La 19e conférence de l'ONU sur le climat s'ouvre ce lundi à Varsovie. Seyni Nafo, porte-parole du Groupe Afrique dans les négociations, prévient: les pays africains veulent " sceller un pacte mondial et solidaire pour lutter ensemble contre les causes et les impacts du changement climatique, en 2015 et à Paris ", mais pas à n'importe quelles conditions.
En quelques décennies, la planète s'est réchauffée de 0,8°C. Et déjà, nos pays en Afrique subissent des pertes, subissent les dommages humains et économiques de la montée des mers sur nos côtes, qui déplace nos populations et dégrade nos ressources halieutiques, et des sécheresses qui déciment nos récoltes.
Nous ne sommes pas les seuls, tous les continents subissent déjà le coût du changement climatique alors même que l'économie mondiale est en crise. Mais la " crise " ne fait que commencer. Le tout récent rapport du GIEC nous informe que le réchauffement climatique pourrait atteindre 5,5°C en 2100 si nous n'agissons pas maintenant sur les émissions de gaz à effet de serre. Or, actuellement, nos efforts sont si insuffisants qu'ils nous placent sur une trajectoire de réchauffement de 3,5°C - au-delà des limites de la planète et du seuil de basculement irréversible de ses écosystèmes. Si nous restons sur cette trajectoire de réchauffement, cela coûtera à l'Afrique 45 à 50 milliards de dollars par an en 2040 et jusqu'à 200 milliards par an en 2070, et nous ne sommes pas sûrs de pouvoir nous adapter à un tel dérèglement climatique.
Nos pays d'Afrique ne peuvent pas se permettre d'en arriver là. Nous, négociateurs, voulons sceller un pacte mondial et solidaire pour lutter ensemble contre les causes et les impacts du changement climatique, en 2015 et à Paris. Mais nous ne sommes pas convaincus qu'il est dans l'intérêt de nos pays de le signer. Nos gouvernements sont fatigués d'entendre parler des maigres progrès de la négociation. Ils n'ont pas réussi à empêcher le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon, les Etats-Unis et la Russie de quitter le Protocole de Kyoto en toute impunité. Ils ne comprennent pas pourquoi la bonne élève des négociations, l'Union européenne, a atteint son objectif de réduction d'émissions pour 2020 avec huit ans d'avance mais refuse malgré tout de se fixer un objectif plus ambitieux. Ils ont la voix éraillée à force d'alerter les pays donateurs sur le tarissement des financements du Fonds qui finance l'adaptation aux impacts du changement climatique au sud et sur les caisses vides du futur Fonds Vert pour le Climat. Ils s'inquiètent de voir que les pays développés ne tiennent pas leur promesse d'accroître progressivement les financements climat ou qu'ils le font au détriment de l'éducation ou la santé. Alors qu'ils ont besoin d'argent public additionnel pour investir dans les énergies renouvelables, et dans les digues côtières contre la montée des eaux.
C'est donc à mon tour, en tant que porte-parole du Groupe Afrique, d'alerter la communauté internationale et surtout, la France, en tant qu'hôte du sommet Paris Climat 2015 : nos chefs d'Etat ne pourront signer un pacte mondial contre les changements climatiques pour après 2020 qui n'est pas assez ambitieux ou assez juste. Et ils ne signeront pas non plus si d'ici là, les pays développés ne prennent pas leurs responsabilités en respectant enfin leurs engagements pris jusqu'en 2020 - notamment en réduisant leurs émissions de gaz à effet et serre et en appuyant financièrement les plus pauvres.
Le sommet de Varsovie qui commence ce 11 novembre peut encore changer la donne pour Paris 2015. Le sommet prévoit un dialogue ministériel sur le respect des engagements pris depuis Copenhague pour mobiliser 100 milliards de dollars par an d'ici 2020 en soutien aux pays en développement. C'est le moment que les pays développés démontrent qu'ils tiennent leurs promesses financières - qu'ils expliquent ce qu'ils ont dépensé en 2013, qu'ils annoncent les financements additionnels à l'APD et transparents prévus pour 2014 et 2015. C'est le moment que les pays développés rassurent nos pays en proposant une feuille de route sur les financements " climat " jusqu'en 2020, qui s'appuie notamment sur mécanismes financiers innovants - la taxe sur les transactions financières en France et en Europe, l'affectation d'une partie des recettes issue du marché européen de quotas d'émissions et une taxe équitable sur le transport international. Ce dialogue ministériel doit également sauver le Fonds pour l'Adaptation, et annoncer les premières contributions au Fonds Vert. Il faut prouver à nos chefs d'Etat et nos citoyens qu'il est dans leur intérêt de signer l'accord mondial contre les changements climatiques en 2015.
Mais si ce dialogue ministériel est vide de sens et s'il ne fait que réaffirmer ce qu'on sait déjà, nous serons à court d'arguments et à bout de souffle aussi.
En tant que bailleur sur notre continent et en tant que future présidente du sommet qui se tiendra à Paris en 2015, la France doit intervenir maintenant. Nous comptons plus que jamais sur son leadership pour tenir la promesse des 100 milliards de soutien financier, et créer - à Varsovie - les conditions d'un accord mondial solidaire.
Alix Mazounie
Politiques internationales
Réseau Action Climat-France
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