Martha Karua, cette femme politique kenyane, ne craint rien ni personne, et lorsque ses adversaires font une rétrospective sur sa longue expérience en politique, ils doivent s'inquiéter.
Cette ancienne partisane fervente de Mwai Kibaki a démissionné en tant que ministre de la Justice en 2009, et défiera tous les candidats à la présidentielle de 2012 au Kenya, à la tête de son propre parti.
Cette ancienne politicienne est sur la scène depuis les grands moments de Daniel Arap Moï, qui a dirigé le Kenya de 1978 à 2002, et était un membre actif de la Coalition nationale arc-en-ciel (NARC) qui a imposé la mise en place de la démocratie multipartite et a finalement battu l'Union nationale africaine du Kenya qui avait totalement - et de manière coercitive - dominé la vie politique du Kenya depuis l'indépendance.
Depuis son jeune âge, Karua travaillait dur pour surmonter ses handicaps en grandissant comme une fille dans la 'Central Province' (Province du centre) du Kenya dans les années 1960. Elle a bien travaillé à l'école, reçu la formation d'avocat à l'Université de Nairobi, obtenu son diplôme en 1980, et après une année d'études de troisième cycle, elle est devenue avocate à la Haute cour du Kenya. Elle a rejoint le système judiciaire et travaillé comme magistrate de 1981 à 1987, lorsqu'elle a quitté pour créer un cabinet privé.
"J'ai constaté que je ne pourrais défendre les idées des femmes et les idéaux démocratiques que si je ne travaillais pas pour le gouvernement. J'ai rejoint d'autres politiciens de l'opposition pour obliger Moï à autoriser la démocratie multipartite après l'abrogation de l'article 2A de la constitution, qui a faisait de l'Union nationale africaine du Kenya (KANU) le seul parti politique au Kenya", déclare Karua.
Peu d'amis, beaucoup d'ennemis
Son style inébranlable en politique a fait d'elle une source constante d'irritation durant le régime de Moï. En 1997, Karua est sortie du gouvernement de Moï évoquant le manque de respect pour les femmes, puisqu'elle n'était pas autorisée à s'adresser à un rassemblement politique.
"Karua est une défenseuse résolue de la démocratie", affirme Koigi wa Wamwere, un ancien législateur qui a été emprisonné par Moï de 1990 à 1993 et encore de 1995 à 1996. "Elle n'a peur de personne. Elle est la seule avocate qui ait défendu mon cas au cours de la répression du temps de Moï. Karua a conduit nos mères et d'autres femmes à 'Uhuru Gardens' et a menacé de se mettre nue si nous n'étions pas libérés".
John Omulo, du groupe de défense des droits humains 'Release Political Prisoners Trust' (Association pour la libération des prisonniers politiques), admire aussi Karua en tant que politicienne. "Au moment où les hommes avaient peur de sortir et de protester contre les excès du régime de la KANU, Karua était au premier plan en train de lutter pour le changement. Elle a été constante dans sa quête pour une meilleure vie pour tous, et si ce n'était pas grâce à elle, le Kenya ne serait pas là où il est aujourd'hui".
Franche et fougueuse
Karua a aidé à la formation de la NARC qui a gagné l'élection générale de 2003, et a mis fin à presque quatre décennies de pouvoir de la KANU. Lorsqu'elle entrait au parlement, il y avait six femmes députées. Aujourd'hui, il y en a 22 sur un total de 222.
Karua a fortement soutenu l'actuel président, Mwai Kibaki, pendant qu'il était le leader du Parti démocratique (DP) et au moment du conflit violent qui a suivi les élections contestées de 2007, qui ont donné naissance à l'actuel gouvernement d'union avec le Mouvement démocratique orange (ODM) dirigé par le Premier ministre, Raila Odinga.
"J'ai soutenu le président à ce moment parce que c'était ce que la Commission électorale avait dit", affirme-t-elle. Elle a été nommée ministre de la Justice et des Affaires constitutionnelles en janvier 2008.
Mais elle a démissionné de son poste ministériel dans la frustration à la mi-2009.
"J'ai remarqué que tout ce qu'ils voulaient était le départ de Moï afin que ceux qui sont en fonction continuent avec les mêmes vices qui étaient rampants du temps de Moï. L'impunité et la corruption sont toujours monnaie courante. Alors, j'ai quitté parce que je ne voulais pas faire partie d'un gouvernement qui n'écoute pas les cris des gouvernés", indique Karua.
Une femme, une voix
Et ne craignant aucun défi, Karua a rejoint la NARC, dont elle est maintenant leader.
"J'ai été sur la ligne de front en luttant pour les questions des femmes et leur participation à la gestion de ce pays. Les femmes constituent la majorité des électeurs et j'espère qu'elles pourront voter pour moi, non pas parce que je suis l'une d'entre elles, mais à cause de ce que je peux faire en tant que personne et elles devraient également regarder mon passé".
Elle a créé la panique au sein de la classe politique lorsque deux des membres de son parti ont gagné deux sièges au parlement dans les élections partielles provoquées par l'annulation des résultats précédents par la cour.
Des ambitions présidentielles
Des observateurs disent qu'elle pourrait surprendre lors des prochaines élections générales. "Etant donné que personne ne sait ce qui attend Uhuru Kenyatta [un candidat potentiellement puissant en 2012 et qui est confronté à une accusation de la Cour pénale internationale (CPI) dans son procès à la Haye], beaucoup de gens dans la 'Central Province' pourraient soutenir Karua".
Dr Adams Oloo, un politologue à l'Université de Nairobi, affirme que compte tenu de la mise en accusation de l'un des principaux candidats à la présidentielle de 2012 par la CPI - Uhuru Kenyatta a été accusé pour son rôle présumé dans les violences politiques de 2008 - Karua pourrait gagner beaucoup de voix dans la 'Central Province'. "Si elle obtient assez de députés, elle pourrait même être le leader de l'opposition au parlement", ajoute Oloo.
"Les Kenyans sont plus éveillés maintenant et choisiront un dirigeant qui est prêt à travailler pour le peuple, que ce dirigeant soit une femme ou un homme. Le point de vue de Karua sur plusieurs questions nationales l'a rendue populaire auprès de la majorité des Kenyans et les autres leaders politiques devraient faire attention".
Elle sera la troisième femme à se présenter pour l'élection présidentielle au Kenya, et certainement la plus courageuse.
"J'ai beaucoup lutté pour la démocratie au Kenya", déclare Karua, "et je crois que je peux changer le Kenya pour le meilleur".
article écrit par Protos Onyango
07/10/24 à 12h30 GMT