- CJUE, 11 septembre 2014, C - 525/12 : Manquement d’État – Environnement – Directive 2000/60/CE – Cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau – Récupération des coûts des services liés à l’utilisation de l’eau – Notion de « services liés à l’utilisation de l’eau »
Le 11 septembre 2014, la deuxième chambre de la Cour de Justice de l’Union européenne a rendu un arrêt opposant la Commission européenne à la république fédérale d’Allemagne dans une affaire ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE.
En effet, dans sa requête, la Commission européenne demandait à la Cour de constater que, « […] en excluant certains services (notamment, l’endiguement aux fins de la production hydroélectrique, la navigation et la protection contre les inondations, le captage aux fins d’irrigation et à des fins industrielles, ainsi que l’autoconsommation) de l’application de la notion de «services liés à l’utilisation de l’eau», la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent au titre de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, et, notamment, des articles 2, point 38, et 9 de cette directive.
Sur le fond, la Commission soutienait que la République fédérale d’Allemagne, en raison de l’interprétation restrictive qu’elle donne de la notion de «services liés à l’utilisation de l’eau» au sens de l’article 2, point 38, de la directive 2000/60, n’appliquait pas correctement l’article 9 de cette directive dont le champ d’application concernait la récupération des coûts de ces services, la politique de tarification de l’eau et l’application du principe pollueur-payeur aux utilisateurs d’eau.
Comme l’explique la Commission : « […] la notion de «services liés à l’utilisation de l’eau» ne recouvre pas seulement l’approvisionnement en eau et le traitement des eaux usées. Le libellé même de l’article 2, point 38, de la directive 2000/60, son contexte et les objectifs poursuivis par cette directive aboutissent à considérer que la définition de ces services englobe d’autres activités telles que la navigation, la production d’électricité par l’énergie hydraulique et la protection contre les inondations […].
En visant le captage, l’endiguement, le stockage, le traitement et la distribution, l’article 2, point 38, de la directive 2000/60 énumère diverses activités dont l’une doit être présente dans le service lié à l’utilisation de l’eau, sans que le recours aux virgules entre ces termes et l’emploi de la conjonction «et» emportent une autre signification. Un service lié à l’utilisation de l’eau n’exige pas que toutes les activités énumérées à l’article 2, point 38, sous a) ou b), de cette directive soient présentes cumulativement […].
La finalité de celle-ci est d’assurer une utilisation efficace des ressources en eau, en assurant une participation appropriée des diverses utilisations de l’eau à la récupération des coûts des services liés à cette utilisation, compte tenu du principe du pollueur-payeur. Cette finalité ne serait pas atteinte si, comme le soutient l’État membre défendeur, les entreprises qui pratiquent le captage d’eau en dehors des activités d’approvisionnement en eau ou de traitement des eaux usées, telles que, par exemple, dans certains Länder, les entreprises d’extraction minière à ciel ouvert, n’étaient pas tenues de payer les coûts de ces captages […].
La directive 2000/60 et la directive 2004/35 ont la même base juridique et poursuivent toutes les deux des objectifs visant à protéger l’environnement, ce qui ne permet pas, contrairement à ce que soutient la République fédérale d’Allemagne, d’interpréter différemment la notion de «Funktion» qui figure dans la version en langue allemande de cette dernière directive, et celle de «Dienstleitung» présente dans la directive 2000/60, pour en déduire que cette dernière vise une activité humaine. En outre, dans le droit de l’environnement, les services ne présupposent pas la participation d’un être humain, ainsi qu’il ressort de l’étude d’évaluation des services écosystémiques dénommée «Millennium Ecosystem Assessment», lancée par les Nations unies au cours de l’année 2001 […].
Dans ces conditions, relèvent de la notion de services liés à l’utilisation de l’eau le captage à des fins d’irrigation, qui exerce une pression importante sur l’état de la masse d’eau, le captage à des fins industrielles, l’auto-approvisionnement, l’endiguement pour l’exploitation de l’énergie hydraulique, pour la navigation et pour la protection contre les inondations, ainsi que le stockage, le traitement, la distribution de l’eau. Or, il s’avère, notamment, que certains Länder n’appliquent aucune redevance de captage où appliquent de larges dérogations ».
Rejetant la demande de la Commission, la Cour explique notamment que « la circonstance que la République fédérale d’Allemagne ne soumettrait pas certaines de ces activités à ce principe ne permet pas d’établir à elle seule, en dehors de tout autre grief, que cet État membre a pour autant manqué aux obligations des articles 2, point 38, et 9 de la directive 2000/60. »
Cet arrêt est très éclairant sur la notion de « services liés à l’utilisation de l’eau », notion importante dans le cadre d’une développement durable et sur l’interprétation qui peut en être faite par les États membres de l’Union.
[VEIJURIS]
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09/12/24 à 13h08 GMT