Le TCHAD est l'un des pays les moins avancés et l'un des territoires les plus continentaux au monde.
Il s'étend sur une superficie de 1.284.000km2, dont 2/3 du territoire national, environ 600350km2 de la partie septentrionale est désertique. Il compte 6.280.000habitants[1], avec une densité de 4,9habitants au km2. C'est une population très jeune, car la tranche d'âge de moins de 30 ans représente 43% de la population globale dont l'espérance de vie à la naissance est estimée à 48 ans. Le taux de croissance naturelle avoisine 2.4%. Ce qui pourra entrainer un doublement de l'effectif de la population en 29 ans.
L'économie tchadienne est essentiellement agricole. Elle occupe 83 % de la population active et fournit la matière première au secteur industriel qui ne participe que pour 16% au PIB et qui est embryonnaire, avec une unité de production peu performante et une capacité de production faible et insuffisante pour couvrir le marché intérieur.
La découverte et l'exploitation du gisement pétrolier de Doba ouvrent des perspectives intéressantes pour le pays en général et pour la zone de Doba en particulier. Le bassin d'exploitation des gisements pétroliers de Doba se situe dans la zone soudanienne la mieux arrosée (1.000 à 1.200mm/an) du territoire national. Toutefois, d'une année à l'autre, on constate que la moyenne pluviométrique annuelle est en baisse considérable dans la zone sahélienne (-200mm/an.)
La végétation, dans ce bassin pétrolifère est constituée de savanes (boisées, arborées et herbeuses) et des galeries forestières qui représentent l'espace nourricier, le plus important du pays. La faune est riche et est composée de grands mammifères, des reptiles, des oiseaux et d'arachnides etc.. Les cours d'eau sont poissonneux
La région de Doba est donc riche en biodiversité. Mais les activités anthropiques liées à la croissance démographique exposent celle-ci à une forte perturbation. La zone pétrolière de Komé avait une population de 10400 habitants en 1993 et plus de 20000 habitants[2] aujourd'hui. Depuis l'ouverture du chantier, un afflux de plus en plus insoutenable de la population est constaté avec pour conséquences l'augmentation des besoins en matière d'énergie, d'alimentation, d'accès à l'eau et des superficies à cultiver. Autant de facteurs qui accroissent la pression sur les ressources de la biodiversité et provoquent inévitablement leur dégradation.
Certes, les revenus générés par le pétrole contribuent à améliorer les conditions de vie de la population nationale. En effet, les travaux des champs pétroliers de Doba, selon ESSO, offrent 3000 à 7000 emplois, non seulement à la population locale et à celle venue des autres villes intérieures; mais aussi à celle des pays limitrophes (Cameroun, Centrafrique et Soudan) et à certains expatriés occidentaux et orientaux (Américains, Français, Philippins....)
La création de l'emploi sur ce site pétrolier pourrait indirectement entraîner le développement des villages environnants ; améliorer les conditions des logements, des infrastructures de communication, d'équipements, des biens de consommation et de services. En somme, on s'attend à ce que les revenus pétroliers produisent des effets importants sur les diverses industries nationales (publiques et privées) et sur l'état des installations sanitaires ; remédier aux problèmes de chômage, de l'éducation et de la formation enfin, augmenter la productivité agricole.
Cependant, l'exploitation du pétrole dans cette zone de savane aura sans doute des conséquences néfastes sur la diversité Biologique. Les travaux de terrassement en vue d'installation des matériels (plate-forme, machines, camps résidentiels...) durant la construction seraient à l'origine de la perte de la végétation dans les zones fragiles et très perturbées par la culture attelée. Ces défrichements effrénés sur le site pétrolier exposent les sols plus directement à des pluies intenses, aux rayonnements solaires accrus et aux vents plus violents. Ceci se traduit par une érosion hydrique et éolienne accentuée et par la diminution des capacités édaphiques de rétention d'eau et de la fertilité humique des sols.
Le couvert végétal, dans cette zone d'exploitation pétrolière constitue un habitat pour l'espèce faunique. Mais cette perturbation constante de la flore occasionne des déplacements réguliers de la faune sauvage. La perte de cet habitat faunique réduit la diversité biologique par l'élimination directe des populations animales et végétales localement adaptées. Ce mécanisme pourrait créer, à la longue des déséquilibres écologiques dans la région de Doba.
" Les déversements du pétrole brut pourraient se produire, durant toute la période d'exploitation par l'oléoduc, dans la zone de développement des champs de pétrole ou le long du tracée de l'oléoduc. "[3] Si ces déversements atteignent les eaux de surface, la qualité de l'eau pourrait baisser et cela pourrait avoir un effet néfaste sur les ressources botaniques, aquatiques et fauniques.
En outre, le flux humain vers le site pétrolier pose un problème de pression sur les écosystèmes savanicoles déjà rendus vulnérables par les passages répètes des feux de défrichement culturaux.
L'étude menée par l'agence pour l'Energie Domestique et l'Environnement (A.E.D.E, 2001) fait ressortir que l'exploitation des ressources forestières est beaucoup développée dans le champ pétrolier de Komé pour approvisionner les villes environnantes (Doba, Moundou, Bebedja) et également satisfaire les immigrés, à la recherche du travail. Cette augmentation de la demande exercera, sans nul doute, une pression sur les ressources naturelles. Il y a lieu d'ajouter les mutations importantes qui peuvent survenir dans les systèmes agraires et dont les conséquences fâcheuses dégraderaient davantage la biodiversité.
Cette croissance démographique entraîne non seulement une croissance des biens de consommation mais posent aussi un problème de gestion des déchets domestiques dans la ville Doba et au village Komé. Ces déchets polluent l'environnement urbain et créent des espaces pathogènes, qui sont à l'origine du développement des maladies endémiques et contagieuses, telle que le paludisme (malaria), le choléra, la fièvre typhoïde et autres.
Enfin la création des villages spontanés sur le site pétrolier de Komé occasionne une dégradation accrue des formations végétales, des ressources édaphiques et constitue un problème d'insalubrité et de logements précaires. Ainsi plusieurs cas d'incendies ont été signalés en 2001 et 2003. Cette précarité socio-économique se caractérise par un phénomène de proxénétisme organisé qui est à l'origine de l'accroissement des maladies vénériennes et pandémiques (MST-VIH/SIDA) dans la zone pétrolière de Doba.
Devant la complexité et l'immensité des problèmes que pose l'exploitation du pétrole de Doba, nous avons jugés mieux nous pencher à l'implication de tous ces facteurs dans le mécanisme de conservation de la biodiversité dans la zone.
D'ores et déjà cette implication prend plusieurs significations :
- La riche biodiversité de la zone de Doba est menacée car exposée aux pressions multiformes qui augmentent leur vulnérabilité au regard de l'absence ou de la faiblesse des mécanismes de conservation, d'aménagement et de restauration des ressources de la diversité biologique ;
- Les activités pétrolières constitueraient un nouveau facteur déterminant de détérioration de la biodiversité si les mesures d'atténuation des effets directs ou indirects ne tiennent pas compte du savoir et du savoir-faire des populations locale ;- L'urgence est donc de prendre toutes les mesures conservatoires pour éviter que le pétrole ne vienne enrichir les populations tout en détruisant les bases de leurs ressources de survie.