L’ECO-CITOYENNETE RENTABLE :LA NECESSITE D’UN CHANGEMENT DES PRATIQUES DES ACTEURS EN MATIERE DE POLITIQUES DE RESTAURATION DU COUVERT VEG
I. Introduction
Après les différentes politiques successives en matière de plantation d’arbres qui ont mis plus l’accent sur les superficies reboisées et sur le nombre de plants mis en terre qu’à leur entretien, il y a une nouvelle orientation qui encourage cet entretien avec le concept de l’éco-citoyenneté. La présente note de réflexion a pour objectif de contribuer à l’enracinement de ce concept d’éco-citoyenneté. Si cette politique apparaît judicieuse, sa réussite dépendra du niveau d’engagement des différents acteurs agissant dans le domaine de la restauration du couvert végétal dont notamment les producteurs, les agents en charge de l’environnement, la recherche et les acteurs du secteur privé. En effet, la qualité de l’entretien que les producteurs accordent à une spéculation dépend étroitement des bénéfices que cette spéculation génère comme en témoigne le cas des arbres comme les manguiers et agrumes . De ce fait, la politique de plantation de nos espèces devrait prendre en compte le souci d’amélioration des produits des arbres.
Dans le domaine, le Burkina Faso n’étant pas un pays producteur de bois d’œuvre, c’est vers la qualité des produits forestiers non ligneux que l’essentiel des efforts doit être tourné. Cette option mérite d’être associée à une réorientation des attributions des agents en charge de l’environnement et leurs actions en direction des communautés devront viser la lutte contre la pauvreté, en d’autres termes générer des revenus pour les populations locales. Ainsi, les opérations de plantation pour bénéficier d’un entretien conséquent devront être orientées vers des espèces qui génèrent des produits commercialisables qui peuvent être des fruits, des feuilles, etc.
II. Un changement des pratiques des plantations
Pendant longtemps, les centres de recherches et les services forestiers ont fait des efforts énormes de maîtrise de la conduite des espèces locales en pépinière et en plantation. Les semences venaient de la structure spécialisée en la matière qu’est le Centre National de Semences Forestières (CNSF). L’appel à accorder plus d’intérêt à l’entretien des plants ne trouvera un écho que s’il correspond à une possibilité pour les producteurs de tirer meilleur profit des arbres plantés en termes de revenus immédiats. Dans ce domaine, même si la recherche n’est pas encore à l’étape de l’amélioration génétique, les acquis en matière de greffage peuvent contribuer énormément à améliorer la qualité des produits forestiers non ligneux. L’Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles (INERA) et le CNSF peuvent beaucoup aider en matière de recherche d’accompagnement et de formation. Mais au-delà de la formation des agents et de celle des producteurs, il y a tout un changement de conception à adopter.
La démarche consistera à partir de l’expertise paysanne sur les peuplements ou les arbres bons producteurs (encore appelés “arbres plus” ) et dont les paysans souhaitent voir perdurer du fait de la qualité de leurs produits. Le greffage peut permettre donc de conserver ces “arbres plus”, de les multiplier et de continuer ainsi à bénéficier de leurs produits. Des exemples existent dans le domaine pour plusieurs espèces locales dont le karité , Lannea microcarpa, Sclerocarya birrea, Saba senegalensis , et Acacia senegal . Les agents forestiers devront se baser sur les connaissances de leurs partenaires producteurs afin de détecter les individus “plus” et de les utiliser pour produite des plants greffés. L’implication des producteurs dans la recherche des individus “plus” contribuera à les responsabiliser mais elle devra s’accompagner de la documentation de la connaissance qu’ils auront fournie pour des raisons à la fois morale et éthique.
L’identification des arbres présentant des caractéristiques intéressantes pour le marché et mis dans des endroits connus par la plantation doit être suivie par les spécialistes en génétique forestière. Ces plantations, en plus des produits de meilleure qualité qu’ils vont procurer, peuvent être des sources de revenus additionnels comme peuplements semenciers avec un encadrement approprié du CNSF. La collection des “arbres plus” et des connaissances locales serviront de base aux programmes d’amélioration génétique des espèces locales.
Les agents des Eaux et Forêts doivent être formés à cette nouvelle forme de collaboration avec les partenaires producteurs mais aussi à l’analyse des marchés locaux des produits. C’est en cela que l’expérience du projet pilote de “Gestion durable des produits forestiers non ligneux et Analyse et Développement des Marchés” (ADM) pour la Promotion des Micros et Petites Entreprises Communautaires de PNFL qui est en cours d’exécution au Ministère de l’Environnement et du Cadre de Vie mérite une attention particulière. Cette analyse des marchés permettra d’identifier les produits porteurs mais aussi de fournir des données qui serviront à alimenter l’information sur les marchés. Les agents devront avoir pour rôle l’organisation des producteurs dans le sens de faire émerger des marchés locaux des produits mettant en contact producteurs et opérateurs privés. Ainsi, les producteurs pourront tirer effectivement des bénéfices de leurs activités de plantation des espèces locales.
Dans cette nouvelle démarche, les agents auront besoin de l’appui de spécialistes dans le domaine et que peut fournir actuellement l’Université Polytechnique de Bobo-Dioulasso. En effet, plusieurs étudiants de l’Institut de Développement Rural (IDR) ont eu comme thème de stage de fin de cycle, l’étude des produits forestiers non ligneux et de leurs marchés. Ces cadres qui sont sur le marché de l’emploi pourront aider à identifier les secteurs porteurs et à documenter les connaissances locales afin de servie de base à l’élaboration d’une stratégie propre à chaque région du pays. Cette démarche devra comporter, en plus de la spécialisation de certains ingénieurs de l’IDR de l’Université Polytechnique de Bobo-Dioulasso, une formation des élèves de l’école forestière de Dindéresso sur le sujet et un recyclage des agents exerçant déjà sur le terrain ainsi que des agents des projets et ONG que l’on doit aussi impliquer.
A côté des actions à l’endroit des particuliers et dans le cadre du processus actuel de communalisation intégrale, chaque entité locale doit développer une politique de conservation de la nature de sa localité. Des sortes d’arboreta pourront ainsi être installés dans lesquels se développera la végétation naturelle à laquelle seront associées des opérations de plantation d’espèces de la localité mais non présentes dans l’espace protégé.
Les organes dirigeants de la communauté locale doivent développer des initiatives pour financer ces activités communautaires. Ainsi, si la communauté peut être sollicitée pour la main d’œuvre de plantation, l’entretien devrait être entièrement à la charge des organes dirigeants de la communauté. Les avantages de ces actions communautaires sont d’ordre éthique et écologique (services et fonctions écologiques des arbres). Les biens et produits spécifiques comme l’éco-tourisme, ces espaces communautaires peuvent être sollicités. A l’image du parc “Bangré Wéogo”, ces espaces pourraient servir de lieu de promenade des personnes âgées ou d’apprentissage de la flore et de la végétation par les jeunes.
L’ensemble de ces actions devra bénéficier d’un cadre législatif et règlementaire favorable ainsi que d’actions vigoureuses et soutenues de valorisation de nos espèces locales en impliquant le secteur privé notamment toutes les personnes exerçant dans le domaine de la transformation et de la commercialisation des produits forestiers non ligneux.
III. L’importance du marché et des règles en matière forestière et foncière
Comme Russel et Franzel (2004) le disaient, l’erreur commune des programmes et projets de plantation est de commencer par produire plus un produit en pensant que le marché est sûr. Or les marchés sont par nature risqués et changeants alors la diversification est essentielle pour la stabilité des revenus tout en assurant l’équité des opportunités au sein des ménages et des communautés et en maintenant les processus écologiques du fait de la restauration du couvert végétal par les plantations d’espèces génératrices de revenus. En plus de cela, les questions de qualité et de compétition doivent être prises en compte lorsque l’on engage des producteurs dans le marché car le manque de politiques rigoureuses dans un pays voisin ayant les mêmes produits peut créer des externalités dans le contexte de la libre circulation des biens et des personnes.
Pour faire face aux problèmes de qualité et de marché changeant, il y a lieu de créer les opportunités de vente pour producteurs aussi bien localement (organisation de foires locales) que pour l’extérieur. Il faut pour ce faire, développer un système d’information sur les marchés pour toutes les catégories de producteurs, de produits et de situations. Sur ce point, les agents des Eaux et Forêts et des ONG travaillant déjà dans le domaine de la foresterie ne sont pas outillés pour l’analyse des marchés. Ils devraient être formés sur ce sujet afin de faciliter le contact avec les acteurs du secteur privé exerçant dans la commercialisation des produits forestiers. C’est en cela que l’approche ADM devrait être promue à l’échelle nationale. Aux formes traditionnelles de coopératives devraient succéder des groupes d’intérêts des paysans qui vont agir comme interlocuteurs avec les opérateurs privés du secteur.
La législation forestière qui, depuis les temps coloniaux, interdit les coupes et transport des produits des arbres, devrait changer car elle compromet le développement des liens entre les producteurs et les acteurs de l’agrobusiness (Bagnoud et al. 1995 ; Teklehaimanot, 2004). En effet, la taille pourrait être utilisée comme technique sylvicole pour les arbres fruitiers mais aussi à la fin du cycle d’une plantation . Les questions de plantations à l’échelle du citoyen posent aussi le problème de la tenure foncière. Une concertation à ce niveau s’avère nécessaire afin de sécuriser les investissements.
IV. Conclusion
Comme spécifié en introduction, cette note se voulait une contribution à l’enracinement du concept d’éco-citoyenneté. La motivation pour l’entretien des arbres sera à la hauteur des revenus générés par les produits de ces arbres au profit des producteurs. L’Etat dans son appui devrait assurer le développement d’activités qui permettent l’amélioration des produits des arbres (financer la recherche) et développer des curricula de formations de tous les agents impliqués dans le secteur de la restauration du couvert végétal et de la commercialisation des produits forestiers. Les producteurs impliqués devraient être en liaison avec les opérateurs privés de l’agrobusiness. Et pour cela, ils devront s’organiser en groupements d’intérêt, mais aussi bénéficier d’un système adéquat d’information sur les marchés des produits. Tout ce développement doit s’opérer dans un contexte de changement de textes dans le domaine de la foresterie et du foncier afin de garantir les investissements des individus. Enfin les services en charge de la foresterie communautaire ou rurale, les projets et ONG devraient expérimenter cette nouvelle orientation dans une alliance Recherche-Formation-Développement-Secteur privé.
Partagez
Donnez votre avis