D’après les résultats d’études de cas menées récemment dans certains pays d’Afrique au sud du Sahara, il ressort que, outre l’insuffisance des ressources, les problèmes liés à l’amélioration de l’accès à l’éducation et à la qualité de l’enseignement tirent leur origine, en partie, dans les politiques de gestion parfois trop centralisées des systèmes éducatifs où la quasi-totalité des décisions sont prises au niveau central et les acteurs directs sur le terrain sont relégués au rôle de simples exécutants sans pouvoir de décision, ni initiative. De même, cette gestion ne fait pas le lien entre les ressources injectées dans le système éducatif et les résultats scolaires obtenus.
En effet, jusqu’ici dans de nombreux pays francophones, l’état des lieux montre généralement un pilotage trop centralisé des systèmes éducatifs où les Etats fixent les normes par rapport aux programmes d’études, à la gestion administrative et financière ainsi qu’à l’évaluation des résultats scolaires. Ce sont les Etats, à travers leurs différents démembrements aux niveaux régional et subrégional, qui mettent en œuvre et coordonnent toutes les activités éducatives. Ce mode de gestion implique très peu les acteurs et bénéficiaires directs sur le terrain que sont les enseignants, les directeurs d’école, les syndicats d’enseignants, les parents d’élèves, les communautés, les collectivités locales et les élèves.
Ce pilotage centralisé des systèmes éducatifs se caractérise généralement par :
%u27A2 Un manque de vision stratégique
Cela se traduit par un accaparement des responsables au niveau central des tâches administratives au détriment des questions stratégiques telles que : Quelle orientation donner au système éducatif face aux enjeux de la mondialisation, de la globalisation et des nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC) ? Quels contenus scolaires enseigner aux apprenants pour leur permettre de s’insérer dans la vie active ? Comment accompagner la mise en œuvre de la décentralisation et de la gestion locale de l’éducation par les communautés à la base ? Quel type d’évaluation pour un système éducatif performant ? En raison de la faible implication des acteurs et bénéficiaires à la base, le pilotage centralisé n’est pas fondé sur une connaissance réelle du terrain, mais plutôt sur des données approximatives. Il n’est pas à même de prendre en compte les besoins réels des principaux acteurs et bénéficiaires. Cette situation explique très souvent le caractère inadapté des programmes de formation aux besoins des apprenants et du marché de l’emploi notamment dans les systèmes éducatifs du Sud.
Cela amène à se poser la question fondamentale suivante : Quelle éducation pour quel développement dans les pays francophones du Sud ?
%u27A2 Un manque d’anticipation sur les questions éducatives
Avec le pilotage centralisé, dans la quasi-totalité des pays francophones du Sud, la gestion quotidienne des problèmes a pris le pas sur la gestion prospective des systèmes éducatifs. Ce qui a conduit pendant longtemps à un pilotage à vue, incapable d’anticiper sur les questions éducatives. Cela fait que la plupart du temps, les Etats, au lieu de prévenir les problèmes, jouent plutôt aux sapeurs pompiers pour faire face aux multiples grèves et débrayages scolaires.
%u27A2 Une gestion administrative des ressources très peu efficace, inéquitable et inefficiente
La gestion administrative trop centralisée des ressources et la mauvaise répartition de celles-ci font que les systèmes éducatifs qui la pratiquent sont très souvent confrontés à une pénurie chronique en personnel enseignant, en matériel pédagogique, en fournitures scolaires et en moyens financiers.
On y trouve généralement une gestion très peu efficace du personnel de l’administration centrale qui consacre peu de temps aux tâches normalement dévolues aux structures déconcentrées et aux directions des écoles. Il s’agit là d’une gestion qui repose peu sur des principes et critères d’équité. Cela débouche sur un faible financement des structures déconcentrées et des établissements scolaires.
De même, des liens entre les ressources allouées aux structures déconcentrées et leurs transformations en apprentissages scolaires ne sont pas toujours établis.
%u27A2 Une gestion pédagogique trop centralisée:
Dans la plupart des pays francophones d’Afrique au sud du Sahara, les questions pédagogiques sont très souvent gérées par le niveau central. Qu’il s’agisse de la détermination des programmes d’études, des méthodes et techniques d’enseignement, des normes d’évaluation, de l’organisation pédagogique de la classe, du calendrier scolaire ainsi que du choix et de l’achat des manuels scolaires. Cette gestion accorde très peu de place au rôle déterminant qui devrait revenir aux structures régionales et locales, particulièrement aux écoles et aux chefs d’établissement. Le personnel enseignant bénéficie de peu de formation et d’encadrement pédagogique de la part des structures de supervision. Les directeurs d’école ne sont pas suffisamment bien préparés pour faire face efficacement à leurs missions de premiers encadreurs pédagogiques. Les établissements scolaires n’ont pas de budgets pour leur fonctionnement et le développement de projets d’écoles. Ils n’ont pas non plus d’autonomie, ni de marge de manœuvre pour intégrer des contenus éducatifs spécifiques au contexte local. Cette situation décourage tout esprit d’initiative et de créativité de la part des enseignants. Malgré le choix fait dans plusieurs pays d’orienter leurs politiques éducatives vers des programmes de formation axés sur le développement de compétences, les systèmes d’évaluation des apprentissages demeurent encore basés sur le contrôle de simples connaissances. C’est ainsi que les choix des sujets de tous les examens de fin de cycle (BEPC, baccalauréat, etc.), dans certains pays, sont encore gérés de façon centralisée, à l’exception de certaines épreuves du certificat de fin d’études primaires.
%u27A2 Un système d’information peu performant
La plupart des pays francophones du Sud ne disposent pas de systèmes d’information fiables. Cela rend difficile toute action de planification rigoureuse. L’absence d’un dispositif performant d’information et la faiblesse de la circulation de l’information du niveau central vers le niveau périphérique et vice-versa contribue aussi à la mauvaise gestion des systèmes éducatifs.
%u27A2 Un manque de coordination des actions des différents acteurs de l’école
Face aux moyens limités des Etats pour répondre aux multiples problèmes qui se posent à l’école, plusieurs partenaires3 sont engagés dans le développement des systèmes éducatifs. Toutefois, l’intervention de ces différents acteurs se fait sans une coordination et une mise en synergie efficaces de leurs actions, d’où une dispersion des efforts et un gaspillage des ressources. Il convient de noter également que, dans certains pays, très souvent, les rôles et responsabilités des différents acteurs ne sont pas clairement définis. Il en résulte généralement une confusion des rôles et responsabilités des différents intervenants d’où les conflits fréquents de compétences, notamment, entre l’administration scolaire et les autres acteurs (syndicats d’enseignants, associations de parents d’élèves, associations des élèves et étudiants, ONG, etc.). Enfin, il faut noter souvent des confusions de rôles entre le politique et le technique. La gouvernance dans certains pays francophones du Sud se caractérise parfois par une immixtion du politique dans les domaines de prédilection du technique, en témoignent, par exemple, les repêchages aux examens d’élèves n’ayant pas obtenu la moyenne requise, ce qui entrave dangereusement la qualité et la crédibilité des systèmes éducatifs. La gestion centralisée du système éducatif a montré ses limites dans les pays, tant au Nord qu’au Sud, comme en témoignent les écarts importants des taux d’accès à l’école et de réussite éducative à l’intérieur même des Etats. Dans le contexte des Cadres Stratégiques de Lutte contre la Pauvreté (CSLP), des stratégies à long terme ont été définies par certains pays. Celles-ci ont été accompagnées d’efforts considérables de financement du secteur national et international. Si, dans le cadre des réformes mises en œuvre dans les pays, des efforts sont enregistrés çà et là, à des degrés divers, en matière de déconcentration et de décentralisation des systèmes éducatifs, force est de reconnaître que la gestion scolaire constitue actuellement une préoccupation majeure pour la plupart des pays francophones.