« Nous maintenons que la démarche scientifique adoptée par Santé Canada semble avoir été compromise par des données manipulées et des analyses faussées. La décision annoncée aujourd’hui contribue à faire persister au Canada une agriculture dépendante du glyphosate, au détriment de notre santé et de notre environnement. Pendant ce temps, d’autres pays comme la France travaillent à mettre en œuvre des plans d’élimination progressive du glyphosate et de transition vers une production alimentaire saine et plus durable », a déclaré Annie Bérubé, directrice des relations gouvernementales chez Équiterre.
Le glyphosate est l’herbicide le plus utilisé au Canada et dans le reste du monde. Il est appliqué sur d’importantes cultures destinées à l’alimentation humaine, comme le maïs, le soja, le canola, le blé, l’avoine et l’orge. On le retrouve également dans nos cours d’eau, notre eau potable et dans près du tiers de nos produits alimentaires.
En 2015, un groupe d’experts indépendants du Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé a classé le glyphosate comme « probablement cancérogène pour l’être humain ». En 2018, un tribunal de Californie a statué que les pesticides à base de glyphosate de Monsanto (maintenant Bayer) ont contribué à l’apparition d’un cancer chez un citoyen américain, et que cette société a délibérément caché les risques*. Aux États-Unis, plus de neuf mille causes de patients atteints d’un cancer ont été portées devant les tribunaux.
En avril 2017, à l’issue d’une évaluation des risques d’une durée de sept ans, Santé Canada a permis de poursuivre l’usage du glyphosate au Canada en reconduisant son homologation, ne recommandant que quelques stratégies mineures d’atténuation des risques. En juillet de la même année, Équiterre, la Fondation David Suzuki, l’Association canadienne des médecins pour l’environnement, Prevent Cancer Now et Environmental Defence ont contesté cette décision en vertu de la Loi canadienne sur les produits antiparasitaires, attestant que d’importantes preuves scientifiques des risques environnementaux et sanitaires que pose le produit n’ont pas été prises en compte ou ont été rejetées dans le cadre de l’évaluation. Les groupes ont demandé que la ministre établisse un comité d’experts indépendants pour évaluer les risques du glyphosate, tel que prévu par la loi.
En 2018, les avocats d’Écojustice ainsi que des experts ont procédé à un examen des documents internes faisant partie du dossier maintenant connu sous le nom de « Monsanto Papers », documents internes révélant que la société Monsanto a délibérément manipulé des articles scientifiques, sans divulguer leur implication. « L’examen auquel nous avons procédé et dont les résultats ont été communiqués à Santé Canada montre que l’ARLA, l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, s’est fié à des données scientifiques ayant été utilisées dans des cas allégués d’inconduite de la part de Monsanto, explique Elaine MacDonald, directrice des programmes Communautés saines chez Écojustice. Nous sommes extrêmement déçus que la ministre de la Santé fasse fi des répercussions potentielles du glyphosate sur la santé humaine et sur l’environnement en se fiant à des données scientifiques frauduleuses ».
« Le seul moyen d’assurer aux Canadiens qu’ils sont protégés contre les risques que posent les pesticides tels que le glyphosate est de leur démontrer que le gouvernement prend des décisions basées sur des données scientifiques exhaustives, crédibles et indépendantes. Dans son évaluation des risques de cancer, Santé Canada a accordé de l’importance à des données d’études qui ont été modifiées ou changées par Monsanto, une société qui a tout intérêt à ce que le glyphosate demeure sur le marché. Cet aspect devrait à lui seul justifier la tenue d’un examen indépendant », d’ajouter Mme MacDonald.
*Monsanto fait appel de cette décision.
(Source : Équiterre)
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