La politique de transition énergétique cherche les solutions pour passer à un mix énergétique moins dépendant des énergies fossiles. Si, à cet effet, on pense spontanément à l'énergie solaire, éolienne ou hydraulique, on oublie souvent une ressource abondante qui répond elle aussi à ces exigences : il s'agit des déchets, à travers leur valorisation énergétique.
L'incinération des déchets : une pratique inévitable dont il serait dommage de se priver
En 2009 en France, 13 millions de tonnes de déchets ont été incinérées, ce qui représente 36% des déchets municipaux. Cette part de déchets restant à éliminer après tri ou recyclage est inévitable : à ce jour, aucune société industrialisée ne peut se prévaloir d'un taux de réutilisation total de ses déchets. Dès lors, il reste deux options pour traiter les reliquats : l'enfouissement, ou l'incinération. Or cette dernière technique présente un avantage non négligeable : elle permet de convertir ces déchets, qui n'ont pu être réutilisés autrement, en ressource énergétique.
Le principe consiste à utiliser la chaleur des fumées issues de l'incinération dans une chaudière spécifique qui la distribue à un réseau de chaleur, ou au réseau électrique (ou aux deux, dans le cas de la cogénération). L'énergie ainsi produite est alors autoconsommée et / ou revendue. Ses particularités : elle évite l'émission de CO² (les déchets auraient été détruits de toute façon), et économise les énergies fossiles qui n'auront pas été consommées pour produire les KWh issus de cette revalorisation.
Une énergie plus propre qu'on l'imagine
Il s'agit d'une industrie soumise à des normes extrêmement strictes en matière d'émissions de polluants. Le temps où les fumées des déchets brûlés se répandaient dans l'atmosphère sans filtrage ni contrôle est - heureusement - révolu. L'Union européenne s'est penchée la première sur le sujet, réduisant drastiquement les niveaux d'émission autorisés. En France depuis 2005, toutes les installations ne répondant pas aux nouvelles normes ont dû fermer leurs portes. En 10 ans (1995-2006), les émissions de dioxines des incinérateurs ont pu être divisées par 100. Les installations actuelles n'inspirent d'ailleurs plus d'inquiétudes particulières, d'après les dernières études sanitaires sur le sujet : en 2009, un rapport de l'Institut de veille sanitaire (1) indique que les riverains habitant à proximité des incinérateurs ne présentaient pas de sur-imprégnation aux substances précédemment incriminées, dioxines et métaux lourds notamment.
Les évolutions législatives ont naturellement été accompagnées de progrès technologiques, portées par les industriels du secteur. En France, tous les grands noms de la filière des déchets affichent désormais leurs préoccupations, et leurs solutions techniques, pour répondre à ces exigences. C'est pourquoi l'expertise technique et industrielle gagne du terrain. Le groupe CNIM, industriel ensemblier spécialisé dans les technologies de pointe, consacre tout un pan de son activité à la question du traitement des déchets. S'appuyant sur un savoir-faire très pointu, CNIM a réalisé en Europe plus de 150 centres de valorisation des déchets, 6 de ses projets ayant même été labellisés dans le cadre de la campagne " Energie durable pour l'Europe " de la Commission européenne. Sa filiale LAB, spécialisée dans le traitement des fumées, est le premier acteur européen du secteur. Elle équipe plus de 300 usines de systèmes permettant un filtrage fin des gaz, dioxines, furanes et métaux lourds présents dans les fumées. LAB a par exemple remis aux normes l'incinérateur de Saint-Ouen, dont les rejets sont même bien inférieurs à ce que requièrent les normes actuelles.
Et pour plus de transparence, il est aujourd'hui aisé de se procurer les informations sur les contrôles permanents effectués à la sortie des cheminées. Les analyses effectuées sur l'incinérateur de Saint-Ouen équipé par LAB sont ainsi tout simplement disponibles sur le site web de l'exploitant (2).
Concilier politique énergétique et politique de gestion des déchets
D'ailleurs plusieurs pays européens utilisent largement les ressources énergétiques produites par leurs incinérateurs, et concilient cela avec une politique de gestion des déchets tout à fait raisonnée. En Suède, ce sont 49% des déchets qui sont incinérés. Ils permettent de fournir 20% du chauffage urbain et d'approvisionner 250 000 foyers en électricité. Et pourtant la Suède affiche aussi une politique de réduction des déchets et de recyclage très efficace, souvent citée en exemple. Utiliser l'énergie des incinérateurs n'empêche donc aucunement de mener une politique visant à réduire les déchets à la source, ou à encourager le tri. D'ailleurs on sait que l'efficacité énergétique des incinérateurs est meilleure si les déchets ont été préalablement triés, ce qui fait que les deux politiques vont souvent de pair dans les installations à bon rendement. Catarina Ostlund, conseillère principale de l'Agence suédoise de protection de l'environnement, est convaincue que " valoriser des déchets, au sein d'usines jouissant d'une importante efficacité énergétique, est un pari judicieux dans un monde où le prix de l'énergie ne cesse de grimper et alors que nous pourrions être confrontés à une pénurie de combustibles ".
Aux Etats-Unis, plusieurs états commencent à s'intéresser de près à ce mode de fonctionnement. La société Covanta Energy est ainsi spécialisée dans ce que l'on nomme en anglais le " energy-from-waste (EfW) ", et propose des solutions intégrées pour valoriser l'énergie provenant de la combustion des déchets, selon des normes strictes de respect de l'environnement. Covanta Energy affirme pouvoir fournir ainsi de l'électricité pour un million de foyers. L'agence de protection de l'environnement américaine considère aussi que l'EfW est une vraie source d'économie d'émissions de gaz à effet de serre.
La transition énergétique peut-elle vraiment se passer d'une source d'énergie décarbonée ?
Dans un avis rendu par l'ADEME en décembre 2012 (3), on apprend que " la valorisation d'une tonne de déchets peut permettre de produire jusqu'à 500 kWh d'électricité (en valorisation d'électricité seule) ou 1 700 kWh de chaleur (en valorisation thermique seule) ". Le potentiel énergétique de nos déchets n'est donc pas négligeable, et a tout à fait sa place dans la future politique de transition énergétique, dans la mesure où l'utilisation de cette énergie ne réclame aucune exploitation d'énergie fossile et ne produit pas de CO². L'Europe considère d'ailleurs les déchets ménagers comme une " source d'énergie renouvelable " depuis 2001, dans certaines conditions de rendement. Il serait dommage de se priver de cette ressource qui pourrait contribuer à atteindre l'objectif de 23% d'énergies renouvelables dans la consommation énergétique finale pour 2020, alors qu'on sait aujourd'hui que les installations d'incinération sont soumises à des normes très strictes, et particulièrement surveillées. Et qu'utiliser l'énergie produite par l'incinération n'est pas incompatible, nombre de pays le prouvent, avec politique globale de gestion des déchets basée, aussi, sur le tri, le recyclage, et la réduction à la source.
(1) http://www.invs.sante.fr/publications/2009/impregnation_dioxines_uiom/impregnation_dioxines_uiom.pdf
(2) http://www.groupe-tiru.com/IMG/pdf/rejets_atmospheriques_2013_st_ouen.pdf
(3) http://www2.ademe.fr/servlet/getBin?name=947EA763F60FB1BDEF158449B9A3C2CE_tomcatlocal1355995637224.pdf07/10/24 à 12h30 GMT