Mixte énergétique et mondialisation, les deux mots-clés d'une nouvelle étape.
Le 19 mars dernier, à Cadarache, a été posée la première pierre du RJH (réacteur Jules Horowitz), seul véritable réacteur de recherche de troisième génération.Rassemblant huit partenaires européens, celui-ci devrait être mis en service à l'horizon 2014. Il représente l'un des indispensables outils grâce auxquels pourra émerger la IVème génération de réacteurs nucléaires. Dans un contexte où, selon l'AIE (Agence Internationale de l'Energie), la consommation d'énergie pourrait augmenter de 63% d'ici 2030 alors que les réserves d'énergies fossiles devraient diminuer significativement, le tout sur fond de changement climatique qui semble se confirmer, le nucléaire apparaît en effet de plus en plus comme l'incontournable élément du"bouquet énergétique"de demain.
Une nouvelle ère caractérisée par des partenariats internationaux
Cette évolution s'est traduite au cours des derniers mois par l'émergence de projets importants de construction de nouveaux réacteurs nucléaires dans le monde. Rappelons que dans sa déclaration de politique énergétique en janvier dernier, l'Europe a réintroduit le nucléaire comme un des éléments importants de son indépendance et, qui plus est, a souligné que cette filière contribue à la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Pour conserver le leadership mondial dans ce domaine, la France doit donc pouvoir diffuser les technologies les plus performantes à l'occasion de la mise en oeuvre de la troisième génération de réacteurs nucléaires comme l'EPR d'Areva, tout en préparant la génération suivante dite"Génération IV", pour laquelle les experts notent qu'il ne suffit plus de penser uniquement réacteur mais concevoir également certaines installations du cycle du combustible.
D'où le lancement de la construction du RJH qui représente une étape majeure dans l'évolution de la recherche nucléaire, non seulement française, mais aussi européenne et mondiale. Rappelons que depuis plus de trente ans, aucun réacteur de recherche n'a été construit dans le monde occidental. Il y avait donc une urgence puisque tous les réacteurs de recherche européens seront probablement arrêtés d'ici 2015. Cette renaissance du nucléaire est une étape d'autant plus importante qu'elle fait sortir la France d'un nucléaire purement national pour entrer dans une nouvelle ère caractérisée par des partenariats internationaux.
Proposer une sorte de"package nucléaire"
Cette renaissance entraîne évidemment un accroissement de la demande de la part de certains pays comme la Tunisie, le Maroc, la Libye, ou encore plus récemment le Vietnam ou le Chili qui souhaitent pouvoir accéder au nucléaire civil. Si la France est prête à étudier chacune des demandes émanant de cette quinzaine de pays, il n'est pas question pour autant qu'elle y réponde à n'importe quelles conditions."Il nous semble important, en particulier, que ces pays ne se lancent pas dans l'achat d'un réacteur nucléaire sans disposer du substrat intellectuel, organisationnel et réglementaire nécessaire qui leur permettent de le manager avec le niveau de sécurité et de formation suffisant que requiert ce secteur", estime Alain Bugat, Administrateur Général du CEA. D'où l'idée d'un"package nucléaire"proposée par cet établissement public de recherche.
Celui-ci fournirait ainsi une sorte d'assistance à la mise en oeuvre, reposant non seulement sur les aspects réglementaires, mais aussi de formation du personnel, qu'il s'agisse des ingénieurs ou des techniciens d'exploitation, ou encore sur l'existence d'une autorité de sûreté compétente et indépendante."Il est en effet capital que la sûreté bénéficie à terme de la même indépendance dans tous les pays du monde", souligne Alain Bugat. Il est également indispensable que ces pays disposent d'une certaine capacité de R&D, envisagent le problème des déchets dès le début de leur démarche visant à faire l'acquisition d'un réacteur, et répondent aux exigences de non prolifération.
La nécessité d'une réflexion plus globale sur l'énergie
Pour l'Administrateur Général du CEA, l'ensemble de ces propositions doit évidemment s'inscrire dans une réflexion plus globale sur l'utilisation des différentes sources d'énergie au cours des prochaines décennies et la place qu'y occupera l'énergie nucléaire. Compte tenu de l'importance croissante de cette thématique, l'effort de R&D consenti dans ce domaine, qui représente environ 7% du montant total de la R&D publique en France, est-il suffisant ? C'est une des questions importantes auxquelles la Commission, présidée par Jean Syrota, sous l'égide du Premier ministre, devra tenter d'apporter des réponses. Créée en mai 2006, celle-ci doit rendre prochainement ses premières recommandations.
"L'existence de cette commission prouve qu'il est désormais possible en France de discuter d'énergie nucléaire et d'énergies renouvelables sans s'affronter", se félicite Alain Bugat. Il observe également avec un grand intérêt le développement de partenariats industriels dans un secteur où, jusqu'à présent, la communauté scientifique avait pour habitude de travailler seule, les industriels n'étant consultés que très tardivement. Une démarche qui conduisait ceux-ci à juger les propositions des scientifiques comme peu réalistes."Il est donc nécessaire que les industriels interviennent assez tôt dans les projets de R&D, sans pour autant qu'ils orientent la recherche", conclut-il.
Source :
BE France numero 193 (6/06/2007) - ADIT / ADIT -http://www.bulletins-electroniques.com
http://www.bulletins-electroniques....
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