Charte de l'environnement : Pour un congrès unanime
Pour un congrès unanime
Christian Brodhag
ancien membre de la Commission Coppens est actuellement Délégué Interministériel au Développement Durable
Après le large débat qui s’est déployé pendant ces deux dernières années, le texte de la charte va enfin être présenté au Congrès le 28 février.
La France a rendez-vous avec l’Histoire. Notre pays, qui a eu le génie de l’universalisme en écrivant avec son sang les principes fondateurs des droits de l’homme, a puisé là dans sa raison l’écriture des fondements d’un véritable droit de l’humanité.
En mettant la charte de l’environnement dans le même socle constitutionnel que les droits de l’homme de 1789 et ses prolongements économiques et sociaux de 1948, la France donne un signal politique fondateur, qui est reconnu comme tel par la communauté internationale.
Les errements du XXème siècle ont conduit à prendre conscience d’une nouvelle échelle dans les crimes : les génocides ont été élevés au rang des crimes contre l’humanité. Ils sont reconnus comme étant d’une nouvelle nature. L’aube du XXIème siècle est celui de la prise de conscience de nouveaux risques environnementaux globaux dont l’échelle dépasse le niveau individuel, ils sont aussi reconnus d’une autre nature.
En reconnaissant dans son préambule que l’émergence de l’humanité et son avenir sont indissociables de son milieu naturel, la charte pose en fait le problème des atteintes au couple humanité/planète. Elle identifie la dépendance de l’humanité vis-à-vis des ressources qu’elle mobilise pour son développement, et les atteintes potentielles à sa santé de certains troubles de la biosphère. Le texte dépasse donc la notion des atteintes à locale à l’environnement pour envisager des enjeux globaux, des atteintes graves et irréversibles qui peuvent mettre en péril une fraction importante de l’humanité.
En réaffirmant que le droit à un environnement équilibré et respectueux de la santé est indissociable de devoirs, le texte établit donc un socle de responsabilité individuelle et collective. La portée de cette responsabilité est universelle puisqu’elle s’élargit aux générations futures et aux autres peuples.
En affirmant que ces objectifs et principes s’inscrivent dans une perspective de développement durable, c’est-à-dire qu’ils visent aussi le développement et le progrès social, la charte recèle une obligation de recherche de solutions équilibrées.
Ambitieux, ouvert et maîtrisé le texte de la charte, est armé pour traverser les années. Il est tout sauf un texte d’opportunité. Pourtant certaines poches de méfiance subsistent qu’il convient de réduire.
Il n’est point d’argument rationnel pour convaincre ceux qui nient l’existence de risques globaux sauf à les renvoyer, par exemple, aux diagnostics des scientifiques en matière de changements climatiques.
En revanche les inquiétudes soulevées par quelques milieux scientifiques sur l’utilisation immodérée du principe de précaution seraient justifiées si ces mêmes milieux laissaient le champ libre aux seuls juges. L’application du principe de précaution est conditionnée par deux exigences. La première est la présomption d’un risque grave et irréversible, ceux-ci sont fort heureusement en quantité limitée. La seconde est l’existence d’incertitudes scientifiques sur la nature et l’amplitude de ces risques. Pour réduire la durée de l’application du principe de précaution, et donc la période pendant laquelle les risques peuvent être soit sous- soit sur-évalué, le texte précise que la mise en œuvre provisoire et proportionnée de ce principe par les autorités publiques est lié à une obligation de mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques. Il propose donc plus de recherche, plus de science. Il est l’heure d’ouvrir aujourd’hui un débat pour construire des échelles de risques et des incertitudes scientifiques pour baliser par la raison et la connaissance cette évaluation. La première étape de la connaissance est celle de mesurer l’ampleur de son ignorance. Les scientifiques doivent accepter le regard profane sur ces premières étapes où subsistent des parts d’ignorance et donc de controverse, ils seront alors d’autant plus facilement crus au moment de leurs certitudes. De même ils feront plus facilement accepter les conséquences négatives de certaines décisions quand ils pourront en afficher sereinement leurs avantages et justifier de leurs efforts pour en réduire les risques.
Les vrais enjeux ne doivent pas être masqués par les faux débats. Ce moment historique ne doit pas être troublé par des calculs de court terme, des mesquineries politicienne. Après les quelques états d’âmes, qui se sont légitimement exprimés lors des votes à l’Assemblée Nationale et au Sénat, une page est tournée, c’est l’unanimité du Congrès que nos concitoyens et les générations à venir sont en mesure d’attendre.
Christian Brodhag
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