Gaz de schiste et pollution atmosphérique - Pour l'AQLPA, des mesures s'imposent dès maintenant
L'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) juge que des mesures s'imposent immédiatement pour assurer le contrôle et l'encadrement adéquat de la pollution atmosphérique dans la Vallée du Saint-Laurent, d'autant plus que la pollution reliée à l'activité gazière s'ajoute à la pollution existante.
Réglementation désuète
Outre la Loi sur les mines qui date d'un autre siècle, le Règlement sur la qualité de l'atmosphère (R.R.Q., 1981, c. Q-2, r. 20), et le Règlement sur la déclaration obligatoire de certaines émissions de contaminants dans l'atmosphère (LQE, c. Q-2, r. 3.3) doivent également êtres revus et adaptés. À l'heure actuelle, les normes générales d'émission prévues au Règlement sur la qualité de l'atmosphère (RQA) sont minimales et bien souvent désuètes. Tout comme les mesures de contrôle prévues ne permettent pas, de l'avis de l'AQLPA, d'avoir un contrôle adéquat sur les travaux de forage.
Conséquemment, l'AQLPA estime qu'il faut voir à la mise à niveau de ces deux règlements de façon urgente. D'autant plus que Québec a déjà en main un projet de règlement sur l'assainissement de l'atmosphère (PRAA) qui est " tabletté" depuis plusieurs années. L'adoption de ce dernier permettrait d'assujettir les travaux de forages aux nouvelles normes de qualité de l'air ambiant et d'améliorer les mesures de contrôle. Il suffirait de l'adopter.
Pollution atmosphérique
Aux fuites documentées tout récemment sur 19 des 31 puits inspectés -et pour lesquelles l'AQLPA attend toujours les précisions chiffrées quant aux types de contaminants émis autre que le méthane- s'ajoutent tous les autres impacts de l'exploration et exploitation du gaz de schiste sur la qualité de l'air et la pollution atmosphérique. En ce sens, le rapport préliminaire de l'Institut national de santé publique du Québec 1 le confirmait, outre les risques de fuites, les activités sur les sites et de transport contribuent à augmenter les polluants atmosphérique émis: les oxydes d'azote (NOx) et de soufre (SOx), les composés organiques volatils (COV), les particules fines et plusieurs autres.
André Bélisle, président de l'AQLPA rappelle qu'une récente étude sur le développement de l'industrie du gaz de schiste à Haynesville aux États-Unis prévoit que "selon un scénario de développement faible, avec 1 570 puits en 2012, ces puits seraient responsables de 60 tonnes d'oxyde d'azote par jour, un irritant pulmonaire qui se transforme en ozone au sol responsable du smog. Des niveaux d'ozone accrus ralentissent également la croissance des arbres, des plantes et des cultures, entraînant des pertes économiques pour les industries forestière et agricole. Selon un scénario fort, avec 2 181 puits en 2012, on parle de 140 tonnes de NOx par jour, et ce, sans compter les COV évalués à plus de 20 tonnes/jour". Malgré tout, pour le moment, le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) n'a ni énuméré, ni quantifié, ni qualifié les émanations à prévoir quant à l'apport en pollutions atmosphériques de l'ensemble du cycle de vie de la productions gazière au Québec."
Pendant ce temps, les études menées aux Etats-Unis se multiplient et dressent un portrait toujours un peu plus sombre des impacts attendus. Notons les récentes modélisations effectuées sur le développement gazier prévu à Haynesville2, qui permettent de prédire une augmentation des concentrations de polluants atmosphériques causant l'ozone au sol, sur une période de temps relativement courte. Et ce non pas exclusivement à proximité des sites de forage, mais partout en périphérie en raison des vents qui transportent les polluants sur de grandes distances. Pour le Québec, aucune analyse ou modélisation de ce type n'a encore été faite. Cependant, à la lumière des analyses effectuées chez nos voisins, l'AQLPA estime que Québec doit dès maintenant fournir ces analyses en plus d'effectuer un suivi beaucoup plus étroit en mettant en place, sur l'ensemble du territoire, beaucoup plus de stations de contrôle pour suivre convenablement l'évolution de la qualité de l'air. Sachant que plusieurs régions du sud du Québec sont aux prises avec des problèmes d'ozone au sol et de particules fines (PM), entraînant des journées de mauvaise qualité de l'air, cela devient d'autant plus urgent.
L'AQLPA a calculé qu'en moyenne, pour la plupart des régions au Sud du fleuve entre Montréal et Québec, la qualité de l'air est considérée comme "bonne" moins d'une journée sur deux dans l'année. À elle seule, la région de la Montérégie subit en moyenne près de 40 (38,7) journées de mauvaise qualité de l'air par année (période 2004-2009). Ceci est d'autant plus inquiétant que de récentes études scientifiques démontrent qu'il n'y a pas de seuil minimal décelable en-deçà duquel les PM et l'ozone sont sans effets sur la santé de l'être humain. Si rien n'est fait, le Québec verra ce bilan se détériorer davantage, et ce, sans même l'ajout de la pollution atmosphérique reliée au gaz de schistes. En effet, en octobre dernier les ministres canadiens de l'environnement, incluant celui du Québec, ont décidé de se doter d'un nouveau système de gestion de la qualité de l'air qui prévoira des normes canadiennes de qualité de l'air ambiant plus ambitieuses d'ici 2015. Pour Patrick Bonin, coordonnateur climat-énergie à l'AQLPA, " la protection de la santé de la population exige que le gouvernement évalue l'impact de l'exploration/exploitation du gaz de schiste avant d'aller de l'avant. Ceci est d'autant plus vrai que le sud du Québec connait déjà des problèmes majeurs de qualité de l'air et que les futures normes de qualité de l'air ambiant seront encore plus strictes ce qui alourdira le bilan du nombre de journée où la qualité de l'air est mauvaise. Imaginez si on ajoute la pollution liée au gaz de schiste. "
Les effets des polluants sur la santé sont connus et documentés. L'ozone troposphérique (O3 au sol) est un irritant pour les yeux, le nez et les voies respiratoires. Son pouvoir oxydant peut provoquer une altération des fonctions pulmonaires et amplifier les maladies du système respiratoire. De nombreuses études ont établi un lien entre les particules fines totales (PM) et la recrudescence de diverses formes de maladies du coeur et de troubles respiratoires tels l'asthme, la bronchite et l'emphysème3 . En 2008 au Québec4, les frais de santé liés à la mauvaise qualité de l'air ont été d'environ 2 milliards $. Cette même année, la mauvaise qualité de l'air entraînait des admissions à l'hôpital (±2 667), des visites dans les urgences (±19 730), des malaises mineurs (±5.58 millions) et des visites chez le médecin (±144 000). D'autre part, l'Institut de santé publique évalue à 2 000 le nombre de morts liés à la mauvaise qualité de l'air et à 10 000 hospitalisations chaque année. "L'industrie du gaz de schiste émettra davantage de polluants dans l'air. Le Québec peut-il réellement se le permettre?", demande Kim Cornelissen, Vice-présidente de l'AQLPA. "Il faut mettre en perspective les coûts de santé évalués à 2 milliards$ causés par la pollution actuelle avec les prétentions de rendements financiers vantés par l'industrie qui estime que les ventes de gaz atteindraient environ 2 milliards $, laissant moins de 200 millions $ en redevances au Québec pour pallier aux coûts de cette nouvelle pollution", ajoute-t-elle.
À la lumière des informations qui ne cessent de surgir, il est urgent pour Québec d'agir en conséquence. Outre l'imposition d'un moratoire, la réglementation sur la qualité de l'atmosphère doit être revue parce qu'elle est inadaptée et ne permet pas de tenir compte de l'apport de la production de gaz et pétrole au bilan de la pollution atmosphérique du Québec. "Avant même l'éventuelle apparition de la production de gaz de schiste, le Québec doit procéder à une nouvelle vague de réduction des polluants à l'origine du smog et des pluies acides", rappelle André Bélisle.
"Il est urgent de s'attaquer concrètement à ces enjeux de qualité de l'air et de pollution atmosphérique en bonifiant la réglementation sur la qualité de l'atmosphère. Le Québec doit, sans plus attendre, adapter ses lois et règlements à la faveur du bien commun. Autant de raisons d'imposer un moratoire complet et immédiat sur l'exploration et l'exploitation des gaz de schiste au Québec ", conclut André Bélisle.
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