Le numéro 98 de la lettre NAPA nous présente la seconde partie de la stratégie de l’Union Européenne pour la conservation de la biodiversité en Afrique. Elle rappelle notre MOOC sur la gestion et la gouvernance des AP et présente quelques offres d'emploi.
Le numéro 98 de la lettre NAPA
Edito : Geoffroy MAUVAIS Coordinateur du Papaco
De la colère à la honte…
Début mai, l’UICN a publié un communiqué de presse sur la situation de l’Addax (Addax nasomaculatus), dont un extrait est présenté à la fin de cette NAPA. Il est d’une limpide clarté : « L’addax… est au bord de l’extinction, mis en danger par l’insécurité régionale et les activités liées à l’industrie pétrolière dans le désert du Sahara. C’est ce que révèle un récent relevé qui a trouvé seulement trois individus vivant encore à l’état sauvage ».
Cette déclaration sans appel n’est pas le fait de quelques illuminés en mal de médiatisation. Elle résulte d’années de surveillance menée par diverses ONGs au Niger et au Tchad, complétées récemment par des relevés aériens utilisant les technologies de renseignement, reconnaissance et surveillance (RRS) les plus avancées, notamment des caméras infrarouges à très haute résolution capables de distinguer les espèces depuis le ciel. Mais aussi des recherches au sol qui n’ont finalement permis de n’observer qu’un petit groupe d’Addax, apeurés.
L’article pointe les raisons principales de cet état de fait : la chasse, pourtant illégale, le braconnage par les forces armées, l’exploration et l’exploitation pétrolière sans contrôle efficace de leur impact. Bref aucune raison valable qui ne puisse être maîtrisée si la volonté de le faire existait.
La NAPA s’était plusieurs fois fait l’écho de ce drame moderne. Dès février 2009, Thomas Rabeil du Sahara Conservation Fund (SCF - www.saharaconservatio n.org) s’inquiétait et écrivait dans la NAPA n°16 : « l’exploitation du pétrole… ne doit pas être synonyme de disparition d’un écosystème unique et notamment de ses antilopes au blanc immaculé (les Addax) si bien adaptées aux conditions extrêmes… ». Dans la NAPA n°52, en avril 2012, nous saluions avec lui la création de la Réserve du Termit, au Niger, qui, avec ses 100 000 km² devait répondre aux urgences de la zone : « avec l'obtention d'un statut de protection légal, la survie de nombreuses espèces en danger d'extinction comme l'Addax, la Gazelle dama, le Guépard saharien ou la Gazelle dorcas… est dorénavant possible ». Dans la NAPA n°89 en septembre 2015, Thomas nous prévenait cependant : « pris en étaux par des Toubous venus de Libye par l'ouest et le nord et les pétroliers et leur garde rapprochée à l'est, les addax ont soit été chassés, soit ils sont morts d'épuisement. Les plus chanceux ont réussi à fuir probablement vers la frontière tchadienne ou vers le Ténéré, mais il n'existe aucune garantie quant à ces suppositions…».
Tout ça pour ça ? Quel désastre.
Je suis en colère parce que tout ce qu’on a fait ou dit, modestement à notre petite échelle, n’a servi à rien. Les évaluations, les études, les communications, les alertes, les formations aussi sans doute (?)… Rien n’y fait. Toujours la même excuse : « on n’a pas les moyens de travailler ». Alors on ne fait rien. Faut-il des moyens pour que les soldats d’une armée régulière, payés et armés par l’Etat, cessent de massacrer une antilope, pour passer le temps, alors qu’elle est protégée par la loi ? Les compagnies pétrolières qu’on laisse ruiner l’écosystème des Addax n’ont donc pas de moyens à fournir pour protéger ces malheureuses gazelles ?
Au-delà des mots, des engagements, des promesses répétées, il n’y a donc rien à faire ?
A la colère succède la honte. Honte finalement de faire partie du système, celui qui est censé s’assurer que cela n’arrivera plus jamais. Nous ne parlons pas ici d’un malheureux escargot rayé perdu sur un îlot de l’Océan Indien. Ni d’un minuscule crapaud se faufilant désespérément entre les crans démesurés des pneus de tractopelles écorchant le Mont Nimba. Ceux-là meurent dans l’indifférence générale. Aujourd’hui. Nous parlons d’une antilope de plus d’un mètre au garrot que personne ne peut ignorer. Et pourtant, en 2016, vingt-quatre ans après Rio, après bien plus de conférences, de sommets qu’il ne reste d’Addax… le fiasco. Cela nous impose de sacrément réfléchir à la suite non ?
Bien sûr, il va se trouver des pointilleux qui prétendront pendant 10 ans qu’on n’est pas certain de l’extinction et demanderont à compter et recompter, comme il fallut le faire avec le Rhinocéros noir du Nord Cameroun avant de pouvoir officiellement tourner la page. Personne ne veut ou ne voudra admettre pareil échec. Il y a vingt ans, l’Oryx algazelle avait pourtant disparu de la nature, au même endroit et pour les mêmes raisons.
On ne peut donc même pas dire « qu’on ne savait pas ».
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