Les investissements écoresponsables ont été à l’honneur, mardi, lors d’une discussion organisée par la Maison du développement durable à Montréal, un événement qui a attiré près d’une centaine de personnes. Le panel, intitulé Épargne collective et individuelle : vers des portefeuilles sans pétrole, se voulait une réflexion sur les dernières tendances des placements exempts d’énergies fossiles.
Une mesure efficace
Née en 2014, la campagne mondiale Divest-Invest (désinvestissement-investissement) encourage les gestionnaires d’actifs à retirer leurs fonds des énergies fossiles et à les investir dans les énergies renouvelables, afin d’accélérer la lutte aux changements climatiques.
Bien que marginale à ses débuts, elle connait aujourd’hui un succès retentissant : lundi, le journal britannique The Guardian a rapporté que la valeur des fonds désinvestis a atteint les 5 200 milliards $ US en 2016, le double de l’année précédente.
Un phénomène dont l’efficacité n’est plus en doute, souligne le directeur pour le Québec et l’Atlantique de la Fondation David Suzuki, Karel Mayrand. « Il y a un an ou deux, j’aurais dit que c’était plutôt symbolique. Mais avec plus de 5 000 milliards de dollars désinvestis, ça finit par fonctionner parce qu’il y a une échelle intéressante. »
« Ce n’est plus juste des gestes symboliques faits par des universités et des activistes, ce sont de gros joueurs qui prennent des positions stratégiques à l’extérieur des combustibles fossiles. » Karel Mayrand, directeur pour le Québec et l’Atlantique de la Fondation David Suzuki
Il cite en exemple le retrait à l’été 2015 du fonds souverain de la Norvège (900 milliards $ CA) de l’industrie du charbon ou encore le désinvestissement du carbone d’une banque et des deux plus importants fonds de pension aux États-Unis. En tout, ce sont 688 institutions et plus de 58 000 individus dans 76 pays qui ont choisi de se départir de leurs placements dans les énergies fossiles, selon The Guardian.
Le rôle des petits investisseurs
Les citoyens ont eux aussi un rôle à jouer dans cette transition, explique Karel Mayrand. Selon lui, les clients d’une institution financière ont le pouvoir d’accélérer la création d’énergies renouvelables en demandant l’élaboration de portefeuilles sans pétrole. Quoique rare, ce genre de placements suscite de plus en l’intérêt des gestionnaires d’actifs.
En l’absence d’une telle opportunité, un investisseur peut toujours se tourner vers une institution concurrente, ce qui agit comme un puissant incitatif. « Quand 50 clients vont avoir fait ça, je peux vous garantir que la banque va essayer d’offrir des solutions et que ça va se démocratiser », insiste le directeur pour le Québec et l’Atlantique de la Fondation David Suzuki.
Au-delà de l’importance éthique d’un portefeuille « vert », Karel Mayrand assure que ce genre de placement peut être très rentable. Il faut toutefois faire la transition au bon moment. « Tous les indicateurs financiers tendent à démontrer que le charbon est sur le déclin et que le pétrole va amorcer son déclin assez rapidement. Donc, il faudra se départir de ses investissements d’ici les deux à quatre prochaines années pour en tirer pleinement profit. »
Trois trucs pour se désinvestir du carbone
Par Marc Picard, directeur général de la Caisse d’économie solidaire
Bien choisir son investissement : Sauf quelques exceptions (Caisse Desjardins, Fonds sans combustibles fossiles MD, VanCity Credit Union), la majorité des institutions financières canadiennes n’offrent toujours pas de portefeuilles exempts d’énergies fossiles, indique Marc Picard. Il faut donc bien magasiner pour trouver un fonds qui correspond à ses valeurs et à ses besoins. Et si votre banque préférée ne peut répondre à vos demandes? Il faut être prêt à insister ou aller voir ailleurs.
Entretenir une bonne communication avec son conseiller financier : D’emblée, Marc Picard reconnait que l’établissement d’un portefeuille sans pétrole peut causer des maux de tête, vu la nature complexe d’un tel remaniement. Il est donc essentiel de bien communiquer ses objectifs à son gestionnaire d’actifs. En raison l’importance mondiale du phénomène de désinvestissement de l’économie du carbone, plusieurs conseillers financiers saisissent de plus en plus la pertinence d’offrir des placements écoresponsables, explique-t-il.
Faire preuve de patience : Finalement, M. Picard estime qu’il faut se méfier des investissements avec un taux de rendement faramineux. Malgré son succès, le marché de l’énergie renouvelable demeure pour l’instant volatil, certaines opportunités peuvent donc comporter un plus haut taux de risque. Il vaut mieux être prudent et choisir un fonds établi.
Source : Fossil fuel divestment funds double to $5tn in a year, The Guardian, 12 décembre 2016
Isaac Gauthier pour GaïaPresse