Le gouvernement du Burkina Faso a investi, entre fin 2011 et début 2012, quelque 90 millions de francs CFA (environ 180.000 dollars) pour réaliser des mares artificielles équipées de plaques solaires dans le Parc 'W', comme solution d'urgence à une pénurie d'eau dont souffrent les animaux sauvages.
La soif a même poussé un couple de buffles à semer la panique dans la région de Bogandé, dans l'est du Burkina Faso, en novembre 2011, mais pour les populations de la localité, c'est la témérité des animaux qui a surpris.
"Les buffles sont restés longtemps autour du village Dorongou après avoir blessé un paysan. C'est du jamais vu. Mais, les explications des agents de l'environnement sur les causes de leur présence - liées au manque d'eau - ont calmé les populations", déclare Arzouma Tindano, un habitant de Bogandé. Les buffles rodent toujours autour du village.
Les groupements de gestion de la faune constituent un mécanisme qui associe les populations, l'Etat et les concessionnaires de zones de chasse, et facilite une sensibilisation sur la protection des animaux sauvages par les paysans qui en reçoivent chaque année des retombées financières, selon le ministère de l'Environnement et du Développement durable (MEDD).
"Les animaux sauvages risquent de rencontrer, cette année, le stress hydrique qui se traduit par la rareté des ressources en eau pour les grands mammifères qui sont la plupart dépendants de cette ressource", explique Urbain Bélemsobgo, directeur de la faune et des chasses au Burkina. Un éléphant adulte boit environ 200 litres d'eau par jour, indique-t-il.
En décembre 2011, le MEDD avait tiré la sonnette d'alarme sur les conséquences "désastreuses" du stress hydrique lié au déficit pluviométrique qui fait aussi peser des risques de famine dans 146 des 350 communes du pays. Le ministère avait prévenu également sur les risques de conflits entre les populations et certaines espèces animales.
Pierre Kafando, le coordonnateur de la réserve biosphère transfrontalière de la partie burkinabè du Parc régional 'W', parle de "situation catastrophique" et annonce déjà des décès d'animaux, notamment chez les petites espèces comme les ourébis, les céphalophes, et des primates comme les singes.
Le Parc régional 'W' est un grand complexe dénommé (W Arly Pendjari) de 10.000 kilomètres carrés, qui recouvre des parcs nationaux au niveau du Burkina, du Bénin et du Niger et des aires protégées confiées à des concessionnaires, le tout dans une zone transfrontalière commune aux trois pays d'Afrique de l'ouest.
"Au niveau du Parc 'W', on avait habituellement en moyenne 950 millimètres d'eau. Cette année on se retrouve avec 600 mm ou 650 mm d'eau. La plupart de nos marres ont tari précocement et la situation est catastrophique", indique Kafando à IPS.
Ce parc régional abrite la plus grande concentration d'éléphants d'Afrique de l'ouest, (entre 2.500 et 3.000 têtes), des buffles (10.000 à 15.000), des hippotragus, des espèces menacées comme le damalisque (grande antilope), de grands félins, (les panthères, des lions et des guépards), ainsi qu'une espèce très menacée - le lycaon (mélange de chien et d'hyène) -, des papillons, et le léopard. C'est aussi l'habitat de quelques 450 espèces d'oiseaux, selon Kafando.
"Nous notons des mouvements d'animaux hors de leur territoire dans le nord-est et la partie-est du Parc 'W' (Pama, la Komandjari, le Gourma, et la rivière Sirba). Ces mouvements précoces d'éléphants et de buffles sont dus au manque d'eau. Donc, ne soyez pas étonnés que derrière un troupeau de buffles, se trouvent un lion, un léopard", prévient Bélemsobgo.
Cette crainte est confirmée par Célestin Zida, directeur provincial de l'environnement et du développement durable de la province de la Tapoa, dans l'est du Burkina.
"Des lions sortent et viennent dévorer des ânes des habitants, il y a beaucoup de plaintes de la part des populations qui ont déjà perdu aussi leurs greniers", explique Zida.
L'instinct de survie pousse les éléphants "animaux très intelligents" à creuser des puisards là où la nappe phréatique est très haute, indique Kafando. "Mais, ces puisards sont aussi des pièges pour les buffles qui s'y embourbent".
"Normalement, on a besoin de points d'eau permanents dans un rayon de 10 km. Dans un parc qui fait 235.000 hectares (côté Burkina), actuellement, on peut parcourir entre 30 km et 50 km sans rencontrer un seul point d'eau", ajoute Kafando.
Certains concessionnaires de zones de chasse ont construit des mares artificielles équipées de forages qui fonctionnent grâce aux plaques solaires. "Il faut prendre des mesures préventives", insiste Benjamin Traoré, l'un des concessionnaires de l'est du Burkina, qui affirme avoir réalisé quatre forages sur son site.
Un plan d'urgence, avec un appui de la Banque mondiale, d'un montant de 350 millions de FCFA (environ 700.000 dollars), vise à construire 30 forages et réhabiliter d'autres, louer des citernes pour chercher de l'eau à déverser dans les mares existantes, selon Belemsobgo.
Par ailleurs, un programme de 17 millions d'euros de l'Union européenne sera exécuté sur cinq ans pour la réalisation des points d'eau, l'aménagement du Parc 'W', l'harmonisation des règles de gestion et l'amélioration du tourisme, ajoute-t-il.
"Il faut tout faire pour sauver ces animaux car si on les perd, on ne pourra plus revoir certains", avertit Zida qui qualifie la situation de "critique". (FIN/2012)
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