Par Maria Damanaki, directrice générale chargée des océans à l'échelle mondiale au sein de l'ONG The Nature Conservancy
Les océans sont une ressource exceptionnelle, qu’il s’agisse de nourrir des milliards d’individus dans le monde ou de protéger les populations et les économies des tempêtes : ils rapportent à l’économie mondiale au moins 1 500 milliards de dollars par an. Mais les menaces ne manquent pas, entre pollution marine, épuisement des stocks de poissons ou conséquences délétères du changement climatique pour les communautés littorales. Pour relever ces défis, nous devons revoir totalement notre manière de gérer la santé physique et économique des océans, en nous appuyant sur des instruments de financement innovants.
Le parcours des Seychelles, qui ont refusé de se satisfaire du statu quo pour protéger leur patrimoine naturel, est exemplaire. En 2016, l'archipel des Seychelles a conclu un accord inédit avec l’ONG The Nature Conservancy pour convertir une partie de sa dette en actions en faveur de la nature. L’accord prévoit le rachat de 21 millions de dollars de dette publique et un refinancement à des conditions plus favorables afin d’affecter directement une partie des remboursements à des projets d’adaptation au changement climatique, de développement de la pêche durable et de conservation marine, mais aussi de constituer un fonds de dotation pour les futures générations de Seychellois.
Le gouvernement s’est également engagé à aménager la quasi-totalité de son espace marin, soit près de 1,4 million de kilomètres carrés. Il démontre son aptitude à jouer les pionniers dans la protection des océans, en menant à bien un programme d’action ambitieux visant à tirer durablement parti de ses richesses océaniques tout en sanctuarisant 30 % de cet espace (410 000 kilomètres carrés) avec la création de nouvelles aires marines protégées.
Fin février, en marge d’une conférence sur la résilience et la pérennité des économies océaniques en Afrique, coorganisée par la Banque mondiale et les Seychelles, le gouvernement seychellois a annoncé l’achèvement de la première phase de son plan d’aménagement de l’espace marin (a). Il a également confirmé la création de deux nouvelles aires marines protégées (autour de l’atoll d’Aldabra et entre les îles coralliennes d’Amirantes et Fortune Bank) qui s’étendront sur 210 000 kilomètres carrés, soit 16 % de la zone économique exclusive de l’archipel. Ces aires bénéficieront désormais d’une protection totale ou très rigoureuse, afin d’encourager le développement durable et l’adaptation aux effets du changement climatique.
La République des Seychelles montre également la voie avec des instruments de financement innovants, dont l’émission sans précédent d’une « obligation bleue ». Une partie des 15 millions de dollars de recettes attendus de cette opération — encore en préparation et menée avec le soutien de la Banque mondiale et du FEM — sera cogérée par le SeyCCAT, le fonds fiduciaire pour la conservation et l’adaptation au changement climatique des Seychelles, dans le but de favoriser l’essor de l’économie bleue dans l’archipel, y compris à travers la mise en place des aires marines protégées. D’autres petits États insulaires ou côtiers pourraient reproduire ce modèle.
À 1 600 kilomètres des côtes de l’Afrique de l’Est, en plein océan Indien occidental, les Seychelles sont un archipel de 115 îles qui dépend quasi exclusivement de ses ressources océaniques et qui constitue l’un des principaux points chauds de la biodiversité mondiale. Aujourd’hui, l’« économie bleue » du pays repose essentiellement sur la pêche et le tourisme — une réalité qui, conjuguée à la faible altitude de son territoire, expose particulièrement les populations et l’économie locales aux menaces liées au changement climatique. D’où l’importance de ce plan d’aménagement de l’espace marin.
Le changement climatique réchauffe les eaux de surface et la hausse des températures entraîne l’élévation du niveau de la mer. Si nul ne peut prédire les conséquences pour les écosystèmes marins, nous avons déjà constaté une modification des modes de répartition des espèces et l’épuisement de certaines ressources qui, comme les coraux, ne se sont toujours pas remis des effets de phénomènes météorologiques extrêmes survenus il y a une vingtaine d’années...
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Source : Banque Mondiale
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17/10/24 à 09h35 GMT