La pandémie actuelle agit comme un grand révélateur des faiblesses structurelles de nos sociétés et ce, de manière encore plus prégnante pour les petites îles dans lesquelles nous vivons. Tout n'est pas à jeter dans la mondialisation, que serait devenue Maurice sans l'apport essentiel du tourisme dans les années qui suivèrent l'indépendance (1968) ? Mais cette globalisation du village-monde a bien entendu exacerbé les interdépendances et nous a fait oublier que souvent, il ne faut compter que sur nos propres forces, qu'ils s'agissent de produire des masques de protection, des médicaments ou des produits de base alimentaires. Il ne m'appartient pas en ce lieu de commenter la gestion de la pandémie de Covid-19 , ici et là, mais de mettre en lumière certains faits.
Maurice est largement dépendant de l'extérieur en ce qui concerne son approvisionnement alimentaire et les politiques d'aménagement du territoire menées jusqu'ici ne l'ont pas pris en compte. L'essentiel des développements foncier et économique s'est focalisé sur la construction immobilière, hôtels et résidences de luxe pour étrangers fortunés, ce qui a certes apporté de l'emploi à la population mauricienne, mais a détourné la population de l'agriculture vivrière et les investisseurs propriétaires fonciers, de l'agro-industrie. Il faut dire aussi que les Accords de Lomé signés entre l'Europe et les pays ACP ont assuré jusqu'à leur résiliation une rente généreuse aux entreprises cannières et l'Europe, toujours prompte à éclairer le Monde de ses Lumières, n'a pas joué ici son meilleur rôle ... Depuis lors, la production de canne à sucre à Maurice n'est plus rentable et certains opérateurs se tournent fort heureusement vers la production de légumes afin de satisfaire le marché local. Et l'on reparle aujourd'hui de légumes et de fruits oubliés (les "pie lakour") sur l'autel de la mondialisation, le manioc, le fruit à pain, les racines qui pourraient dans une certaine mesure se substituer au riz importé. Il semble donc que la population mauricienne souhaite aujourd'hui, face à l'adversité, mais peut-être fallait-il un élément-déclencheur ?..., replanter le potager et la forêt. Je fais ici référence notamment au projet de reforestation mené par la Fondation Projet de Société auquel se sont largement associées la population locale et nombre de pépinières spécialisées dans les plants endémiques ou fruitiers et qu'il convient de remercier.
Et le tourisme ?
L'inquiétude est grande pour ce secteur vital de l'économie mauricienne, mais selon le célèbre adage, "à quelque chose, malheur est bon". Il ne me fait aucun doute que le tourisme mauricien se relèvera, difficilement certes, mais il se relèvera en tenant compte de l'impérieuse nécessité d'y associer toute la population dans le cadre d'un plan de développement harmonieux, qu'il soit économique, écologique ou social. L'associer aussi, car le touriste, parfois perçu comme un envahisseur, va enfin se muer en voyageur, celui qui souhaite partir à la rencontre de la population locale et partager, sortir d'un confinement en quelques sorte. La persistance de tous ces déséquilibres, accentués par l'inflation et le chômage qui nous guettent, constituerait une catastrophe sociétale dont Maurice aurait du mal à se relever.
Ensemble, construisons l'avenir d'une île qui dispose de tous les atouts pour s'approcher des rives du paradis.
19/11/24 à 15h53 GMT