Haïti / République Dominicaine : Les premiers résultats d’une initiative agroforestière transfrontalière
samedi 18 mars 2006
par Ronald Colbert
P-au-P, 18 mars 06 [AlterPresse] --- A travers une brochure intitulée « Grandir dans l’Union », rédigée en Créole, Espagnol et Français, les premiers résultats d’une expérience agroforestière transfrontalière, conduite de 2002 à 2006 dans 4 sites d’intervention en Haïti et en République Dominicaine, ont été exposés le 14 mars à Pétionville, est de Port-au-Prince, devant divers représentants d’organisations nationales et internationales ainsi que de médias, dont l’agence en ligne AlterPresse.
« Les arbres grandissent lentement. La croissance non gérée sur des parcelles forestières met en danger les ressources naturelles qu’on voulait protéger », a averti Ute Braun, directrice régionale de AgroActionAllemande (AAA-Haïti), tentant de brosser les perspectives du programme agroforestier transfrontalier, dont la première phase prend fin le 31 mars 2006.
Ute Braun convie les bailleurs de fonds à accompagner la deuxième phase, au terme du financement de la première phase par l’Union Européenne qui a contribué pour 699, 964 euros et par AAA-Haïti qui a alloué 315,936 euros. 7,500 personnes, femmes et hommes, ont participé activement dans les activités en Haïti et en République Dominicaine.
Suivant les explications fournies par AAA-Haïti, le chemin à parcourir pour arriver à la durabilité des actions reste long, malgré « le million de plantules forestières mises en terre, les 229 sessions de formation en aménagement et gestion forestiers, la valorisation de 20,000 arbres fruitiers par le greffage, l’établissement de 2 micro entreprises (en République Dominicaine) autogérées pour la commercialisation du bois produit, le renforcement des associations paysannes pour une multiplication des activités approuvées par les groupes cibles ».
Une parcelle reboisée commence à être rentable le plus tôt après cinq ans, seulement si les techniques correspondantes ont été appliquées correctement.
Le but de l’agroforesterie, tel que défini dans la brochure « Grandir dans l’Union », ne consiste pas uniquement à parvenir à gérer durablement les ressources naturelles, mais également à mettre en valeur le système de production par un accroissement des revenus tirés des cultures forestières ou arbres fruitiers, arbustes, associés à des cultures vivrières ou de l’élevage.
Combiner la protection environnementale avec une augmentation des revenus pour les exploitants bénéficiaires, à court moyen et long terme, implique une introduction et une vulgarisation des techniques de gestion forestière des arbres.
Or, les systèmes agroforestiers implantés ainsi que les parcelles reboisées, dans le cadre du « programme agroforestier pour la stabilisation de la production de la petite paysannerie en Haïti et en République Dominicaine » ont au maximun deux ou trois ans.
Aussi, « sur la base des relevés actuels effectués chez les planteurs pilotes, est-il encore trop tôt de tirer un bilan définitif, confirmé par la pratique, en ce qui concerne la rentabilité réelle du système agroforestier et sa durabilité, car les arbres poussent lentement et les habitudes ne se modifient pas du jour au lendemain ».
Toujours est-il que les possibilités offertes par le programme en cours se trouveraient dépassées par la demande des groupes cibles pour les activités du projet, comme la formation dans le domaine du greffage de la mangue à Marigot (Sud-Est, soutenu par Action pour un Développement Durable / ACDED-Haïti) ou le reboisement d’autres parcelles aux Palmes (Petit-Goâve, Ouest, encadré par Concertation et Action pour le Développement / Concert-Action).
De l’approche « filière » retenue, les lots boisés deviennent « caisses d’épargne » pour de plus en plus de petites productrices et de petits producteurs qui ont adopté des solutions concrètes inhabituelles, mais appropriées, telles l’association de cultures d’arbres (casuarina, acacia, cèdre rouge) avec l’igname, le manioc (yuca) et le maïs, rapportent les 4 partenaires du programme : AAA-Haïti, ACDED-Haïti, Concert-Action et Enda dominicana.
Tout au long de la mise en œuvre du programme, les 4 institutions partenaires se sont réunies en Comité de Pilotage pour aboutir à un montage tenant compte des spécificités et de la philosophie de chaque partenaire ainsi que des nouvelles propositions d’approche technique issues des visites de terrain chez les bénéficiaires, souligne Cantave Saint-Louis de ACDED-Haïti.
Il a fallu développer une approche transfrontalière adaptée, en commençant par des actions de sensibilisation pour susciter un climat de confiance, créer et entretenir un environnement adéquat pour un vrai partenariat constructif et productif. Sur la cause commune aux 2 pays, l’objectif recherché a consisté à stopper la dégradation des ressources naturelles en améliorant les conditions de vie des paysans.
Les 4 partenaires du « programme agroforestier pour la stabilisation de la production de la petite paysannerie en Haïti et en République Dominicaine » n’ont pas indiqué pourquoi leur choix s’est porté sur les sites de Marigot et Les Palmes (Sud-Est et Ouest d’Haïti), Villa Altagracia et El Valle Bayaguana ( non loin de Santo Domingo en République Dominicaine).
Cependant, l’ambassadeur d’Allemagne en Haiti, Hubertus Toma, a exprimé sa satisfaction pour l’action accomplie dans le cadre du programme agroforestier.
« A l’époque de la globalisation, 2 pays sont obligés de se mettre ensemble pour arriver au même résultat » en ce qui concerne la coopération, signale-t-il.
La récente visite, début mars 2006, du président élu René Garcia Préval à Santo Domingo laisse l’impression que les responsables politiques de l’île ont compris l’impératif de la coopération, ajoute Hubertus Toma.
A noter que la brochure « Grandir dans l’Union » (Creciendo Unidos » en espagnol et Grandi nan Linyon en créole) a été également présentée le 10 mars 2006 au Centro Dominico-Alemán dans la zone coloniale de Santo Domingo, par la Agro Action Allemande (AAA) qui travaille sur l’île depuis 1974. Les priorités dans les deux pays sont l’agriculture et la sécurité alimentaire, la gestion des ressources naturelles et la promotion de la société civile, suivant l’engagement de la AAA.
Pour le ministre haïtien de l’Agriculture, Philippe Mathieu, qui participait à la présentation de la brochure « Grandir dans l’Union », l’injustice sociale et la pauvreté sont à l’origine des pressions exercées sur les ressources naturelles. Il importe, dit-il, de chercher des opportunités de dialogue entre les deux peuples de l’île, d’aménager les relations sur d’autres bases, de renforcer les échanges entre les acteurs d’un même écosystème.
Les bassins versants, dont 13 principaux ont été identifiés, la priorisation des productions à travers des filières comme le café et le cacao (pour protéger l’environnement et augmenter les revenus des paysans), l’agroforesterie, le développement de cultures permettant l’accroissement des revenus des paysans, l’implantation de modèles novateurs (nopal, ricin, jatropha connu en Haïti sous le nom de gwo metiyen), sont les principaux axes de la politique du ministère de l’Agriculture, articulée avec un ensemble de partenaires oeuvrant à la relance de la production agricole, a rappelé Mathieu à l’occasion.
Outre des projets de développement local, l’établissement de systèmes d’alerte précoce pour prévenir les catastrophes naturelles et les inondations (en collaboration avec des organismes nationaux et internationaux), le Ministère haïtien de l’Agriculture a promu la formation en hydrogéologie de jeunes du pays qui devraient bientôt apporter leur quote-part pour solutionner le problème posé par les eaux de Solyèt à Fonds Verrettes (Ouest), où un bilan officiel de 238 morts et plusieurs milliers de sinistrés avait été enregistré à la suite des inondations du 23 mai 2004. [rc apr 18/03/2006 14 :00]
Ronald Colbert [AlterPresse - Haiti]
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