Processus d'élaboration du code de l'eau au Bénin
Gestion des ressources en eau au Bénin
Vers un nouveau code pour combler les lacunes de l’ancien texte
Face aux nombreuses insuffisances que comporte le code de l’eau de 1987 servant de socle juridique aux acteurs de l’eau, le Bénin a entamé le processus d’élaboration d’un nouveau code pour coller à la réalité de la décentralisation et pour répondre aux principes de la Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE).
Le code de l’eau du Bénin est en vigueur depuis 1987. A l’épreuve, "il contient des tares", se désole le Directeur de l’Information sur l’Eau (DIE), Félix Azonsi. Il est même "caduque" répond Armand Houanyé, coordonnateur du Partenariat National de l’Eau (PNE). Pour le Directeur de la Planification et de la Gestion de l’Eau (DPGE), Grégoire Alé, "il ne cadre plus avec le contexte actuel". Un contexte marqué par l’avènement de la décentralisation en 2002 qui place les communes dans un nouveau rôle de gestion des ressources en eau au niveau local. Les insuffisances de l’ancien texte sont donc nombreuses.
Enumérant les incohérences de ce vieux texte, Félix Azonsi exprime tout son désarroi de voir par exemple, traiter les zones humides de zones insalubres à assécher alors qu’elles doivent être traitées comme des zones de transit et d’épuration des eaux. Il conclut simplement que c’est tout le volet environnemental qui n’est pas pris en compte. De plus, il signale que l’ancien texte ignore la Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE), un concept auquel le Bénin a adhéré depuis 1998 et qui prône une gestion concertée, durable et efficace de l’eau. La GIRE constitue de ce fait un moyen adéquat permettant de concilier les besoins différents des usagers avec la disponibilité de la ressource partagée par tous pour assurer sa durabilité. Les principes de la GIRE sont d’une importance capitale et ne devraient échapper à aucun texte de loi sur l’eau, renchérit Armand Houanyé. D’ailleurs, "il souffre de l’absence de textes et décrets d’application nécessaires pour sa mise en œuvre", ajoute Grégoire Alé. Mais fort heureusement, l’avant-projet de loi portant code de l’eau est déjà portée à l’Assemblée Nationale et pourra bientôt combler les insuffisances du code de 1987.
Les grandes innovations de l’avant-projet de loi
Bien que le document soit encore en étude, les acteurs de l’eau peuvent se féliciter des propositions d’innovations contenues dans l’avant-projet de loi. Il prévoit entre autres la gestion de l’eau par bassin. Félix Azonsi se laisse impressionner par un tel choix. Car, selon lui, "On ne peut pas gérer l’eau hors de son bassin hydrographique". Le bassin hydrographique étant un espace dans lequel toutes les eaux qui tombent ruissellent vers un même point qu’on appelle exutoire. Il ajoute que "si on ne gère pas l’eau dans toute son entièreté, on ne peut pas avoir ce qu’on veut". Outre la gestion par bassin, l’avant-projet de loi prévoit aussi la gestion par aquifère, l’aquifère étant un ensemble de roches ayant des capacités à contenir et à céder l’eau lorsqu’on en a besoin. Dans cette version de l’avant-projet de loi, une place de choix est accordée à la GIRE. Armand HOUANYE, Coordonnateur du PNE dont la structure soutient l’initiative d’élaboration du nouveau code conduite par le gouvernement, précise qu’en plus des principes de la GIRE contenus dans le nouveau texte en étude, un principe de subsidiarité y a été inséré et recommande la gestion de la ressource eau au plus bas niveau approprié avec l’implication de toutes les parties. Plus encore, le Directeur de l’Information sur l’Eau constate qu’avec les nouvelles propositions, "l’eau pourra financer l’eau". Car explique-t-il, en dehors des usages domestiques, les exploitants industriels devront payer des taxes pour assurer la survie de la ressource. Car à l’heure actuelle, ce sont les partenaires qui aident l’Etat à financer l’eau. Et en ce sens, il est à envisager selon lui des études pour bien orienter tous les exploitants potentiels qui choisissent d’exploiter la ressource au niveau des communes appelées à jouer un grand rôle dans le nouveau dispositif juridique en cours d’étude.
La décentralisation, un point fort de l’avant-projet
L’une des grandes insuffisances du code de 1987 est la non prise en compte de la décentralisation qui est postérieure à son adoption. Mais l’avant-projet de loi en cours d’étude vient réparer cette insuffisance en mettant les collectivités locales face à leurs responsabilités au regard des textes de la décentralisation. Toute une section a été consacrée à la gestion locale de la ressource. Dans cette section, le rôle des autorités locales est clairement mentionné. S’il est prévu que les conseils d’arrondissement et les conseils de village soient consultés sur toutes les questions relatives à la gestion de l’eau au niveau local et qu’ils gèrent l’ouvrage hydraulique, la masse d’eau ou la zone humide, tout doit être fait sous l’autorité des élus locaux. Félix Azonsi se fait plus clair et martèle que "tout ce qui doit être fait comme travaux doit l’être avec les communes". Car, signifie-t-il, "Ce n’est pas normal maintenant que la décentralisation est effective que les gens interviennent à l’insu des autorités communales". Mais, avertit-il il ne s’agira pas d’une gestion « sectaire » parce que la gestion par bassin couvre plusieurs communes. Et là, il faudra faire jouer l’intercommunalité et comprendre que la gestion de l’eau ne peut se faire de façon disparate mais concertée.
En attendant la fin du processus de mise en œuvre au niveau de la Représentation Nationale de cet important texte attendu de tous les vœux, les acteurs de l’eau peuvent se féliciter des propositions qu’il contient. Mais, encore faudra-t-il que les élus de la nation, valident par leur vote les nombreuses innovations qu’il comporte pour une gestion aisée et cohérente de la ressource eau au Bénin.
Encadré : Une question au Directeur Général de la Planification et de la Gestion de l’Eau du Ministère en charge de l’eau, Grégoire Alé.
Quelles sont les grandes lignes de l’avant-projet de loi en étude à la Cour suprême ?
Ce projet de loi définit les règles de gestion de l’eau basées sur la gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) et les dispositions institutionnelles adéquates pour assurer la concertation entre les acteurs à tous les niveaux et la coordination intersectorielle. Il prévoit entre autres, la mise en place et l’opérationnalisation : i) du Conseil National de l'Eau qui fonctionnera comme une assemblée de tous les acteurs (élus de la Nation, fonctionnaires de l'Etat, représentants des collectivités territoriales et de la société civile, usagers, opérateurs économiques, associations, personnalités qualifiées, ..) ; ii) du Comité Interministériel de Coordination qui assurera une bonne coordination et une collaboration entre tous les acteurs et le suivi de l’exécution des activités du processus de gestion intégrée des ressources en eau. Il joue le rôle de relais entre le Conseil de concertation et le Ministère en charge de l’eau qui suit régulièrement l'exécution des tâches ; iii) de comité de bassin (véritable "parlement" de l'eau) par ensemble hydrographique et regroupant des représentants des collectivités territoriales, des représentants des professions, activités, intérêts ou associations concernés par la gestion de l'eau, des personnalités qualifiées et des fonctionnaires de l'Etat. Il s’agit d’une instance de délibération appelée à se prononcer "entre autres sur les projets de schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux et sur les programmes d'intervention de l'Etat et des collectivités territoriales concernant l'eau, ainsi que sur les taux des redevances prévues par la loi portant gestion de l’eau. La nouvelle loi sur l’eau prévoit également au niveau local, de consulter "les conseils d'arrondissement et les conseils de villages ou de quartier de ville, sur les questions relatives à l'eau, et qui relèvent des compétences de la commune" ; et la création d’organe local de gestion de l'eau pour les ouvrages hydrauliques, les masses d'eau ou zones humides d'intérêt local.
Réalisé par Alain TOSSOUNON
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