Dés que l’on parle d’écologie, c’est souvent du catastrophisme, avec une tendance anxiogène. Pourquoi une telle perception ?

JLR : « L’écologie c’est un contre projet productif, attractif, c’est une vision du bonheur. Dire qu’il y a des urgences, des catastrophes qui nous menacent, ce n’est pas du catastrophisme, c’est juste la réalité. L’augmentation des cancers, des troubles neurologiques, des maladies cardiovasculaires, de l’obésité et du diabète, c’est pas du tout une vision pessimiste, c’est une réalité. Quand une mauvaise nouvelle arrive, on tue le messager ; accuser le lanceur d’alerte, le messager d’être l’oiseau de mauvaise augure, c’est facile. C’est vrai qu’il y a des tendances catastrophistes chez les écologistes, parce que l’écologie c’est un combat et parce qu’on est dans une période où notre société détruit l’équilibre entre l’homme et la nature.»
Le député reconnaît qu’il y a des progrès notables dans tous les domaines en matière d’écologie et ajoute : « mais ce n’est pas parce qu’il y a des résultats qu’on est pas globalement dans un système qui si on n’y prends pas garde, continue à détruire notre environnement avec l’exploitation sans limite des ressources. Quand l’intérêt particulier arrive à s’imposer, il le fait au détriment des autres. Ce n’est pas la catastrophe, ce n’est pas la fin du monde, mais il faut dire qu’il y a des catastrophes qui nous menacent c’est pour ça que l’écologie doit être un combat qui propose une autre vision de la société.»

Pour Jean-Louis Roumégas, la prise de conscience est là, l’alerte est reconnue, le diagnostic est partagé de plus en plus, alors qu’  il y a quelques années les « écolos » prêchaient dans le désert. Il observe que culturellement l’évolution s’est faite sur des sujets majeurs comme le changement climatique, la biodiversité et les questions de santé. « Avant, dans les années 90 les militants écolos posaient des problèmes, mais ils étaient sympathiques, ça mangeait pas de pain, c’était des doux rêveurs ».
Aujourd’hui il constate une contre offensive anti-écolo très importante. Les écolos sont perçus comme une menace dans une période de transition où les énergies renouvelables se développent, où l’agriculture Bio croît chaque année, où la question de la santé environnementale est un sujet à l’ordre du jour.

« Ça va être douloureux, je ne pense pas que les « choses » vont se passer facilement. Les intérêts anti-écolos, l’ancien monde résiste. Il y a un conflit entre les intérêts particuliers et l’intérêt général, entre le court terme et le long terme. Si tu as du pétrole tu veux le vendre, pour faire du fric, non ? Et voilà ! Tu vas pas refuser de le vendre parce que tu sais que c’est pas bon pour la planète. Il ne faut pas oublier un truc, si on oublie ça on comprend pas : toute action humaine, et l’action politique encore plus, est fondée sur une représentation. Ceux qui veulent continuer à « balancer » des gaz à effet de serre, ils contestent la thèse climatique. Ceux qui veulent continuer à « balancer » des toxiques, ils contestent les effets sur la santé ; ils disent, on n’a pas d’études, vous ne prouvez pas ce que vous dîtes, vous êtes catastrophistes, etc. Le débat porte toujours sur la représentation que l’on se fait et c’est pour ça qu’on a besoin d’avoir de l’expertise scientifique indépendante qui établisse les faits ».

Spécialisé dans la santé environnementale au sein du groupe écologiste à l’assemblée nationale, Jean-Louis Roumégas a fait adopter par le parlement, une proposition de loi qui engage l’économie vers une production moins toxique, en introduisant la pratique de remplacement des substances chimiques préoccupantes par d’autres moins dangereuses pour la santé et l’environnement, quand des alternatives existent. Dans ce domaine, il admet que la santé environnementale c’est « Terra Incognita » mais il avance un argument de poids en se référant à l’industrie du tabac, laquelle a pendant des décennies, nié les relations de cause à effet, entre la consommation et les pathologies liées directement à cette consommation. Aujourd’hui, ils sont rares ceux qui prétendent que le tabac est exempt de tout risque en matière de santé.

« Il y a des moments ou il faut dire stop ! par exemple à propos de l’agriculture, je suis pour une transition vers le bio et l’agro-écologie. Il faut accompagner cette transition. Prendre en compte les difficultés des agriculteurs pour trouver des solutions ok, mais justifier les pratiques toxiques de certains, non ! Quand on écoute les organisations agricoles, les chambres d’agricultures, la FNSEA, leur discours c’est toujours « on est en grande difficulté et l’écologie ça commence à bien faire ». La responsabilité de l’agriculture dans la pollution de l’air, des sols, de l’eau et dans la pollution de l’alimentation est indéniable. Mais l’agriculture c’est pas juste ça, c’est surtout nourrir les gens ! Il ne s’agit pas de culpabiliser mais de trouver les moyens de la transition écologique de l’agriculture. Et surtout, il ne faut pas oublier la dépendance de la production agricole par rapport à la grande distribution qui dicte sa loi aux agriculteurs, qui fixe les prix. Donc il faut voir les choses globalement. Il faut arrêter d’encourager la grande distribution. On fait croire aux consommateurs que c’est une bonne affaire, qu’ils ont des prix accessibles. En réalité c’est pas vrai. Les politiques publiques ont un rôle à jouer en limitant les grandes surfaces ».

« Moi j’en veux aux politiques locaux qui ont les moyens de faire, qui décident des implantations des grandes surfaces avec l’argument de la création d’emplois. Dans les faits, ça déplace des emplois c’est tout ! Les collectivités locales doivent encourager les alternatives à la grande distribution ». 

Jean-Louis Roumégas poursuit notre entretien sur les priorités de l’écologie. « Les priorités de l’écologie aujourd’hui, c’est le climat et l’énergie, l’économie des ressources et la biodiversité, c’est la santé environnementale et c’est aussi en terme de projet de société et d’individus proposer un sens l’action humaine, parce que la consommation pour la consommation, la production pour la production, c’est une perte de sens. Je suis frappé de voir les jeunes qui adhèrent à l’écologie parce que cela donne un sens à l’existence. Je suis aussi étonné dans cette période ou on est en panne d’idéologies et de sens, qu’on ne propose pas pour mobiliser la société, justement la vision écolo. Oui on va faire de l’économie, mais celle qui prépare l’avenir, celle qui est mieux adaptée aux enjeux de demain, celle qui préserve notre environnement, celle qui bouffe pas les ressources, qui va vers la transition énergétique, parce que ça,  ça a du sens et les gens comprennent que ça va marcher parce que c’est vraiment la vision d’avenir pour créer de l’emploi, de la richesse. Au lieu de proposer ça, le gouvernement aujourd’hui fonctionne sur le court terme avec des recettes qu’utilise la droite. Je ne comprends pas qu’ils n’utilisent pas l’orientation écologique pour mobiliser la société avec des perspectives. On est encore dans des expérimentations marginales. Je ne comprends pas où va ce quinquennat de François Hollande avec des choix uniquement libéraux… »

Jean-Louis Roumégas est député de l’Hérault –

• Député élu sur la première circonscription de l’Hérault depuis 2012
• Conseiller municipal et Président du groupe écologiste à la Mairie de Montpellier de 2008 à 2014
• Porte-parole national des Verts puis d’Europe Ecologie Les Verts de 2008 à 2011
• Adjoint au Maire de Montpellier et conseiller d’Agglomération de 2001 à 2008
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