Un chercheur en biologie de l'Université du Québec à Rimouski, M. Dominique Gravel, en collaboration avec des chercheurs de l'Université de Montpellier 2 et de l'Université d'Oxford, vient de montrer que l'histoire évolutive des espèces modifiait l'effet de la biodiversité sur le fonctionnement des écosystèmes.
Ces chercheurs ont fait évoluer en laboratoire des souches de bactéries pendant plusieurs centaines de générations sous différentes conditions environnementales et les ont ensuite assemblées en communautés de différentes diversités.
" Les communautés constituées des bactéries qui avaient évolué dans les environnements les plus complexes se sont révélées être les plus productives ", explique Dominique Gravel, qui est aussi directeur de la Chaire de recherche du Canada en Écologie des écosystèmes continentaux.
Dans le contexte actuel de l'érosion de la biodiversité, ces résultats publiés dans la revue Nature (décembre 2010) ouvrent de nouvelles perspectives sur la relation entre la diversité du vivant et le fonctionnement des systèmes écologiques.
Biodiversité
2010 a été proclamée l'Année internationale de la biodiversité. Cette célébration fait suite à l'année de Darwin célébrée en 2009 pour les 150 ans de la publication de L'origine des espèces par le moyen de la sélection naturelle. Lorsque Darwin a développé la théorie de la sélection naturelle, il assumait que les changements évolutifs étaient généralement lents, et dans la plupart des cas impossibles à observer par l'humain. 150 après les travaux de Darwin, il est désormais possible de les observer, grâce à l'évolution expérimentale. Le principe repose sur la rapidité des micro-organismes à se reproduire. Grâce à cela, il est possible de les cultiver en laboratoire sur des dizaines ou centaines de générations, puis d'observer " en direct " l'apparition de mutations et la sélection naturelle.
À l'aide de cet outil, les chercheurs de cette équipe ont étudié comment l'histoire évolutive des espèces pouvait affecter la relation entre la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes. Dans un contexte où la biodiversité s'effrite à un rythme sans précédent, il semble impératif de mieux comprendre les conséquences de son érosion. Un élément important des théories écologique et évolutive est le concept de niche écologique, la niche étant en quelque sorte l'environnement auquel les espèces sont adaptées. Si une extinction d'espèce survient et libère une niche, la productivité (associée au fonctionnement) de l'écosystème sera potentiellement diminuée parce que les espèces qui restent ne seront pas forcément adaptées pour utiliser cette niche libre.
Par contre la relation entre l'évolution des espèces, et donc de leur niche écologique, et le fonctionnement des écosystèmes reste encore à élucider. Ces chercheurs ont donc fait évoluer séparément des bactéries en laboratoire pour qu'elles acquièrent différentes niches écologiques. Ils ont fait évoluer les bactéries soit sur un milieu simple composé d'une seule source de carbone, soit sur un milieu complexe composé de 31 sources de carbone. Ils ont ainsi obtenu des lignées ayant différentes " histoires évolutives " : des spécialistes (capables d'utiliser peu de source de carbone) et des généralistes (capables d'utiliser de nombreuses sources de carbone). Ils ont ensuite assemblé un nombre de lignées variable, de façon à " simuler " au laboratoire les conséquences sur le fonctionnement des communautés des extinctions d'espèces.
Ce faisant, ils ont pu démontrer que, indépendamment du nombre d'espèces qui composait la communauté, ce sont d'abord les stratégies des espèces (généralistes ou spécialistes), et donc leur histoire évolutive, qui déterminent la force de la relation liant diversité et fonctionnement.
Ainsi, ils ont montré que les assemblages d'espèces qui ont évolué sur un environnement complexe (généralistes) ont une plus forte productivité que les assemblages d'espèces ayant évolué sur des environnements simples (spécialistes).
" Nos résultats de recherche suggèrent que l'évolution conduit à une forte complexification des systèmes écologiques débouchant sur un meilleur fonctionnement ", constate Dominique Gravel.
C'est alors la diversité des stratégies écologiques au sein des assemblages écologiques qui va déterminer la force de cette relation plutôt que le nombre d'espèces comme tel. Ces travaux illustrent aussi que les espèces spécialistes remplissent un rôle écologique souvent unique et que leur perte aura donc potentiellement plus d'impact sur le fonctionnement que celle des espèces généralistes. Ces résultats sont d'autant plus importants que ces espèces sont souvent les plus sensibles aux changements globaux et donc les plus susceptibles de disparaître dans un futur proche !
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