En octobre dernier, les industriels du secteur photovoltaïque ont lancé un cri d'alarme : dans une lettre ouverte au gouvernement, ils avertissent que leur technologie " est en passe de mettre la clef sous la porte en France ", faute de " stabilité juridique et financière ". Le solaire Made in France a-t-il encore une chance d'échapper au crépuscule ?
Le solaire français malmené de toutes parts
Le secteur français de l'énergie solaire a connu un développement sans précédent à partir de 2006 : l'Etat décide alors d'augmenter de façon notable les tarifs de rachat de l'électricité ainsi produite. Portés par cette conjoncture profitable, et un enthousiasme non dissimulé, les industriels du secteur prospèrent, et se multiplient. Mais l'euphorie va vite tourner court.
Dès 2010, l'Etat, qui craint la formation d'une bulle spéculative, fait marche arrière. Le moratoire sur les prix de rachat de l'électricité photovoltaïque marque un coup d'arrêt au développement de la filière. Et la concurrence chinoise donne le coup de grâce à un secteur déjà affaibli par ce revirement législatif. En effet, la Chine ayant massivement investi dans la production de panneaux solaires, fabrique en très grandes quantités - environ deux fois plus que la demande. Mécaniquement, les prix sur le marché mondial s'effondrent : le cabinet IHS estiment qu'ils ont baissé de 45% en 2011, et encore de 25% en 2012. D'autant qu'en plus de cette surproduction, la Chine est fortement suspectée de dumping par l'Europe et les Etats-Unis...
Sur le marché français, beaucoup d'entreprises, des plus petites aux plus emblématiques, n'y survivront pas. Les autres sont grandement fragilisées. Mais la filière ne s'est pas pour autant laissée enterrer.
Le solaire Made in France résiste...
En effet, malgré cette conjoncture désastreuse, le solaire Made in France résiste tant bien que mal. Il compte aujourd'hui quelques phoenix, parmi lesquels le médiatique Photowatt, le géant d'antan qui a bien failli disparaître avant de redémarrer, sous le giron d'EDF. D'autres encore, armés d'une conviction à toutes épreuves, et loin de l'opportunisme des années fastes, continuent à défendre le développement des énergies renouvelables. C'est le cas de Solar Ener Jade, créée en Loire-Atlantique en 2006 par Frédéric de Lesquen, qui explique : " ma première motivation pour le choix de cette activité est militante ! ". Il fallait bien cela pour traverser la tempête solaire sans abandonner le secteur. Aujourd'hui l'entreprise est solidement ancrée dans le grand Ouest et emploie 120 personnes.
Car si la filière française des énergies renouvelables reste indéniablement fragile, elle a aussi l'atout de disposer d'un tissu d'entreprises avant-gardistes et dynamiques. La Compagnie du Vent a par exemple toujours fait figure de précurseur dans le domaine des énergies renouvelables : elle lance dès le début des années 90 la première éolienne puis le premier parc éolien de France, et s'illustre aujourd'hui aussi dans le secteur solaire. " Les coûts externes liés à la production d'énergies fossiles ou nucléaires - coûts de dépollution, coûts de retraitement des déchets, coûts sociaux, ... - ne sont pas supportés par les énergies renouvelables telles que le vent et le soleil. [...] l'éolien, puis le solaire arrivent en tête des énergies les moins coûteuses ", déclarait récemment le fondateur de l'entreprise, Jean-Michel Germa pour le renouvelable a déjà gagné son pari économique face aux énergies fossiles.
" J'ai toujours eu l'ambition d'apporter une contribution technologique utile et capable d'améliorer la vie des hommes ", explique Jean-Michel Germa, pour justifier qu'il se soit lancé à l'époque dans le secteur du renouvelable, dont beaucoup doutaient alors de la rentabilité. Une conviction originelle commune à beaucoup d'acteurs de la filière. Et il faut noter que cette croyance écologique rencontre même à présent sa justification économique : " pour les années à venir, les énergies renouvelables ne seront plus un facteur d'augmentation du prix de l'électricité, mais au contraire un facteur de stabilité du prix ", affirme Jean-Louis Bal, le président du Syndicat des Energies Renouvelables.
La France compte d'autres champions potentiels du renouvelable, persuadés de l'intérêt environnemental, mais aussi économique, du solaire. Disasolar, qui se positionne sur le marché du photovoltaïque sur mesure, conçoit les panneaux solaires de troisième génération. La PME de Limoges a récemment été choisie pour placer l'un de ses équipements en haut de la plus haute tour du monde, à Dubai. Solaire 2G, start-up créée en 2010, a quant à elle breveté un système, Dualsun, qui permet de produire de l'électricité et de l'eau avec le même panneau solaire. Un produit plus cher, certes, mais réellement innovant et prometteur : son rendement est quatre fois plus élevé que celui des panneaux classiques. Solems, de son côté, produit des cellules solaires avec un modèle basé sur l'autonomie des structures : pas de raccordement au réseau donc... et pas de dépendance aux tarifs d'achat fixés par l'Etat. Ces entreprises le prouvent : innovation, dynamisme et conviction restent toujours au coeur du secteur solaire français, qui de ce point de vue, est loin d'être mort.
... pour combien de temps ?
Mais la question est aujourd'hui de savoir si les pépites françaises du solaire
pourront résister longtemps. Car, et c'est le sens de l'appel des
professionnels du secteur (2), les signes négatifs s'accumulent : les
soutiens à la filière restent timides, et le contexte législatif incertain. En
conséquence le secteur peine à sortir de son atonie, et le nombre
d'installations raccordées baisse sans discontinuer (3). Mais beaucoup y
croient encore : avec une vraie politique volontariste, il est encore
temps de renverser la tendance. A l'issue de la conférence de Varsovie sur le
climat, Jean-Michel Germa déclarait encore que " plus que jamais, pour la vitalité économique de notre pays et de nos
PME, pour l'avenir, il est impératif de soutenir les énergies renouvelables "
(4).
Valérie Guérin
(2) http://www.epia.org/fileadmin/user_upload/News/3257691_lettre-ouverte-photovoltaique.pdf
(3) Chiffres de l'Observatoire de l'énergie Solaire : http://www.observatoire-energie-photovoltaique.com/
19/11/24 à 15h53 GMT