L'Afrique de l'Ouest doit aujourd'hui faire face à un flux croissant de déchets d'équipements électriques et électroniques issus de la consommation intérieure et provenant également de pays industrialisés. Dans un nouveau rapport, l'ONU s'alarme des conséquences pour l'environnement et les populations et préconise une gestion durable urgente de ces déchets.
Si l'utilisation d'équipements électriques et électroniques demeure encore peu répandue en Afrique par rapport aux autres régions du monde, elle s'étend cependant à un rythme stupéfiant. Le taux de pénétration des ordinateurs personnels en Afrique, par exemple, s'est multiplié par 10 au cours de la dernière décennie, tandis que le nombre d'abonnés à la téléphonie mobile a centuplé.
L'ONU vient de publier un rapport intitulé " DEEE ? Où en sommes-nous en Afrique ? " qui explique ainsi comment l'Afrique de l'Ouest doit faire face à un flux croissant de déchets issus de la consommation intérieure d'équipements électriques et électroniques neufs et usagés. Dans les cinq pays examinés dans le cadre de ce rapport (Bénin, Côte d'Ivoire, Ghana, Liberia et Nigeria), entre 650 000 et 1 000 000 tonnes de déchets électroniques issus de la consommation intérieure sont produites chaque année.
Mais selon l'ONU, si la consommation intérieure est à l'origine de la majorité (jusqu'à 85%) des déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) neufs ou d'occasion produits dans la région, le problème est de surcroît aggravé par un flux constant d'équipements usagés provenant de pays industrialisés, dont d'importants volumes s'avèrent non réutilisables.
Le rapport a examiné les flux d'équipements électriques et électroniques (EEE) et de déchets électroniques entre l'Europe et l'Afrique de l'Ouest. Parmi ses principales conclusions figurent les suivantes :
Les impacts sur l'environnement et les populations
Les équipements électriques et électroniques peuvent contenir des substances dangereuses (par exemple des métaux lourds, tels que le mercure et le plomb, et des perturbateurs endocriniens tels que les retardateurs de flamme bromés).
Des substances dangereuses sont rejetées au cours de diverses opérations de démontage et d'élimination, les rejets étant particulièrement considérables lors du brûlage de câbles pour en extraire le cuivre et de plastiques pour réduire les volumes de déchets. Le brûlage de câbles en plein air est une source majeure d'émissions de dioxine, un polluant organique persistant, transporté sur de longues distances dans l'environnement, et qui se bioaccumule dans les organismes en remontant la chaîne alimentaire globale.
Le rapport de l'ONU montre que l'exposition aux substances dangereuses aux sites de démontage et dans les alentours pose de multiples risques pour la santé et la sécurité des personnes qui ramassent et recyclent les déchets ainsi que pour celles de la population voisine.
L'activité du ramassage et de la remise en état de ces déchets permet à de nombreux africains de pouvoir vivre. Ainsi, elle assure un revenu à plus de 30 000 personnes à Accra (Ghana) et à Lagos (Nigeria). Et parmi ces travailleurs, on compte de nombreux enfants... Les enquêteurs de l'ONU ont en effet constaté que l'emploi d'enfants est courant dans les entreprises de récupération de ferraille d'Afrique de l'Ouest. Les activités de ramassage et de démontage sont en effet effectuées par des enfants âgés d'environ 12 ans, mais des enfants de cinq ans seulement sont parfois recrutés pour des travaux légers, y compris le démontage de petites pièces et le tri de des matériaux. L'exposition aux substances dangereuses représente une menace sérieuse pour la santé de ces enfants.
Une gestion durable pour protéger l'environnement, la santé, et créer des opportunités économiques
Avec ce rapport, l'ONU montre qu'il est aujourd'hui nécessaire de mettre en place des mesures telles que l'amélioration des stratégies de ramassage et la mise en place de structures plus officielles de recyclage, qui pourraient permettre de limiter les dommages causés à l'environnement et aux populations et même offrir des opportunités économiques. Les équipements électriques et électroniques renferment notamment des matières de valeur stratégique, telles que l'indium et le palladium, ainsi que des métaux précieux, tels que l'or, le cuivre et l'argent. Ceux-ci peuvent être récupérés et recyclés, devenant ainsi une source précieuse de matières premières secondaires et permettant, d'une part, de réduire la pression sur les ressources naturelles rares et, d'autre part, de minimiser l'empreinte écologique globale.
" La gestion efficace des quantités croissantes de déchets électroniques produites en Afrique et dans d'autres pays du monde constitue une part importante de la transition vers une économie verte à faible intensité de carbone et efficace dans l'utilisation des ressources ", a ainsi déclaré le Directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) et Sous-secrétaire général de l'ONU, Achim Steiner, à l'occasion de la publication de ce rapport. " Il est possible de développer les économies africaines, de créer des emplois décents et de protéger l'environnement en assurant une gestion durable des déchets électroniques et en récupérant les métaux précieux et autres ressources renfermés dans les produits qui finissent comme déchets électroniques " a-t-il précisé.
" Les solutions durables en matière de gestion des déchets électroniques en Afrique exigent la prise de mesures portant sur le contrôle des importations et exportations, sur le ramassage et le recyclage, ainsi que sur l'élaboration de politiques et de lois qui incorporent la responsabilité élargie des producteurs, reconnaissent le rôle important du secteur informel, renforcent la sensibilisation et l'éducation, et veillent à la surveillance du respect des dispositions et à leur mise en application. On devra assurer la mise en oeuvre de mesures adéquates de santé et de sécurité pour ceux qui interviennent dans le recyclage, ainsi que des pratiques écologiquement rationnelles ", a encore déclaré le Professeur Oladele Osibanjo, Directeur du Centre de coordination régional de la Convention de Bâle pour l'Afrique et co-auteur du rapport.
" Les déchets électroniques représentent le flux de déchets qui connaît la plus forte croissance dans le monde entier et un flux d'importance capitale au titre de la Convention de Bâle. La gestion correcte des équipements électriques et électroniques présente pour de nombreux pays un sérieux défi en matière de santé et d'environnement, et pourtant elle offre aussi des possibilités potentiellement importantes de créer des éco-entreprises et des emplois verts ", a encore expliqué Jim Willis, Secrétaire exécutif de la Conventions de Bâle, qui comprend le "Programme Déchets électroniques en Afrique" qui a pour objet d'améliorer la gouvernance environnementale des déchets électroniques et de créer des conditions sociales et économiques favorables aux partenariats et aux petites entreprises du secteur africain du recyclage.
H de M
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