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Lutte contre le paludisme en Afrique



  • SANTE-AFRIQUE : Un concert contre le paludisme, un 'tsunami silencieux' qui tue beaucoup

    Par Adel Arab

    DAKAR, 16 mars (IPS) - Le plus grand tueur en Afrique est de loin le paludisme, une maladie causée par la piqûre de la femelle d'un moustique appelé ''anophèle'', et qui emporte quelque deux millions d'Africains chaque année.


    Le paludisme (ou la malaria) affecte deux fois plus de gens que la tuberculose, le SIDA, la rougeole et la lèpre réunis, selon des spécialistes.

    Aussi, un concert 'Africa Live' a-t-il été organisé les 12 et 13 mars dans un stade de Dakar, la capitale du Sénégal, par le célèbre chanteur sénégalais Youssou N'dour et le réalisateur de films documentaires, Mick Csaky, en partenariat avec 'The Roll Back Malaria Partnership' (Partenariat pour faire reculer le paludisme, RBM).

    Ce concert se voulait un puissant instrument de communication et d'information vitale sur le paludisme, capable d'atteindre une vaste audience en Afrique et dans l'ensemble du monde. Il a également enregistré la participation d'une vingtaine d'autres artistes africains de renommée internationale.

    Selon le RBM, le paludisme reste la première cause de mortalité infantile avec environ 3.000 décès par jour, soit un enfant toutes les 30 secondes.. En somme, plus d'un quart des décès de jeunes enfants en Afrique est dû au paludisme causé par le parasite plasmodium malariae. Le partenariat RBM a été créé dans le but d'élaborer une stratégie mondiale visant à combattre la maladie.

    Environ 600 millions de personnes souffrent de paludisme, chaque année, dans le monde et neuf cas sur dix surviennent en Afrique sub-saharienne, selon le RBM.

    ''Le paludisme est particulièrement préjudiciable à la santé des femmes enceintes et de leur fœtus. Il peut déboucher sur une anémie maternelle et une insuffisance pondérale à la naissance, le danger de mort numéro un au cours des premiers mois de la vie'', souligne le secrétariat du RBM dans un communiqué rendu public à Dakar, la semaine dernière.

    ''Cette maladie entrave la scolarité et le développement social de l'enfant. Même lorsqu'ils survivent à une grave crise de paludisme, de nombreux enfants souffriront de séquelles mentales et physiques'', a déclaré le professeur Awa Marie Coll-Seck, secrétaire exécutive du RBM, lors d'une conférence de presse, dans la capitale à Dakar, à la veille du concert.

    Le paludisme est considéré également comme ''l'une des principales causes de la pauvreté. Le coût de la lutte contre la maladie et du traitement des victimes draine les ressources des économies africaines, ralentissant la croissance économique de 1,3 pour cent par an'', indique Coll-Seck. ''La prévention de la maladie est un des principaux éléments des programmes de réduction de la pauvreté et de développement économique''.

    Le partenariat RBM a été lancé en 1998 par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et la Banque mondiale. Son objectif premier est de réduire de moitié le fardeau que représente la malaria d'ici à 2010.

    La lutte contre le paludisme et le SIDA figure également parmi les huit Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) que se sont fixés, pour 2015, les dirigeants du monde entier, au cours d'un sommet à L'ONU, en 2000.

    Entre autres partenaires du RBM, on compte aujourd'hui de nombreux pays où la malaria sévit de manière endémique, des organisations non gouvernementales et des organisations communautaires, des fondations, des instituts de recherches et des établissements académiques.

    Le rôle essentiel du partenariat RBM est de mener des campagnes visant à promouvoir la prise de conscience du fléau que constitue le paludisme, au niveau mondial, des régions, des pays et des communautés locales, de façon à ce que la malaria ait une place de choix dans l'agenda de développement.

    Pour le RBM, la moustiquaire imprégnée d'insecticide demeure, pour le moment, le meilleur moyen de prévention contre le paludisme. ''L'usage de ces moustiquaires pourrait diminuer les cas de paludisme de moins de 50 pour cent dans les régions de haute transmission; et pourtant, moins de cinq pour cent des enfants africains dorment sous une moustiquaire'', estime le RBM.

    'Sumito Chemical', le plus grand fabricant au monde d'insecticides de santé environnementale, a annoncé, à Dakar, que la production annuelle du filet de moustiquaire 'Olyset(r) Net' - son filet insecticide à longue durée d'efficacité dénommé 'LLIN, Long Lasting Insecticidal Net' - passera de cinq millions à 20 millions d'unités d'ici à la fin de cette année.

    ''Deux millions de moustiquaires sont disponibles actuellement', a indiqué Shigehiro Oba, président de la division 'Agricultural Chemicals Sector', au cours de la conférence de presse de Dakar. ''Le prix d'une moustiquaire est de sept dollars (environ 3.500 francs CFA)'', précise-t-il.

    A Dakar, le prix moyen d'une moustiquaire imprégnée est de 20 dollars environ. ''Même au prix de 3.500 FCFA (sept dollars), combien de personnes peuvent se payer une moustiquaire?'', demande Souleyman Diallo, un mélomane, venu assister au concert 'Africa Live'.

    Selon le Rapport 2004 du PNUD, 33,4 pour cent des Sénégalais vivent en dessous du seuil de pauvreté avec moins d'un dollar par jour.

    Diallo, la quarantaine et gestionnaire d'un télécentre, vivant dans une famille de neuf personnes, avoue qu'aucun membre de sa maison ne possède de moustiquaire. ''On devrait distribuer les moustiquaires, ne serait-ce qu'au niveau des familles les plus démunies, comme on l'a fait avec les préservatifs pour la prévention contre le virus du SIDA'', suggère-t-il.

    Pour Diallo, l'hygiène de l'environnement joue également un rôle capital dans la prévention contre le paludisme. ''Nos villes sont sales, et malgré le fait que j'habite au centre-ville (à Dakar), mon quartier est tout le temps infesté de moustiques'', se plaint-il à IPS.

    ''C'est juste avant la saison des pluies, entre les mois de juillet et octobre, que la commune procède à la désinfection des quartiers de la ville. Autrement dit, c'est très rare que les services d'hygiène répondent à nos appels, en dehors de cette période'', affirme-t-il.

    Les nombreux artistes, qui ont participé au concert de Dakar, ont profité de l'occasion pour faire passer plusieurs messages dans le sens de la prévention du paludisme. ''Ce genre de messages de sensibilisation peut sauver beaucoup de vies car dans plusieurs pays africains, on confond les infections dues au paludisme aux pratiques de sorcellerie. Et c'est ainsi que beaucoup de gens en meurent bêtement'', confie Diallo à IPS.

    D'après lui, ces messages devraient s'étendre aux quartiers pauvres des villes et aux villages les plus reculés d'Afrique. ''Ils devraient aussi faire passer continuellement des spots de sensibilisation à la radio et à la télévision''.

    De son côté, Didier Awadi, le leader du groupe mythique de Rap sénégalais PBS (Positif Black Soul, estime que ce concert contribuera à réveiller les autorités et les Etats africains vis-à-vis de ce fléau, en les poussant à mettre en place une politique réelle de lutte contre le paludisme.

    ''Il ne faut surtout pas que ce soit un lobby de personnes qui s'enrichissent sur le dos du paludisme et des pauvres comme on l'a vu avec le SIDA. Car on connaît actuellement plus de riches du SIDA que de morts du SIDA'', avertit-il.

    ''Il faut que les responsables de la lutte contre la malaria soient honnêtes et utilisent les fonds là où il le faut pour endiguer la maladie...En ce qui nous concerne, chacun des artistes doit continuer, à son niveau et selon ses moyens, ce combat pour faire reculer cette maladie'', déclare Awadi.

    Pour l'instant, le paludisme reste un problème majeur de santé publique en Afrique sub-saharienne et son traitement, même s'il se révèle efficace dans certains cas, demeure excessivement cher, environ 20 dollars. Une somme encore élevée pour la majorité des familles africaines pauvres.

    Un vaccin antipaludique est toujours très attendu pour réduire les souffrances et les différentes pertes liées aux ravages de la malaria en Afrique. (FIN/2005)
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