L’histoire haïtienne succite une réflexion profonde sur les réussites et les limites des projets initiés par les bailleurs de fond. Comment prendre le temps du développement ? Quelles sont les conditions d’une meilleure compréhension mutuelle ?
Haïti récalcitrante à l’aide ?
En Haïti, plus qu’ailleurs, se fissurent les illusions de l’aide au développement. Le désenchantement plane sur ce pays où s’amoncellent les projets, les montants et les bons sentiments. Haïti récalcitrante à l’aide ? Son histoire atteste d’une tradition de contestation de l’ordre établi, depuis la brèche ouverte avec l’indépendance de 1804 dans le combat pour les libertés humaines. Et si Haïti avait raison dans sa résistance à l’aide ? Le cas haïtien doit être pris comme une opportunité inédite de s’interroger profondément sur les limites des bailleurs de fonds, en tout cas de l’un d’entre eux, l’AFD. Il invite à considérer l’aide au développement dans toute sa complexité, sa diversité, ses multiples formes et composantes.
L’aide révèle une discordance de temps. Les impératifs temporels de gestion d’un projet d’aide au développement se conjuguent souvent mal avec le temps nécessaire à son appropriation et au déploiement de ses impacts. En Haïti, le temps est tressé de discontinuités de tous types : cahots politiques, accidents naturels et climatiques. Entre urgences récurrentes et enjeux structurels, comment travailler au rythme propre à réconcilier ces décalages ? On ne peut pas décréter l’échec au bout de quatre ans seulement. Pourquoi ne pas se laisser 10 ou 15 ans ?
« L'impact de l'aide se situe au-delà du quantifiable »
Notre histoire montre que nous sommes installés en Haïti dans la durée, malgré quelques années d’interruption de notre coopération. Accepter la lenteur nécessiterait de s’affranchir de logiques supérieures et impérieuses, aux premiers rangs desquelles la pression de démontrer des résultats rapides, afin de justifier de l’utilisation des fonds auprès du contribuable, afin de respecter les principes d’efficacité de l’aide. Il y a en Haïti des projets qui marchent et qui durent, des investissements qui sont entretenus et portent leurs fruits, transforment les terroirs et les destins. Mais les grands agrégats économiques n’en rendent pas compte, et ceci alimente un sentiment d’échec.
Or l’impact de l’aide se situe aussi au-delà du quantifiable, dans la sédimentation et la transmission : de belles aventures humaines comme le projet « bornes fontaines » en témoigne. Ce projet qui a créé à partir de 1955 un système de desserte en eau potable dans des quartiers défavorisés de Port-au-Prince est désormais inscrit dans le paysage. À travers les infrastructures d’eau et les associations d’irrigants, il a influé de manière irréversible sur l’organisation sociale de plusieurs quartiers.
En matière d’aide, il devient donc urgent de prendre en compte le caractère multidimensionnel de la réalité, de réévaluer le sens des priorités. Quel pays mieux placé qu’Haïti, où les déceptions de l’aide sont légion et confinent à l’absurde, pour amorcer la réflexion ? Face à l’excès, voire la surenchère d’études et de projets qui se succèdent : et si c’était sur nous qu’il fallait faire porter l’effort ?
Extrait du site http://ideas4development.org/haiti-limites-aide-developpement/
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