Le concept de personne morale est de nos jours pris pour acquis. Il ne doit toutefois pas nous faire oublier que ces personnes sont fictives, alors que chaque personne physique a au contraire un réel impact sur l’avenir. N’oublions pas notre propre responsabilité face aux enjeux actuels.
Édicter des objectifs pour l’avenir, élaborer une politique de développement durable soutenue et réfléchie, demander la participation du plus grand nombre d’États possible à ces objectifs et à cette politique... Toutes ces actions sont louables. En cela, et malgré que l’on puisse critiquer quelques oublis d’ores et déjà prévisibles des nouveaux Objectifs du Développement Durable, nous légitimons et félicitons leur conclusion future.
Toutefois, il me paraît opportun de m’attarder sur les effets indésirables que peut avoir ce type de négociations et de conclusion à l’échelle planétaire. Il me semble en effet qu’un des aspects négatifs de la conclusion de tels objectifs est d’oublier que «nous» en sommes au cœur. Si la société civile participe effectivement aux négociations, si les jeunes, l’industrie et d’autres prennent part aux conversations, et donc aux débats sur les perspectives d’avenir de notre planète, il s’agit encore une fois de laisser la mise en œuvre des mesures de développement durable et des solutions apportées aux problèmes environnementaux et sociaux à la charge de la gouvernance mondiale : ce sont alors les États, les gouvernements, les institutions, les organisations, les agences, etc., qui ont la responsabilité de la protection de notre planète, de l’humanité et de notre avenir à tous.
Voulons-nous nous laisser diriger, en espérant que ce soit dans la bonne direction et que cela fonctionne, sans plus prendre le temps de réfléchir et d’agir par nous-mêmes? Voulons-nous vivre dans l’illusion qu’un système de personnes morales sauvera l’espace sur lequel nous vivons, sans que nous ayons autre chose à faire que vivre notre quotidien, et en ne réfléchissant aucunement à notre consommation de ressources? Il est trop tard pour ce genre d’erreurs.
La nouvelle génération doit désormais se questionner, comprendre, agir et avancer. Les personnes morales ne peuvent le faire à notre place. Elles sont par définition des abstractions. Elles n’ont pas les moyens d’agir sans notre intermédiaire. Ainsi, l’action individuelle est au cœur des enjeux planétaires, ce que l’on oublie bien trop souvent en déplaçant les efforts à fournir sur les politiques nationales et internationales, économiques ou non. Je crois qu’il est temps d’arrêter de se cacher derrière des abstractions, de comprendre le rôle de tout un chacun. Nous avons un rôle bien plus important à jouer que ces entités. De la même façon qu’un président ne peut, du moins à mon sens, gouverner correctement sans demander des efforts de la part de ses concitoyens, nous ne pourrons sauver notre Terre avec des discussions étatiques et des objectifs dont seules des entités abstraites ont à se préoccuper.
Nous avons un réel pouvoir, le pouvoir de décider de l’avenir de notre planète. Être conscient de ce pouvoir est une chance unique puisqu’il est propre à notre époque, véritablement singulier aux générations contemporaines : ce pouvoir provient en effet de nos nouvelles connaissances sur les conséquences de nos actes, et de notre capacité à remettre ces derniers en question. Aujourd’hui, nous savons et devons savoir que la planète bleue est en danger et que nous sommes tous responsables de son avenir. Nous savons et devons savoir que nos gestes ne sont pas anodins. Nos actions individuelles constituent le moteur du monde. Or, nous avons le pouvoir de prendre soin de nous, de ne plus courir après l’argent et de respecter les ressources planétaires, trois actions interdépendantes qui ont des conséquences significatives sur la Terre.
Enfin, nous devons cesser de rejeter la faute ou les efforts sur l’autre. Les multinationales, les gouvernements, les ONG ne sont elles aussi que des personnes morales, et donc que des abstractions. Or, la vraie faute ou le réel effort incombe toujours à une personne humaine, comme vous et moi. Rejeter la faute ou l’effort sur un groupe abstrait ne nous rendra que moins conscient de notre pouvoir de changer les choses.
En somme, nous avons le choix de rester aveugles devant le pouvoir que nous avons sur notre destinée commune, et ainsi vivre dans l’illusion, la faiblesse, et peut-être l’espoir que les choses s’arrangent; ou celui de prendre conscience de notre pouvoir et d’agir, de se sentir enfin réellement utile et de participer à une nouvelle direction mondiale. La deuxième solution offre un chemin vers une conscience plus libre, vers une fierté d’être, vers une plénitude.
À l’heure où la Terre va au plus mal, je tiens à répéter ceci : personne ne nous sauvera à notre place. Prenez votre courage à deux mains, abandonnez l’idée d’être pris en charge par un quelconque système, et agissez. Il n’existe pas d’autre échelle que la vôtre.
Source: L'Interdisciplinaire, journal étudiant de l'Institut EDS
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