertes quand certains opérateurs ne veulent pas rendre leurs chaînes d’approvisionnement transparentes.
Un gage d’accès au marché international
L’autre pendant de la démarche entreprise par WRI est d’aider les forêts communales à accéder au marché. Dans cette dynamique, d’autres partenaires comme la GIZ (organisme de coopération allemande; ndlr) accordent des appuis directs aux communautés pour les aider à obtenir les plans d’aménagement. L’enjeu est de se rassurer que le bois soit vendu dans les circuits légaux, pour garantir les salaires des employés et promouvoir un développement au niveau local. Et que les communes forestières participent aux initiatives de transparence. Jusqu’à présent, elles ne sont pas très visibles, en raison du fait que parfois, elles travaillent beaucoup avec des partenaires qui signent des contrats d’achat ou d’exploitation et ce sont elles qui cherchent les marchés, confie-t-on à WRI.
Par rapport à la traçabilité, quand le bois arrive dans les pays consommateurs, l’origine est toujours requise. Cela renvoie au titre et à la zone d’exploitation, c’est-à-dire que ça peut venir d’une UFA, d’une vente de coupe, d’une forêt communale…Toujours est-il qu’on regarde les portails publics pour se rassurer qu’il y a les données pour atténuer les risques d’illégalité. « On doit les pousser à fournir des efforts en termes de transparence. Les enjeux sont énormes et plusieurs acteurs doivent se mettre en synergie », indique Dr. Djeagou.
Les résultats obtenus depuis le déploiement de l’Open Timber Portal sont encourageants
Le déploiement de l’OTP est de permettre que tout le monde puisse avoir accès au marché. C’est la raison pour laquelle l’implication de nouveaux partenaires financiers pour accentuer la sensibilisation au niveau des communes par exemple permettrait d’avoir un niveau d’adhésion élevée. En identifiant les opérateurs qui sont en activité dans les ventes de coupe et référencés dans l’Open Timber Portal et dont transparentes, ils pourraient mieux vendre leur bois. De l’autre côté, les engagements souscrits vis-à-vis des communautés notamment en termes de réalisations sociales, seront également respectés. « Quand on a des commandes qui ne passent pas ou qui traînent à être payées parce que le temps de diligence raisonnée en Europe ou aux Etats-Unis se rallonge, c’est un manque à gagner pour les populations. Nous sommes favorables à ce que tous les espaces dédiés à la production du bois puissent avoir un meilleur accès au marché pour le bien-être des communautés et pour le développement du pays », indique le directeur de l’initiative Open Timber Portal pour le Bassin du Congo à WRI Africa.
Depuis 2019 que l’organisation a déployé l’Open Timber Portal au Cameroun, on n’est pas encore à 100%. Mais, WRI reste optimiste. « Nous croyons qu’avec le travail qui est abattu, notre volonté d’appuyer tout le monde sans exception pourra permettre d’obtenir 100% des opérateurs camerounais qui publient leurs documents dans le portail et mieux vendre leur bois sur le marché international », rassure Dr. Djeagou. Au niveau des forêts communales, une vingtaine d’opérateurs sont en activité, dont moins de 20% publient leurs documents dans l’OTP. Dans les Unités forestières d’aménagement (UFA), une centaine dont moins de 50% publient leurs données dans le portail. Certes l’adhésion est volontaire, des efforts en termes de sensibilisation sont fournis, surtout que l’utilisation de la plateforme est gratuite. Le marché aussi met parfois la pression sur les fournisseurs dans les pays producteurs comme le Cameroun.