En juillet dernier, dans l’anonymat général, le groupe français Total a finalisé un accord à hauteur de 14,9 milliards de dollars pour lancer son projet colossal d’extraction de gaz naturel liquéfié au Mozambique. C'est l'un des accords financiers les plus onéreux jamais réalisés sur le continent africain. Toutefois, ce projet soulève des questions, puisqu’il est entrepris dans un Etat particulièrement instable et surtout dans l’une de ses régions les plus tendue : Cabo Delgado.
La région de Cabo Delgado porte désormais très mal son nom, puisqu’en portugais (le Mozambique est un Etat lusophone ayant obtenu son indépendance du Portugal en 1975), cela signifie le « cap oublié ». En effet, historiquement, ce cap, ainsi que tout le nord du Mozambique qui abrite la minorité musulmane d’un pays majoritairement chrétien, a reçu peu d’argent publique. En conséquence, Cabo Delgado est devenu une plaque tournante de la drogue dans la région, que ce soit par la terre ferme ou la mer.
En 2011, tout a changé avec la découverte que le nord du Mozambique et notamment Cabo Delgado, abritait des réserves de pétrole et surtout, l’une des poches de gaz naturels les plus importantes d’Afrique.
Depuis, le gouvernement central du Mozambique a entrepris de déplacer les populations locales afin de pouvoir réaliser des extractions. En parallèle à cela, des groupes d’insurgés ont vu le jour et cherchent à profiter des ressources de la région. Le groupe islamiste Ansar al-Sunna est le plus important, mais d’autres de tailles plus modestes existent également. Depuis 2017, les affrontements se multiplient. Plus de 200 000 personnes ont fui la région au cours des trois dernières années et plus de 700 000 individus sont directement affectés par la situation. Les civils se retrouvent au milieu des combats et sont la cible de pillages. Ils sont 700 à avoir perdu la vie et jeudi 30 juillet dernier, 9 civils supplémentaires ont été tués à la suite d’un pillage commandité par le groupe Ansar al-Sunna.
Dans ce décor tragique, il devient légitime de se demander si le projet de Total fait sens et surtout comment il influencera la situation. Pour l’ONG française Les Amis de la Terre, qui a publié un rapport en juin dernier à ce sujet, la réponse est claire. Total participe à la militarisation de la région et fait cela avec l’appui du gouvernement français. Concernant l’appui du gouvernement français rien n’a été prouvé à ce jour. Le Mozambique et la France partagent effectivement une frontière maritime mais aucun accord n’existe pour l'instant. En revanche, Total possède cinq contrats avec des groupes de défense privée. Ces cinq groupes s’ajouteraient aux deux groupes de mercenaires qui sont déjà utilisés par le gouvernement du Mozambique à Cabo Delgado.
Quoi qu’il en soit, cette entreprise déraisonnable de la part de Total est symptomatique des rivalités entre les grands groupes de l’énergie dans le monde. Total s’est lancé au Mozambique afin en partie de reprendre la main dans sa rivalité en Afrique avec le groupe italien Eni.
11/12/24 à 13h46 GMT