Dans son rapport sur l’état des aires protégées rendu public hier, la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP) déplore le fait que le Canada arrive dernier parmi les pays du G7 dans la mise en place de son réseau d’aires protégées terrestres.
La SNAP note cependant que l’intérêt renouvelé du gouvernement fédéral pour la protection de la nature pourrait amener des progrès significatifs en vue d’atteindre les objectifs internationaux de 2020.
Alors que le Québec s’est lui aussi engagé à atteindre la cible intérimaire de 17% d’aires protégées en milieu terrestre d’ici 2020, le bilan de la province est actuellement à 9,35%, soit sous la moyenne canadienne de 10,6%. Qui plus est, la section québécoise de la SNAP (SNAP Québec) constate que contrairement au palier fédéral, le gouvernement du Québec n’a pas mis en place d’initiative spécifique pour améliorer la situation.
« Nous lançons un avis de recherche pour trouver un chef d’orchestre capable de livrer nos aires protégées et respecter l’engagement d’atteindre la cible de 17% d’ici 2020. Ce leadership est nécessaire pour assurer à la fois cohérence et efficacité de l’action gouvernementale et pour contrer l’obstruction systématique de certains ministères », d’affirmer Alain Branchaud, biologiste et directeur général de la SNAP Québec.
Un problème d’efficacité gouvernementale bloque la création d’aires protégées
Malgré le fait que de très nombreux territoires fassent l’objet de proposition d’aires protégées en raison de leur valeur écologique et culturelle, le Québec progresse à un rythme dramatiquement lent dans la constitution de son réseau d’aires protégées, au point qu’il risque de ne pas atteindre ses cibles pour 2020. « C’est seulement 1% de notre territoire qui a été protégé au cours des six dernières années, depuis l’adoption des objectifs internationaux en 2011. Au rythme actuel, on fonce droit dans le mur », se désole Alice de Swarte, coordonnatrice en conservation et analyse politique à la SNAP Québec.
Pour la SNAP Québec, le principal obstacle à la création d’aires protégées réside dans le fait que certains ministères appliquent une opposition de principe à la protection de territoires, même lorsque ceux-ci ne présentent pas de valeur économique démontrée.
Le cas des Montagnes Blanches illustre bien cette situation. La création de cette grande aire protégée de 10 000 km2, ayant fait l’objet d’un engagement dès 2011, puis ayant été identifiée comme une « action immédiate » dans le Plan d’action sur le caribou du gouvernement datant d’avril 2016, se fait toujours attendre. « Alors que ce secteur est scientifiquement reconnu comme étant crucial pour le maintien du caribou forestier, la volonté d’y préserver des potentiels économiques non démontrés ne cesse de retarder la protection des Montagnes Blanches », d’ajouter Pier-Olivier Boudreault, biologiste et chargé de projets en conservation et foresterie à la SNAP Québec.
La protection de la Magpie, un des nombreux gains possibles à court terme
De nombreux gains sont pourtant possibles à court terme, comme en témoigne le cas de la rivière Magpie. Classée parmi les dix meilleures rivières au monde pour la pratique d’activités en eau vive par National Geographic, la rivière Magpie est l’une des dernières grandes rivières sauvages du Québec. Le projet de protection et de mise en valeur de la Magpie, qui permettrait une diversification de l’économie locale, a bénéficié au fil du temps du soutien de la Nation Innue d’Ekuanitshit et de la défunte Conférence régionale des élusde la Côte-Nord. Toutefois, Hydro-Québec a toujours un œil sur le potentiel hydroélectrique de la rivière, et ce faisant, la proposition d’aire protégée stagne.
« La protection de la rivière Magpie est un projet porteur qui bénéficie de très nombreux appuis. La balle est maintenant clairement dans le camp du gouvernement provincial », d’affirmer Pier-Olivier Boudreault.
Le Québec n’a pas de feuille de route pour atteindre ses objectifs
Alors qu’il accumule un grave retard, le Québec n’a pas adhéré à l’initiative du gouvernement fédéral En route vers l’objectif 1 du Canada, qui vise notamment une action concertée des différents gouvernements et l’élaboration d’une feuille de route en vue d’atteindre 17% d’aires protégées en milieux terrestres d’ici 2020[1].
« Dans ces circonstances, nous demandons au gouvernement du Québec de se doter de sa propre feuille de route dans les plus brefs délais », affirme Alice de Swarte.
« Si le Premier ministre veut tenir ses engagements, il est plus urgent que jamais qu’il mobilise l’ensemble de son gouvernement en faveur de la création d’aires protégées. La tenue d’un Sommet extraordinaire sur la biodiversité pourrait être l’occasion de mobiliser les acteurs québécois vers un objectif commun », de conclure Alain Branchaud.
Source : SNAP Québec