Les gouvernements africains doivent s’appuyer davantage sur les entrepreneurs du continent pour industrialiser leurs économies, d’après les Perspectives économiques en Afrique (PEA) 2017 publiées aujourd’hui à l’occasion des 52ès Assemblées annuelles du Groupe de la Banque africaine de développement.
La croissance économique en Afrique a marqué le pas en 2016, à 2.2 %, du fait du recul des cours des produits de base, de la faiblesse de la reprise mondiale et de conditions climatiques défavorables qui ont affecté la production agricole dans certaines régions. Elle devrait toutefois rebondir à 3.4 % en 2017 et 4.3 % en 2018, si le redressement des cours des matières premières, la reprise de l’économie mondiale et la mise en oeuvre, dans la durée, de réformes macroéconomiques à l’échelon national se confirment.
L’évolution de la situation du continent présente des perspectives encourageantes. La croissance de l’Afrique repose de plus en plus sur des facteurs intérieurs, ainsi qu’en atteste le dynamisme de la consommation privée et de la consommation publique qui, à elles deux, ont contribué à hauteur de 60 % à la croissance du PIB en 2016.
Cette croissance s’accompagne également d’avancées sur le plan du développement humain : 18 pays africains avaient atteint un niveau de développement humain moyen ou élevé en 2015. Enfin, l’investissement direct étranger, attiré par les marchés émergents du continent et son urbanisation rapide, s’est maintenu à 56,5 milliards USD en 2016 et devrait atteindre 57 milliards USD en 2017, selon les projections.
Auparavant concentré dans le secteur des ressources naturelles, l’investissement s’est diversifié vers le bâtiment, les services financiers, les industries manufacturières, les transports, l’électricité et les technologies de l’information et de la communication.
« Bien que les vents contraires des deux dernières années semblent avoir altéré la belle histoire de « l’Afrique émergente », nous sommes fermement convaincus que le continent continue de faire preuve de résilience, avec une croissance continue des économies non-dépendantes des matières premières » a déclaré Abebe Shimeles, Directeur par intérim du Département de la politique macroéconomique, de la prospective et de la recherche à la Banque africaine de développement.
« Avec un secteur privé dynamique, un esprit d’entreprise largement répandu et des ressources abondantes, l’Afrique a les moyens d’accélérer encore sa croissance et de la rendre plus inclusive », a-t-il ajouté.
Les progrès restent malgré tout inégaux. Les gouvernements des pays africains doivent intensifier leur soutien à la création d’emplois en prenant des mesures plus ambitieuses et mieux ciblées. Malgré une décennie de progrès, 54 % de la population de 46 pays africains sont toujours piégés dans une situation de pauvreté multidimensionnelle – au regard des indicateurs de la santé, de l’éducation et du niveau de vie. En outre, les revendications portant sur de meilleures possibilités d’emploi sont le premier facteur déclenchant des protestations civiles, dont elles ont motivé le tiers entre 2014 et 2016 – une proportion qu’il convient toutefois de replacer dans le contexte d’une diminution du niveau des troubles sociaux.
Avec une population active qui devrait augmenter de 910 millions entre 2010 et 2050, la création d’emplois plus nombreux et de meilleure qualité reste un défi majeur pour les responsables africains de l’action publique.
« La clé d’un développement réussi en Afrique est de nourrir la culture naissante de l’entreprenariat, pour reprendre la célèbre expression d’Hernando De Soto, « el otro sendero » (l’autre voie) vers le développement. Une voie à même de libérer cette créativité débordante et de transformer les opportunités en réussites phénoménales », selon le Directeur du Bureau régional pour l’Afrique du Programme des Nations Unies pour le développement, M. Abdoulaye Mar Dieye.
Pour faire du défi démographique une chance pour l’Afrique, celle-ci devra impérativement réussir sa nouvelle révolution industrielle. À l’heure actuelle, vingt-six pays d’Afrique se sont dotés d’une stratégie d’industrialisation. La plupart mettent toutefois l’accent sur les grandes entreprises manufacturières plutôt que sur les chefs d’entreprise des secteurs présentant un potentiel de croissance élevée et de création d’emplois, notamment les start-ups et les petites et moyennes entreprises.
Or, ce sont les entreprises de moins de 20 salariés et de moins de cinq années d’expérience qui créent la majorité des emplois dans le secteur formel en Afrique. En outre, l’avènement des technologies numériques et de nouveaux modèles d’activité estompe les frontières entre le secteur manufacturier – qui s’est légèrement redressé et atteint désormais 11 % du PIB africain – et les secteurs des services.
Les stratégies d’industrialisation doivent par conséquent soutenir les autres secteurs dans lesquels les économies africaines disposent d’avantages comparatifs, tels que l’agro-alimentaire, les services marchands et les énergies renouvelables. Les nouvelles stratégies doivent en outre éviter de dépendre des activités non respectueuses de l’environnement.
« Les économies africaines ne peuvent pas se permettre de rater la prochaine étape de leur transformation productive. Les entrepreneurs doivent être des acteurs de premier plan de la quatrième révolution industrielle en Afrique », a affirmé le Directeur du Centre de développement de l’OCDE et Conseiller spécial auprès du Secrétaire général de l’Organisation sur les questions de développement, M. Mario Pezzini.
D’après les Perspectives, les entrepreneurs sont pour l’Afrique sont un atout essentiel mais largement inexploité. Dans les 18 pays africains pour lesquels des statistiques sont disponibles, les entrepreneurs qui ont créé leur entreprise afin d’exploiter des opportunités spécifiques représentent 11 % de la population en âge de travailler, une proportion supérieure à celle des pays en développement d’Amérique latine (8 %) et d’Asie (5 %).
Ils sont toutefois peu nombreux à investir dans les secteurs à forte croissance, à croître suffisamment pour embaucher ou encore à introduire des innovations sur les marchés. Afin de transformer ce dynamisme en moteur de l’industrialisation, les gouvernements africains peuvent notamment viser à améliorer les compétences des travailleurs, l’efficience des regroupements d’entreprises –parcs industriels, zones économiques spéciales– et l’accès des petites et jeunes entreprises au financement, avec des prêts à des conditions abordables et des instruments de financement plus innovants.
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