En marge du XVe Sommet de la Francophonie à dakar, l’Institut de la Francophonie pour le Développement Durable (IFDD) en partenariat avec l’Agence sénégalaise pour l’Economie et la Maitrise de l’Energie (AEME) organise un séminaire de formation sur l’Efficacité Energétique : facteurs d’amélioration de la productivité dans l’industrie et de réduction des dépenses énergétiques dans les bâtiments tertiaires, du 24 au 28 novembre 2014 à Dakar-Sénégal.
A cette occasion, M. Ousmane Gning de l’Ong Enda Energie s’est entretenu avec M. Gouré Henri SEYE BI, ingénieur expert en énergétique ; Président du groupe ENERGIE NORD-SUD, Quebec-Canada, sur les éléments de contexte et notamment les défis majeurs et opportunités de l’Efficacité énergétique en Afrique de l’Ouest.
Voici les réponses de M. SEYE BI
Quel est contexte de l’efficacité énergétique en Afrique de l’Ouest ?
Pour parler de l’efficacité énergétique il faut d’abord souligner les traits caractéristiques des différentes formes d’énergie ; il s’agit, dans ce sens les énergies électriques qui peuvent être produites de diverses sources telles que thermiques qui consistent à produire de la vapeur d’eau, donc de la chaleur ; on brûle du combustible qui peut être du gaz naturel, du gasoil, du charbon ou en général du carburant. Donc il faut qu’on brûle du combustible pour produire de la chaleur qui produit une vapeur d’eau à température élevée ; cette vapeur d’eau a une très grande pression comme une force mécanique qui va tourner, actionner les turbines et, c’est en tournant dans leurs champs magnétiques qu’on produit de l’électricité. Il ya aussi les sources hydroélectriques qui suivent le même principe sauf que l’énergie primaire n’est pas une énergie thermique mais une énergie mécanique produite par la force gravitationnelle de l’eau. Quant on fait un barrage on remplie la cavité amont d’eau, le poids de l’eau fait qu’il ya une force gravitationnelle qui existe et au bas on ouvre un tuyau assez petit pour que l’eau y passe en ayant subit en hauteur le poids de toute la masse d’eau en arrière ; ce qui crée une très grande force qui elle-même va actionner les turbines pour produire de l’électricité. Ce qui faut retenir c’est que la production d’électricité est basée sur la conversion d’énergie primaire. Il ya aussi la production d’électricité par l’énergie solaire photovoltaïque qui consiste à capter la lumière (photons) du jour qui, en traversant les plaques solaires photovoltaïques, produit de l’électricité qui est stockée dans des accumulateurs pour une utilisation ultérieurs. Il existe donc beaucoup de sortes d’énergies !
Il ya plusieurs problématiques de l’énergie. La problématique l’efficacité énergétique commence depuis le choix de la matière première jusqu’à l’utilisation finale. Alors, le contexte en Afrique c’est, de prime abord, en ce qui concerne l’électricité on a un taux d’accès de 28% des pays de l’UEMOA et 55% pour les pays de la CEDEAO, très faible comparés à aux pays développés. En milieu rural on ne peut parler que de taux de couverture plutôt que de taux d’accès, car le courant peut arriver dans un village et les paysans compte tenu de leurs moyens limités n’ont pas accès à cette énergie. Cependant, dans le bilan énergétique des pays, la plus grande source d’énergie reste la biomasse utilisée pour la cuisson et le chauffage, c’est pour cela qu’on parle d’un bilan énergétique de 70 à 80% de biomasse. Et comme on la sait, plus on utilise de la biomasse plus on détruit l’environnement et si on ne régénère pas le bois prélevé on va encore aggraver les effets des changements climatiques.
Quelle analyse vous faites de la politique d’efficacité énergétique en Afrique de l’Ouest ?
Le problème c’est que nous sommes en retard de 40 ans sur les autres pays développés parce que les premières politiques en efficacité énergétique ont été mises en œuvre dans les années 60 à la sortie des crises énergétiques que nous avons connues. Pendant cette même période les pays développés se sont dotés de codes ou de réglementations et également de moyens financiers énormes leur permettant de diversifier leurs sources d’énergies et assurer la sécurité énergétique alors que chez nous ça n’a pas été le cas. On a commencé à parler de l’efficacité énergétique chez nous en termes de sensibilisation il ya seulement 20 ans et les actions des bailleurs de fonds se limitaient à encourager les pays à créer un cadre institutionnel propice et cet encouragement devrait tout simplement déboucher sur les marchés de politique d’efficacité énergétique dans la politique énergétique. Aujourd’hui, d’après ce que nous savons en Afrique de l’Ouest c’est n’est pas encore effectif. Donc la situation est encore embryonnaire. Cependant, il ya de bonnes nouvelles, à cause de l’insistance de la communauté internationale sur les conséquences des changements climatiques, on est plus ou moins dans une phase où la sensibilisation se fait de plus en plus grande, donc on commence à avoir des institutions régionales telles que l’UEMOA, la BOAD, la BIDC qui commencent à intégrer dans leurs politiques la problématique de l’efficacité énergétique. Il ya aussi la création du Centre pour les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique de la CEDEAO (CEREE). Ces institutions régionales sont plus ou moins entrain d’encourager les Etats à adopter une politique d’efficacité énergétique. Donc il ya de l’espoir malgré les 40 ans de retard.
Quels sont les défis majeurs liés à la promotion de l’efficacité énergétique en Afrique de l’Ouest ?
Les défis de la promotion de l’efficacité énergétique ont été adressés au fil du temps : les bailleurs de fonds avaient pensé que l’une des barrières principales était le renforcement de capacité et la barrière financière, au nombre de ces barrières il y avait aussi la barrière institutionnelle. De plus en plus la barrière en terme de compétence ou de renforcement de capacité est entrain d’être levée parce qu’aujourd’hui on trouve des experts africains capables d’adresser la problématique de l’efficacité énergétique. Aujourd’hui le plus grand défis c’est le cadre institutionnel propice au développement de l’efficacité énergétique. Ce cadre doit intégré l’existence de structures, le relèvement des défis au niveau du cadre réglementaire avec des codes d’efficacité énergétique et des normes minimales de performance énergétique qui font en sorte que les produits moins performants soient recalés à nos frontières et favoriser l’entrée au territoire les produits à meilleur performance énergétique, de manière à ce que la question d’efficacité énergétique reste définitivement à liée à la performance des équipements et à l’utilisation optimale de l’énergie puisse se régler dès le départ. Il ya aussi les questions des codes d’efficacité énergétique dans le bâtiment qui sont entrain de trouver une réelle solution. Ce qu’il faut savoir c’est que quant on prend les pays du nord et nos pays, la grande différence au niveau de développement est la suivante : nous avons une démographie galopante et on estime que d’ici 2050, le nombre de bâtiment que nous avons déjà construits ne représentera que 25% de l’ensemble des bâtiments, alors que dans les pays développés les bâtiments qui existent déjà représenteront 80% des bâtiments à l’horizon 2050. Donc il y aura plus de développement en termes de nouvelles constructions de bâtiment chez nous que dans les pays développés. C’est pourquoi la notion de code d’efficacité énergétique est vraiment un point important pour pousser les concepteurs et les prescripteurs à adopter dès la conception du bâtiment un comportement favorable à l’efficacité énergétique.
Quels comportements doivent adopter les ménages pour optimiser leur consommation d’électricité ?
En ce qui concerne les ménages, on est dans une zone où le taux d’alphabétisation est relativement faible. Donc pour aider les ménages à adopter un bon comportement vis-à-vis de l’efficacité énergétique il faut les former, les sensibiliser ; parce que beaucoup de gaspillages se font par pure ignorance. Pour quelqu’un qui n’a jamais été à l’école ce n’est pas évident qu’il fasse la différence entre une lampe à incandescence et une lampe basse consommation. Donc il faut que les gouvernants puissent sensibiliser, faire des campagnes de sensibilisation de masse, former au besoin les leaders d’opinion pour qu’ils puissent relayer le message à toute la population, leur expliquer que le moindre geste sur leur consommation d’énergie a un impact sur leur budget. Il faut inciter ces ménages à allez vers des équipements de plus en plus performants mais je pense qu’ils ne peuvent pas le faire seul, il faut une action forte du gouvernement qui va d’abord mettre à leur disposition les équipements les plus performants, qui va aussi mettre un cadre incitatif au cas où les moyens dont les ménages disposent ne sont pas suffisants pour acquérir la nouvelle technologie. Ce cadre va également mener des actions de service après vente de sorte que les acquis d’aujourd’hui ne soient pas perdus.
Quel est le rôle de l’Etat dans l’optimisation des consommations nationale d’électricité ?
Il ya plusieurs acteurs à la promotion de l’efficacité énergétique mais c’est l’Etat qui reste l’acteur clé qui détient le plus grand pouvoir pour apporter des changements au niveau institutionnel et économique. On entend l’Etat par ses démembrements, l’administration centrale et les collectivités locales qui ont un rôle à jouer en termes de cadre réglementaire et juridique. C’est l’Etat qui doit en première lieu prendre les devants dans la promotion de l’efficacité énergétique, c’est lui qui doit agir sur la politique énergétique pour adopter un mixe énergétique en faveur de l’efficacité énergétique. Aujourd’hui il est inconcevable que dans nos pays qui ne produisent pas une seule goutte de pétrole que toute la production d’électricité soit à base thermique par une matière première importée avec des coûts exorbitants alors que le soleil y est abondant. Oui, on me dira que l’infrastructure solaire coûte cher, c’est vrai mais si l’Etat s’engage à mettre en place des mesures incitatives ou faciliter la fiscalité aux entreprises on peut s’engager dans la production d’énergie avec un mixe d’énergies renouvelables; si l’Etat n’a pas les moyens il peut tout simplement ouvrir le marché de la production électrique à des privés. L’Etat est donc le précurseur de tout programme d’efficacité énergétique n’importe où dans le monde, s’il est absent ce programme est mort né.
[francophoniedakar2014]
Ousmane Gning, Enda Energie
17/10/24 à 09h35 GMT