Des conditions météorologiques à fort impact, dont des extrêmes de chaleur et des précipitations aux conséquences désastreuses, ont marqué le début de l’été dans l’hémisphère Nord.
Le Japon, où de nombreux records de cumuls de précipitations sur 24 heures ont été battus, fait face aux pires inondations et glissements de terrain des dernières décennies. Selon les chiffres officiels publiés par le gouvernement japonais le 10 juillet, plus de 150 personnes ont perdu la vie et le nombre de victimes devrait continuer d’augmenter. Quelque 10 000 foyers ont été détruits ou inondés.
Du 28 juin au 8 juillet, les quantités énormes de vapeur d’eau générées par un front pluvieux stationnaire, associées aux résidus d’air humide dus au passage du typhon Prapiroon ont entraîné des précipitations d’une intensité exceptionnelle. Selon le Service météorologique japonais (JMA), des précipitations record ont été enregistrées dans l’ouest du Japon et sur l’île d’Hokkaido pendant cette période.
Dans de nombreux sites d’observation, les précipitations totales étaient de deux à quatre fois plus élevées que la moyenne mensuelle pour un mois de juillet. Ainsi, 1 800 mm de pluie ont été relevés sur l’île de Shikoku, 1 200 mm dans la région de Tokai, 900 mm dans le nord de l’île de Kyushu, 600 mm dans la région de Kinki et 500 mm sur l’île de Chugoku. Ces fortes précipitations ont entraîné un grand nombre de glissements de terrain, de crues et d’inondations.
Le Japon figure parmi les pays les mieux armés en matière de prévention et de gestion des catastrophes. Le Service météorologique national a anticipé les conséquences de ces précipitations en diffusant des alertes dans pas moins de onze préfectures, afin de prévenir la population du risque élevé de catastrophe. Le système d’alerte en cas d’urgence a été mis en service en 2013 par le JMA, sur la base des enseignements tirés de l’expérience du tsunami de triste mémoire, causé par le fort séisme qui avait secoué l’est du pays en 2011. Le JMA a également envoyé ses experts, regroupés au sein d’une équipe spéciale d’urgence (JETT), auprès des administrations locales de la région, afin de faire bénéficier ces dernières de leur savoir-faire dans le cadre des activités de prévention multidanger, et a mis au point un portail web consacré à l’épisode de pluies extrêmes.
Typhon Maria
Le 11 juillet, le typhon Maria a atteint la côte chinoise, dans la province du Fujian. Aux abords de la partie septentrionale de la province chinoise de Taiwan, des vents de 175 km/h ont été relevés, accompagnés de rafales de 250 km/h, soit l’équivalent d’un ouragan de catégorie 3 sur l’échelle Saffir-Simpson. Le 10 juillet, le Centre météorologique national de l’Administration météorologique chinoise (CMA) avait diffusé un avis de typhon (alerte rouge) et enclenché une procédure d’intervention d’urgence.
Température extrême et hors norme
Le 28 juin, à Qurayyat, au sud de Mascate, sur la côte du Sultanat d’Oman, une température minimale quotidienne de 42,6 °C a été enregistrée, ce qui signifie que la température n’est pas descendue en dessous de ce chiffre pendant la nuit. Bien que les minima les plus élevés ne constituent pas une catégorie à part entière dans la base de données des extrêmes météorologiques et climatologiques de l’OMM, on estime qu’il s’agit du minimum le plus élevé jamais relevé par un thermomètre.
À Ouargla, dans le Sahara algérien, une température maximale de 51,3 °C a été constatée le 5 juillet. Tout semble indiquer qu’il s’agirait de la température la plus élevée jamais relevée en Algérie par des instruments fiables. En effet, selon la base de données des extrêmes météorologiques et climatologiques de l’OMM, le record africain de température est actuellement détenu par la ville tunisienne de Kebili, où le thermomètre est monté à 55 °C en juillet 1931. Mais la fiabilité des relevés de température effectués pendant la période coloniale en Afrique a été remise en question.
Aux États-Unis, la station de Furnace Creek, dans le parc national de la Vallée de la mort, en Californie, a relevé une température de 52,0 °C le 8 juillet. Cette station détient le record de la température la plus élevée observée sur la Terre, qui est de 56,7 °C, le 10 juillet 1913.
D’autres régions de la Californie ont également subi des températures extrêmes. Au centre-ville de Los Angeles, un nouveau record de température minimale nocturne de 26,1 °C a été enregistré le 7 juillet. À Chino, près de Los Angeles, une température record de 48,9 °C a été relevée. Le 6 juillet, un record absolu de 45,6°C a été établi à l’aéroport de Burbank, le dernier datant de 1971 (45°C) et à l’aéroport de Van Nuys, le Service météorologique national des États-Unis a enregistré une température record de 47,2°C.
Dans la province canadienne du Québec, une vague de chaleur associée à une forte humidité a contribué au décès de dizaines de personnes, en particulier parmi les populations les plus vulnérables et les personnes âgées.
Au même moment, certaines régions de l’est du Canada étaient surprises par le retour momentané de conditions hivernales, de la neige faisant son apparition dans certaines parties de Terre-Neuve et au cap Breton (Nouvelle-Écosse) et la température descendant jusqu’à %u25001 °C à St John’s et à Halifax. Les conditions hivernales sont rares à cette période de l’année, ce phénomène n’ayant pas été observé depuis 1996.
Dans une grande partie du nord de la Sibérie, la température était exceptionnellement élevée en juin 2018. Cette tendance s’est poursuivie la première semaine de juillet. Le Centre hydrométéorologique de la Sibérie occidentale a diffusé un avis de tempête et la température n’est pas descendue en dessous de 30 °C pendant plus de cinq jours, conditions qui devraient perdurer du 9 au 16 juillet. En raison de ces conditions, le risque d’incendie, de perturbation de l’approvisionnement en énergie, des transports et des services publics, ainsi que de noyade pour les personnes qui tentent d’échapper à la chaleur en se baignant, est élevé. Dans la région de Krasnoïarsk, des anomalies quotidiennes de 7 °C au-dessus de la normale ont été enregistrées et les incendies mettent déjà en péril quelque 80 000 hectares de forêt.
Sécheresse et chaleur dans certaines régions de l’Europe
En Europe, le Centre climatologique régional pour la surveillance du climat, établi par l’OMM et exploité par le Service météorologique allemand (DWD), a diffusé un bulletin de veille climatique assorti de conseils relatifs à la sécheresse et aux températures plus élevées que la normale, valable jusqu’au 23 juillet. Ces orientations, utilisées par les services météorologiques nationaux pour diffuser leurs alertes et leurs prévisions, indiquaient que l’épisode de sécheresse et les températures supérieures à la normale perdureraient dans le nord de l’Europe (de l’Irlande aux États baltes et au sud de la Scandinavie). Selon les prévisions, les anomalies de température hebdomadaires pourront être comprises entre 3 °C et 6 °C. La probabilité que les précipitations soient inférieures au tercile le plus bas est supérieure à 70 %. Cet épisode de sécheresse pourrait s’accompagner de pénuries d’eau, d’orages localisés, d’incendies et de pertes de récolte.
Dans certaines régions du nord de l’Europe, le mois de juin a été le plus sec et le plus chaud jamais enregistré.
Après un mois de juin exceptionnellement chaud, la vague de chaleur qui sévissait au Royaume-Uni s’est poursuivie en juillet. Le 10 de ce mois, le Service météorologique britannique (Met Office) a indiqué que la température était demeurée supérieure ou égale à 28 °C pour la 16e journée consécutive dans certaines régions du pays.
Un mois de juin parmi les plus chauds jamais enregistrés
Selon le Service Copernicus de surveillance des changements climatiques du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT), à l’échelle du globe, juin s’est placé au deuxième rang des mois de juin les plus chauds jamais enregistrés. Jusqu’à présent, l’année en cours est la plus chaude année La Niña jamais observée.
Outre les températures exceptionnellement élevées relevées dans une grande partie du nord de la Sibérie en juin 2018, la température était également nettement supérieure à la normale dans la majeure partie des États-Unis, dans le centre du Canada, en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et dans le nord de la Chine.
Dans les États contigus des États-Unis, le mois de juin se classe au troisième rang des mois de juin les plus chauds. Mais de nombreuses régions du pays ont enregistré des températures minimales nocturnes nettement supérieures à la normale, selon les centres nationaux d’information sur l’environnement (NECI). En 2018 (au 9 juillet), les États-Unis avaient subi 6 épisodes météorologiques et climatologiques extrêmes, qui ont chacun entraîné des pertes supérieures à 1 milliard de dollars des États-Unis: 4 fortes tempêtes et 2 tempêtes hivernales. Dans l’ensemble, ces phénomènes ont fait 36 victimes et ont eu des conséquences économiques considérables sur les régions touchées.
Liens avec les changements climatiques
Le nombre d’épisodes de chaleur et de précipitations extrêmes augmente en raison des changements climatiques. Même s’il n’est pas possible d’établir un lien de cause à effet entre les changements climatiques et les phénomènes extrêmes observés en juin et en juillet, ces derniers s’inscrivent dans la tendance générale à long terme due à la hausse des concentrations de gaz à effet de serre.
Les études récentes sont nombreuses à montrer que la probabilité d’occurrence des phénomènes extrêmes avait, directement ou indirectement, subi l’influence des activités humaines. Sur 131 études publiées de 2011 à 2016 dans le Bulletin of the American Meteorological Society, 65 % ont permis de déterminer que la probabilité d’occurrence de ces phénomènes dépendait fortement des activités anthropiques.
L’influence des activités humaines sur les précipitations extrêmes s’est avérée plus difficile à déterminer. Certaines études ont montré que la probabilité d’occurrence de certains épisodes de précipitations extrêmes augmentait, le plus souvent indirectement, en raison des changements climatiques, mais pour un grand nombre d’autres études, les résultats ne sont pas concluants, car, d’une part, le signal associé au climat à long terme pour les extrêmes de précipitation est moins clair que pour la température et, d’autre part, les épisodes de précipitations extrêmes se déroulent généralement à des échelles spatiales plus courtes que ceux de chaleur extrême. De nos jours, les études sur la détermination des causes sont surtout effectuées sous forme de travaux de recherche publiés dans des revues à comité de lecture.