Lors de la XVIe rencontre du Comité syndical francophone de l’éducation et de la formation (CSFEF) qui s’est tenu à Paris du 24 au 26 septembre 2018, le représentant de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU) a présenté une motion intitulée « Mobilisation de la francophonie syndicale pour la promotion et la défense des libertés académique et scientifique comme remparts aux dérives entrepreneuriales des établissements d’enseignement supérieur ».
Cette motion a été adoptée par les représentantes et représentants des organisations syndicales de l’éducation réunis à cette occasion.
Voici cette motion :
PRÉAMBULE
L’UNESCO adoptait en 1997 la Recommandation concernant la condition du personnel enseignant de l’enseignement supérieur, qui a permis de concrétiser des engagements à l’égard de la liberté académique, pour que tant les chercheurs que les établissements puissent exercer leurs activités sans subir de pressions ou de contraintes de la part de l’État, des entreprises privées ou de groupes de pression, qu’ils soient de nature politique, économique ou religieuse. On y affirme également l’importance de la collégialité, soit la participation du personnel enseignant aux instances de direction de leurs établissements, puis la nécessité que ces derniers soient majoritaires au sein des instances de nature académique de leurs institutions.
En 2015, les délégués de l’Internationale de l’Éducation, réunis à Ottawa, au Canada, ont adopté une résolution portant sur la recherche publique et les libertés scientifique et académique. Cette résolution réitère l’importance de la recherche et de la science, et elle défend l’importance d’un financement public adéquat de la recherche et appelle l’Internationale de l’Éducation (IE) à engager une campagne mondiale pour la liberté de la recherche et la liberté académique.
Plus récemment, en 2017, l’UNESCO a aussi adopté la Recommandation concernant la science et les chercheurs scientifiques. Cette dernière statue, entre autres, sur les libertés dont doivent bénéficier les chercheurs pour mener des activités scientifiques valables. Ces dispositions incluent la liberté intellectuelle, la liberté de diffuser des résultats, la liberté de mouvement (mobilité) et de participer à des activités scientifiques localement et à l’international.
L’avancement du savoir et sa transmission aux générations futures figurent parmi les objectifs les plus nobles de l’humanité. L’enseignement et la recherche universitaires ont un rôle fondamental à jouer dans la compréhension des problèmes, dans la quête de solutions et dans leur mise en œuvre. La somme de ces connaissances, dont les systèmes universitaires et de recherche sont les gardiens, constitue un patrimoine hérité des sociétés qu’il importe de préserver et de bonifier. C’est pourquoi ils ne doivent pas être considérés comme de simples pourvoyeurs de services devant satisfaire, avant tout, les besoins et les demandes exprimés par la gent politique, les entreprises ou les acteurs sociaux.
PROPOSITION
L’actuelle dérive engendrée par l’arrimage forcé du monde universitaire aux diktats de la société économique découle de la mise en place d’un modèle d’administration de l’enseignement et de la recherche fondé sur une conception de l’université calquée sur les entreprises à but lucratif aux valeurs néo-libérales. Ce modèle, axé essentiellement sur le profit et la compétitivité, favorise une coûteuse et inutile concurrence entre les établissements dans un contexte de sous-financement chronique des universités et de la recherche.
Il est de toute première importance de contrer cette dérive. Pour s’opposer à l’idéologie entrepreneuriale qui instrumentalise les institutions et le personnel de l’enseignement supérieur, il faut lutter pour réaffirmer haut et fort la vitale nécessité des libertés scientifiques et académiques, véritables garantes de la mission universitaire.
La liberté scientifique recouvre l’autonomie assurée par la régulation entre pairs qui a été bafouée à répétition : déséquilibre du financement de la recherche et son arrimage grandissant aux priorités d’acteurs économiques et sociaux, oligopole du milieu de l’édition scientifique, précarité du personnel scientifique et atteinte à son droit d’expression.
La liberté académique englobe les nécessaires protections contre la pression croissante des gouvernements et des entreprises pour une plus grande adéquation de l’offre de cours aux besoins du marché du travail, un mode d’administration en rupture avec la collégialité et qui met à l’écart le personnel de l’enseignement supérieur et de la recherche, l’imposition de la loyauté envers l’employeur qui réduit la capacité du personnel de critiquer les établissements d’enseignement supérieur, la restriction de la mobilité scientifique et la judiciarisation des conflits liés au monde de la recherche.
Par cette déclaration, le CSFEF appelle l’Internationale de l'Education à s’investir activement dans la lutte pour le renforcement des libertés scientifique et académique.
17/10/24 à 09h35 GMT