Lomé, capitale du Togo, est une ville en plein essor marquée par un accroissement urbain de 3 % par an. Elle concentre aujourd’hui près de 23 % de la population totale du pays. Chaque année, plus de 350 000 tonnes de déchets sont produits sur le périmètre de l’agglomération. Le projet Africompost cherche à valoriser les déchets organiques en compostage et à réduire ainsi la facture pour la ville de Lomé, tout en épargnant l’environnement.
La commune de Lomé considère la problématique des déchets comme un enjeu majeur pour assurer le bien-être de ses citoyens. Depuis 2008, elle mène une politique volontariste et engagée afin de structurer et professionnaliser l’ensemble du service public de la gestion des déchets sur son territoire. Les efforts consentis ces dernières années ont permis d’organiser et de planifier la pré-collecte des déchets ménagers confiée à des micro-entreprises formalisées. Celles-ci sont en charge de collecter les déchets depuis leur lieu de production jusqu’aux points de regroupement, moyennant un paiement direct par l’usager. Les déchets sont ensuite collectés par des opérateurs de collecte – rémunérés à la tonne transportée par la commune de Lomé – des points de regroupement jusqu’au nouveau centre d’enfouissement technique (CET) d’Aképé, qui a ouvert ses portes en 2018.
Cette modernisation du service a des effets visibles et permet de constater une nette amélioration du cadre de vie et de l’assainissement urbain ces dernières années. Toutefois, ces efforts ont un coût très élevé qui n’est pas encore accompagné des recettes suffisantes pour s’approcher de l’équilibre du service. L’ouverture du nouveau centre d’enfouissement technique, qui a succédé à une décharge saturée depuis plusieurs années, a contribué à accroître de façon exponentielle les coûts de traitement, passant de 1,4 € à 8,5 €/tonne enfouie. L’éloignement du nouveau centre d’enfouissement technique a également impacté les coûts du transport via un accroissement des distances parcourues. La commune de Lomé, avec l’appui de ses partenaires, porte aujourd’hui une attention particulière au financement de ce service en vue de garantir sa durabilité.
Près de 250 000 tonnes par an sont acheminées jusqu’au centre d’enfouissement technique, en passant par les étapes de pré-collecte et de collecte. En parallèle, les caractérisations des déchets réalisées mensuellement par l’ONG togolaise Enpro, montrent que les déchets suivant le processus conventionnel de ramassage et de traitement au CET sont constitués à 70 % de sable et de matières organiques (35 % pour chacune des deux composantes). Autrement dit, cette analyse démontre que le sable n’est pas communément considéré comme un déchet et qu’il constitue un coût considérable pour la commune de Lomé, mais aussi que la matière organique constitue un potentiel important de valorisation – notamment pour la production de compost.
Dans ce contexte, et depuis 2017, l’ONG togolaise Enpro, l’association Gevalor et aujourd’hui le Gret mènent le projet Africompost qui entend bien démontrer la pertinence d’un « grand détournement » des déchets au profit de la commune de Lomé.
Les équipe de Gevalor, et du Gret depuis avril 2019, travaillent conjointement avec le partenaire local Enpro pour démontrer les bénéfices économiques, environnementaux et sociaux de ce détournement des déchets en amont de la collecte et de l’enfouissement. La plateforme de compostage gérée directement par le partenaire togolais se situe au niveau d’un des cinq points de regroupement de la commune. Les déchets y sont acheminés par la pré-collecte et sont traités sur le site de compostage. Chaque année, Enpro reçoit approximativement 4 500 tonnes de déchets. Grâce à la valorisation des déchets organiques en compostage, la récupération du sable et des parties fines revalorisés auprès des entreprises de BTP, et le tri des matériaux recyclables (métaux et plastiques), seulement 1 100 tonnes de déchets non valorisables sont réacheminés vers le centre d’enfouissement technique. 75 % de la matière qui arrive sur la plateforme trouve donc un autre exutoire. Au quotidien, l’opérateur Enpro cherche à réduire d’avantage ce gisement réinjecté dans la filière de collecte et de traitement au centre d’enfouissement pour s’approcher du zéro déchet.
Les exutoires de valorisation – recyclage des déchets arrivant sur la plateforme :
Au niveau environnemental, l’impact est tout aussi important puisque l’activité contribue à réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre (notamment le méthane) produit par la décomposition des déchets. Chaque année, en moyenne entre 800 et 1 200 tonnes équivalent CO2 sont évitées grâce à l’activité compostage d’Enpro (soit l’équivalent de 500 voyages en avion Paris-Lomé).
Pour autant, la viabilité des plateformes de compostage est encore loin d’être garantie. En effet, les recettes issues de la valorisation ne peuvent à elles seules couvrir l’ensemble des charges d’exploitation d’une plateforme de compostage. Pour assurer leur pérennité a posteriori des projets d’aide publique au développement, le Gret et son partenaire Enpro travaillent étroitement sur le modèle économique de la plateforme de compostage.
La solution qui s’avère essentielle aujourd’hui pour à la fois pérenniser la plateforme existante mais également envisager un passage à l’échelle, est la contractualisation et la facturation du traitement par compostage à la collectivité, sur la base des externalités économiques générées.
A Lomé, Enpro et le Gret arrivent à démontrer que seules 50 % des économies générées reversées à la plateforme contribueraient à équilibrer et pérenniser la plateforme de compostage sur le territoire.
Au vu des enjeux économiques sur l’ensemble de la filière et du gisement de déchets pouvant être détourné à Lomé, cette question mérite son attention.
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19/11/24 à 15h53 GMT