Plusieurs sites de traitement des déchets du Var ont fait l'objet de procédures judiciaires ces dernières années. Dans une région pourtant hautement touristique, la légèreté avec laquelle sont gérés les problèmes relatifs au traitement des ordures laisse craindre le pire concernant des projets industriels et environnementaux de plus grande importance.
La problématique des déchets ménagers et industriels
On ne traite pas de la même façon (incinération, compactage, enfouissement, stockage, recyclage, retraitement...) les déchets ménagers et les déchets industriels. Ces derniers, composés parfois de résidus de retraitement ou d'incinérations, de gravats ou de matériaux métalliques, doivent être gérés séparément, parce qu'ils sont générateurs de polluants spécifiques. Cette évidence n'en est pas forcément une dans le Var, et sur plusieurs sites du département, des décharges officielles d'ordures ménagères sont devenues des décharges sauvages de déchets industriels, en violation de toutes les réglementations et du simple bon sens (1). Dans tous les cas sont pointés du doigt le laxisme des gérants-exploitants avec la réglementation et des tentatives de contournement des directives environnementales sur le traitement des déchets dangereux, toxiques ou nocifs. De graves lacunes ont été relevées en matière de confinement des divers ruissellements, impliquant des rejets polluants dans les sols et vers les nappes phréatiques, et mettant en jeu la santé publique.
Les structures conçues pour accueillir, même temporairement, les déchets ménagers ne sont pas prévues pour recevoir des déchets industriels. A titre d'exemple, les bâches prévues pour éviter les écoulements issus de déchets ménagers supportent très mal les fers à béton, très courants dans les déchets de construction. Une fois percées, les bassins de rétention laissent filtrer à travers le sol tous les polluants qu'ils sont censés retenir : produits chimiques, particules métalliques, ou simplement eaux de pluies souillées. En traversant les différentes couches, ces divers produits finissent par atteindre les nappes phréatiques, et se retrouvent dans les lacs ou les cours d'eau. Dans tous les cas, cela présente des risques pour la santé des utilisateurs de cette eau, pour quel que motif que ce soit.
Mélange des genres et pratiques douteuses
Les incidents industriels et les pollutions afférentes, comme dans le cas de fuites dans une décharge de déchets ménagers, sont excusables, à condition toutefois qu'ils soient décelés suffisamment tôt pour prévenir tout risque pour la population, et qu'il soit prouvé qu'ils ne sont pas le résultat de pratiques frauduleuses. Les incidents répertoriés dans le Var n'entrent pas dans cette catégorie, car sur au moins deux sites connus, les exploitants des sites ont été condamnés pour " exploitation non conforme et sans autorisation ".
Derrière l'apparente neutralité de la formule se cachent le stockage et l'enfouissement de déchets industriels toxiques et non traités sur des sites destinés aux seules ordures ménagères. A Bagnols-en-Forêt, ce sont les résidus d'incinération de la centrale d'Antibes qui ont été retrouvés en quantités massives sur le site. Difficile de croire à l'incident isolé, lorsque 90 000 tonnes de mâchefers sont déversées pendant trois ans sur place (2). Après une première condamnation, l'entreprises Pizzorno, gérante du site, a mis fin à cette pratique, mais peu de temps après, elle est prise en flagrant délit de récidive avec cette fois plusieurs milliers de tonnes de boues de centrale d'épuration (3). Mais cela ne l'a pas empêché, contre toutes attentes, de décrocher le contrat de modernisation de l'usine d'incinération de Toulon. Dans la région de la plaine des Maures, la décharge de Balançan au Cannet fait l'objet de mauvais traitements similaires : même motif et même sanction pour la société Pizzorno, un nom qui revient décidemment souvent dans les affaires de scandales environnementaux varois. En dépit des aspects judiciaires d'affaires encore en cours d'instruction, certaines associations s'interrogent également sur les compétences techniques de certaines sociétés à qui a été confiée la gestion des sites. La même société Pizzorno s'est ainsi vue refuser les autorisations nécessaires à l'exploitation de deux autres décharges à Vazeillette et Saint-Beauzire (4). Les dossiers ont été jugés irrecevables tant sur le fond que sur la forme. Une décision qui pose beaucoup de questions sur la capacité de cette société a géré les sites dont elle actuellement la charge, et sur les dangers que ces décharges représentent pour la santé publique.
Face aux craintes des élus EELV, la préfecture du Var a décidé en février 2013 de la création d'une commission de suivi du site de Roumagayrol (5). Il accueille des milliers de tonnes de mâchefers, après que la préfecture ait autorisé une extension de l'activité sur ce site, et des craintes subsistent sur l'innocuité proclamée de ces déchets (6). Mais les relations entre l'entreprise et la préfecture sont tendues depuis des années, et ce ne sont pas toujours les pouvoirs publics qui ont le dernier mot (7). D'autres préfets se montrent plus précautionneux avec la société, comme dans le Puy de Dôme où le préfet a reporté sa décision sur le dossier de la construction par Pizzorno d'un nouveau site sur la commune de Culhat (8). La préfecture du Var fera-t-elle preuve du même discernement ?
Pour sa part, l'actuelle Ministre de la santé Marisol Touraine, rêve peut-être d'une France sans voitures, s'évertuant à combattre les émissions de particules fines aux côtés de Delphine Batho, à l'écologie. Mais il n'y a pas que la pollution aérienne qui met la santé publique en danger : les plus grands scandales sanitaires contemporains nous l'ont déjà enseigné, pourtant.
Notes :
1- millebabords.org, 25 avril 2013, pierregout.centerblog.net, 08 octobre 2011, Varmatin.com, 07 mars 2013
2- Boursier.com, 27 juillet 2011
3- Libération.fr, 06 octobre 2011
4- aseb.blog.free.fr, 16 septembre laruche.leveil.fr, 24 mai 2012
5- Recueil des Actes Administratifs de la préfecture du Var, 16 février 2013
6- Arrêté Complémentaire du 20 décembre 2012, Préfecture du Var
7- accid.over-blog.com, 16 juin 2008, www.leravi.org, 15 novembre 2011
8- La Montagne.fr, 15 mars 2013
17/10/24 à 09h35 GMT