Le 16 avril dernier, le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) rendait son rapport sur le harcèlement sexiste et les violences sexuelles dans les transports en commun. 100% des utilisatrices des transports en commun auraient déjà été victimes d'actes sexistes. Les femmes sont d'ailleurs beaucoup plus nombreuses que les hommes dans les transports publics (bus, métro, train), 2/3 des passagers sont des femmes. Comment mettre fin à ces violences quotidiennes et assurer la sécurité de toutes et tous ? Les réflexions du groupe de travail créé en décembre 2014 avec la SNCF, la RATP, l’UTP (l’union des transports publics et ferroviaires) et le Gart (groupement des autorités responsables de transport) sont attendues en juin.
Pascale Boisart : « Les femmes doivent pouvoir aller où elles veulent, quand elles le veulent »
Commandé par la Ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, Marisol Touraine, et la Sécrétaire d'Etat chargée des Droits des femmes, Pascale Boisart, le rapport du HCEfh met en lumière le phénomène massif – et pourtant méconnu – du harcèlement sexiste et des agressions sexuelles. Il prend des formes très diverses, des sifflements et des commentaires sur le physique, non condamnés par la loi, aux injures, agressions et viols, punis pénalement. Le premier objectif est indéniablement de dénoncer le « sexisme ordinaire » et de faire prendre conscience aux femmes de leurs droits.
Pour Claire Gabiache, militante de l’association Osez le féminisme, « il faut convaincre les femmes de parler et de se défendre. Une insulte sexiste, une main aux fesses, ce n’est pas normal. Les femmes ne doivent pas se résigner. » Autre cible : les témoins. Selon une enquête de la fondation Thomson Reuters, 85% des Parisiennes considèrent que personne ne leur viendrait en aide en cas d’agressions dans le métro. Une information et une sensibilisation accrues aux violences faites aux femmes est donc nécessaire, mais quelles mesures concrètes adopter en attendant ?
Des « trains roses » réservés aux femmes ?
Marisol Touraine a indiqué que « le gouvernement prendra des mesures fortes d'ici quelques semaines ». En quoi consisteront-elles ? L'idée circule de s'inspirer des initiatives déjà prises par certains pays où les agressions sexuelles sont omniprésentes. L'Egypte, le Brésil, le Japon ou encore le Mexique, plusieurs pays ont créé des wagons de métro ou des bus « roses », destinés uniquement aux femmes. Le Royaume-Uni devrait lui aussi passer le cap. Claire Perry, la Ministre des Transports britannique, a indiqué son intention de créer des wagons réservés aux femmes face à la hausse de 20% des agressions sexuelles dans les transports publics en un an.
La ségrégation serait donc la solution ? Ironique, au moment où des manifestations de femmes ont lieu en Israël pour obtenir l'égal accès à l'espace public. Sur certaines lignes de bus municipaux, la séparation est en effet obligatoire : les hommes s’asseyent à l’avant et les femmes sont reléguées à l’arrière. Loin de résoudre les causes du sexisme, la ségrégation ne s'attaque qu'aux effets, et encore, de manière imparfaite. Elle ne concerne que les violences faites aux femmes dans les transports. Quid du « continuum du sexisme ordinaire » de l'espace privé, professionnel et public dénoncé par le HCEfh ? Les femmes connaîtraient certes un répi dans les transports, mais pour n'être ensuite que confrontées plus brutalement encore aux agressions de l'extérieur. Pis, la non mixité véhicule l'idée que tous les hommes sont potentiellement des prédateurs et légitime la crainte que les femmes peuvent ressentir à l'idée de sortir de chez elles.
Responsabiliser l'Etat, les collectivités et les sociétés de transports en commun
Le HCEfh rappelle le rôle des collectivités territoriales en raison de leurs compétences en matière de transports publics et la responsabilité des sociétés de transports en commun tenues à « l’obligation d’offrir des conditions maximales de sécurité aux personnes qu’elles transportent ». Justement, la Secrétaire d'Etat chargée aux Droits des femmes a lancé, avec les ministères de l'Intérieur et des Transports, un groupe de travail auquel participent la RATP et la SNCF. Les réflexions devraient porter en particulier sur le renforcement de la sécurité publique (éclairages, agents) et la mise en place de mécanismes d'alerte discrets par sms ou application mobile. Une vaste campagne de communication est également prévue pour sensibiliser le public et expliquer le comportement à adopter lorsque l'on est victime ou témoin de tels agissements. Les conclusions sont attendues pour juin 2015.
La RATP, notamment, a dit s'engager à mettre sur pieds une grande campagne d'affichage. L'entreprise de transports a rappelé son engagement historique pour la promotion des valeurs de respect, fondées sur la solidarité, et l’entraide, à l'image de la cinquième campagne « Restons civils sur toute la ligne ». Au-delà de l’amélioration des infrastructures, la RATP oriente donc aussi ses actions vers la prévention. Les programmes de sensibilisation déjà mis en place – via l'Observatoire des incivilités ou les agents ambassadeurs dans les écoles – devraient être poursuivis et approfondis pour prendre en compte le harcèlement sexistes et les agressions sexuelles.
En attendant, l'association « Stop au harcèlement de rue » n'a pas hésité à détourner cette campagne de la RATP, « Restons civils sur toute la ligne », pour dénoncer le harcèlement dans les transports en commun. Cette initiative a été remarquée sur les réseaux sociaux, de même que le hashtag #PlutôtSympa en réaction au commentaire de Sophie de Menthon qui trouve « plutôt sympa » de se faire siffler dans la rue. Le changement des mentalités – pas seulement de la part des hommes – apparaît bien urgent.
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