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Villes durables en Afrique de l'ouest : 7 exigences pour en faire une réalité



  • Selon les Nations Unies, l’Afrique comptera en 2050 environ 1,2 milliard d’urbains, contre un peu plus de 450 millions aujourd’hui. En ce qui concerne les villes d’Afrique sub-saharienne, elles doivent se préparer à accueillir à elles seules plus de 300 millions d’habitants supplémentaires dans les vingt prochaines années.

    Le continent est donc confronté d’une part aux challenges liés à la croissance urbaine, et de l’autre, à la nécessité de préparer un avenir urbain durable dans les villes et métropoles de demain.

    Cela implique une nouvelle approche des questions écologiques, socio-économiques et techniques au sein de la ville africaine.

    Face à cette réalité, la ville durable se veut être une alternative concrète.

    Cependant, en observant les principales villes d’Afrique de l’ouest,  des questions se posent naturellement :

     

    - Peut-on envisager des villes durables au regard du nombre important de constructions anarchiques ? 

    - N’a t-on pas l’impression que ce sont les citadins qui décident de l’architecture de la ville  au détriment des pouvoirs publics ?

    - les villes africaines qui semblent s’étaler de plus en plus ne s’opposent-elles pas à la ville durable qui se veut compacte ?

    - Au regard du nombre important de véhicules polluants en circulation,  peut-on envisager une réelle mobilité durable?

    - En tenant compte de la gestion des déchets qui depuis des décennies s’améliore à pas de tortue, peut – on vraiment espérer que la ville durable ne soit pas une utopie ?

     

    Malgré la pertinence de toutes ces questions, l’Afrique est bien décidée à faire du développement durable son cheval de bataille.  Les villes africaines peuvent  devenir des villes durables, si et seulement si, cela se fait sur la base d’un processus progressif  et surtout sans faire un copier-coller immédiat de la réalité occidentale.

    Pour y arriver, voici 7 exigences dont la prise en compte pourrait accélérer le verdissement des villes africaines et remettre l’homme et l’amélioration de ses conditions de vie au coeur des projets urbains:

     

    1. Accorder la priorité à la santé et à l’environnement :

    La ville durable comme son nom l’indique devra limiter les impacts environnementaux et sanitaires des activités citadines. Elle pourra ainsi assurer à la population un cadre de vie sain.

    De ce fait, l’accent doit  particulièrement être  mis sur la création d’un système d’amélioration continue de la gestion des déchets, des moyens de transports moins polluants  (mobilité durable), le suivi de la pollution de l’air, le traitement des sols pollués, la gestion rationnelle de l’eau, l’accès à l’énergie à coût réduit  etc…

    A terme, on devra être capable d’évaluer la performance de la ville via un suivi et une surveillance régulière de l’environnement.

    L’impact de l’ensemble de ces initiatives doit se faire sentir par une amélioration des conditions de vie du citadin et une multiplication de services efficaces dédiés à l’environnement.

     

    2. Renforcer la résilience des villes 

    Renforcer la résilience des villes, c’est anticiper et garantir le fonctionnement  des villes si éventuellement  ces dernières sont confrontées à des perturbations climatiques ( inondations etc…).

    En s’adaptant dès maintenant aux changements climatiques, la ville durable africaine  met ainsi en place un excellent moyen de prévention contre les risques liés aux catastrophes naturelles.

    En d’autres termes, la ville sera plus apte à faire face aux impacts du réchauffement climatique.

     

    3. Diversifier les cibles des campagnes de sensibilisation

    La sensibilisation permettra de changer la perception des populations africaines sur les initiatives durables.

    En effet le développement durable est quelques fois perçu comme un n-ième concept occidental dont les résultats restent à prouver.

    Au-delà de l’avantage de vivre dans un cadre sain, un des défis de la ville durable africaine sera de démontrer à la jeunesse principalement les opportunités économiques et professionnelles liées à la prise en compte sérieuse de ce concept.

    La sensibilisation ne doit pas être renforcée seulement au niveau des populations rurales ou encore des élèves dans les établissements scolaires.

    Avec le gain de croissance de ces dernières années, une classe moyenne "encore fragile" se développe peu à peu en Afrique de l’ouest . Cette classe moyenne de "nouveaux consommateurs" fonctionne quelque fois avec une mentalité de "rattrapage" d’un modèle occidental qui malheureusement a montré ses limites.

    Cette classe moyenne "citadine" doit aussi être sensibilisée sur les réalités du réchauffement climatique, l’importance de l’économie d’énergie et surtout les maladies liées à la pollution de l’air.

     

    4. Renforcer la  gouvernance des territoires et intégrer la problématique de l’équité sociale

    Tout d’abord, il s’agit ici d’un défi institutionnel. Les institutions en place devront veiller à ce que les objectifs fixés en amont des projets durables soient adaptés aux lois en vigueur. Elles devront entre autre veiller à leur application sur le terrain.

    D’une autre part, les institutions devront jouer le rôle de catalyseur au sein des entreprises africaines. Ces dernières ont besoin d’être accompagnées sur des sujets comme la responsabilité sociétale ou encore la possibilité de bénéficier des fonds ou mécanismes de financements par rapport à leur secteur d’activité.

    Ensuite la ville durable devra par ses initiatives relever le défi social. Elle devra s’atteler à améliorer l’équité sociale en renforçant l’accessibilité à l’emploi, aux logements, à l’éducation et à la santé.

    Ce combat qui n’est pas des moindres, est déjà inclus dans les objectifs du millénaire pour le développement, et donc la ville durable vient juste se présenter  comme un atout de plus pour avancer sur ces sujets essentiels.

    Le dernier point à mettre en avant dans cette partie est la mise en place d’une politique de reconnaissance et d’intégration du secteur informel. En Afrique de l’ouest, le secteur informel pourrait représenter environ 75 % de l’emploi.

    On ne pourra donc pas parler de villes durables en Afrique de l’ouest, si la question du secteur informel n’est pas traitée sérieusement.

     

    5. Diversifier les sources de  financement pour la construction et le fonctionnement de la ville

    Collecter les fonds nécessaires au développement pour atteindre un modèle économique durable est un des défis majeurs à relever par les villes.

    En plus des initiatives publiques, le soutien du secteur privé est primordial pour avoir accès aux capitaux nécessaires au financement de l’ensemble des projets quelle que soit leur taille.

    Pour faciliter ce financement, voici une liste non exhaustive de propositions :

    • Encourager le développement des marchés locaux de capitaux car l’accès aux marchés internationaux est presque "mission impossible" pour certaines villes africaines du fait de leur solvabilité
    • Renforcer les collaborations entre les municipalités et les banques commerciales pour qu’il y ait plus de confiance
    • Former les responsables des municipalités et leur expliquer dans un langage accessible les règles d’emprunts sur le marché
    • Améliorer le cadre réglementaire bancaire afin que tout en protégeant le citoyen, il favorise la confiance des banques et des investisseurs
    • Créer une communauté en ligne pour l’Afrique de l’ouest francophone afin de  favoriser les échanges de connaissances entre responsables des municipalités et surtout pour que ces derniers puissent trouver des réponses aux questions concernant la recherche de financements adaptés
    • Renforcer les partenariats publics-privés avec acteurs urbains reconnus comme par exemple l’a fait la Côte d’Ivoire avec Vivapolis
    • Multiplier en Afrique de l’ouest des initiatives telles que le programme de solvabilité réalisé par la banque mondiale à Nairobi en 2013. Ce programme avait pour but d’aider les villes africaines à accéder aux financements indispensables pour assurer un développement urbain durable.

    Plus les secteurs bancaires et privés seront en confiance, plus on verra se développer  de manière plus importante des techniques de financement alternatives à  la réalisation des villes durables.

    Trouver des financements adaptés aux spécificités, aux besoins locaux, et au contexte de décentralisation de chacun des pays est la clé ici.

     

    6. Mettre en place un cerveau collectif efficace dès la conception

    La construction et le fonctionnement de la ville durable africaine nécessitent de mobiliser des ressources exogènes et endogènes. Ici, l’accent sera mis sur les ressources endogènes.

    La mise en place d’un cerveau collectif efficace consiste à inclure les différents acteurs territoriaux dans la planification stratégique de la ville.

    Du simple citoyen aux associations en passant par les petites entreprises locales, tous peuvent apporter une analyse à la fois réaliste et pragmatique sur la conception de nouveaux projets. Ils doivent donc être consultés.

    Il faut entre autre associer l’ensemble des ministères techniques concernés, les responsables des collectivités, les urbanistes et les architectes locaux afin de définir pour la ville un schéma directeur cohérent.

    Le point ici, c’est que la ville durable africaine doit être soutenue par de nouveaux modes de gouvernance des projets et impliquer toutes les parties prenantes, à commencer par les habitants et ce dès la conception des projets.

     

    7. Adapter et réajuster les projets selon chaque cas

    Il ne faudrait surtout pas commettre l’erreur de s’arrêter sur des modèles de villes durables africaines, bien qu’il puisse y avoir quelques similitudes.

    Chaque ville et surtout en Afrique, a son histoire, sa culture, un cadre social spécifique, une économie à laquelle elle s’identifie etc…

    La ville durable africaine doit tenir compte de 4 points importants:

    • L’environnement
    • Le social
    • L’économie
    • La culture

    La ville durable africaine devra donc se construire sur une vision commune, spécifique à chaque ville et ses caractéristiques et non sur un modèle prédéfini.

    Guy Stéphane DAGO

    Cet article a été publié initialement sur le site afriquecroissanceverte.com .

     
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