Comment assurer la réussite des systèmes agroforestiers dans les pays du Sud
Les systèmes agroforestiers représentent aujourd'hui une des formes possibles d’une agriculture conciliant production durable et respect de l’environnement. État de l’art par 130 chercheurs et professionnels réunis en septembre dernier au Costa Rica lors du 2e Symposium international sur les systèmes agroforestiers multistrates à base de cultures pérennes.
Erosion des sols réduite, ressources en eau préservées, conservation et création de biodiversité ou encore séquestration du carbone, tels sont quelques-uns des effets majeurs des systèmes agroforestiers sur l’environnement. En modifiant le microclimat au bénéfice des cultures sous-jacentes, l’agroforesterie apparaît, par ailleurs, comme une stratégie d’adaptation de l’agriculture au changement climatique. Enfin, par la diversification des productions qu’ils engendrent, les systèmes agroforestiers offrent également une solution face aux crises.
En septembre dernier, 130 chercheurs originaires de 25 pays ont planché sur le sujet à l’occasion du 2e Symposium international sur les systèmes agroforestiers multistrates à base de cultures pérennes, qui s’est tenu au Costa Rica*. L’enjeu : trouver les ressources nécessaires pour promouvoir ces systèmes, au travers du bilan des résultats de recherche obtenus huit ans après la tenue d’un premier symposium. Il s’agissait également de proposer des mécanismes adéquats pour assurer une juste rétribution aux paysans qui font l’effort d’adopter ces systèmes de production agricoles plus soucieux de l’environnement.
Un rôle à jouer dans un environnement en pleine évolution
Présents depuis longtemps dans de nombreux pays des régions tropicales, les systèmes agroforestiers stratifiés associent des cultures aux arbres, les unes se développant sous l’ombrage des autres. Il en est ainsi des cultures pérennes telles que le café ou le cacao, cultivées à l’ombre d’arbres fruitiers et/ou forestiers, pouvant constituer ainsi au moins trois strates de végétation. Cependant, avec l’avènement de l’agriculture intensive, il y a 40-50 ans, les agriculteurs ont souvent abandonné cette pratique pour la monoculture qui offre un profit plus rapide. Néanmoins, l’avenir de ce type d’agriculture intensive liée à des apports importants d’intrants extérieurs est, aujourd’hui, fortement limité par des atteintes graves à l’environnement et par des contraintes économiques. Par ailleurs, les temps changent, de même que le climat, et les consciences évoluent. Les consommateurs achètent de plus en plus « éthique », « écologique », « biologique » ou encore « équitable » et sont donc plus à même de payer un surcoût garantissant des produits soucieux de l’environnement et socialement responsables. C’est sur cette scène que les productions issues des systèmes agroforestiers jouent pleinement leur rôle.
Une production plus faible valorisée par les services environnementaux rendus
Principal frein néanmoins à une conversion massive : le maintien des revenus pour les agriculteurs. En effet, les services environnementaux rendus par ces systèmes sont désormais reconnus, mais la culture ombragée peut offrir une production plus faible que celle des monocultures intensives. C’est souvent le cas, par exemple, pour le caféier arabica cultivé au-dessus de 1 000 m d’altitude. Face à cette contrainte majeure, les chercheurs insistent sur la nécessité de compenser la perte de revenus. A cette fin, deux voies sont essentiellement proposées. La première consiste à rémunérer les producteurs pour les services environnementaux rendus par leurs cultures. Ceci peut être réalisé par l’intermédiaire de labels écologiques tels que ceux concernant l’agriculture biologique ou Rainforest Alliance, déjà présents sur le marché, au travers d’un système de paiement national pour séquestration de carbone, ou encore, plus localement, via le paiement direct par les utilisateurs de services tels qu’une société d’exploitation d’un barrage hydroélectrique rémunérant la protection des sols contre l’érosion. La seconde voie touche à la diversification des productions et la domestication des espèces ligneuses. Il s’agit de rentabiliser ces activités en créant ou en renforçant les filières de valorisation des produits des arbres. Le bois d’œuvre, par exemple, permet d’améliorer le revenu des producteurs de café en période de baisse des prix en Amérique centrale. Il en est de même pour le vin de palme qui joue un rôle majeur dans la durabilité du système cacaoyer en zones forestières en Côte d’Ivoire.
La certification : une stratégie à intégrer dans les programmes de développement
A l’issue du symposium, il a également été recommandé, dans le cadre d’études et de modèles, d’associer la question de la biodiversité à celle de la productivité des systèmes. En effet, s’il est clairement établi que les systèmes agroforestiers conservent et/ou augmentent la biodiversité de la flore et de la faune, il reste encore à préciser l’impact de la biodiversité en termes de durabilité économique de ces systèmes. Les effets bénéfiques de ces systèmes agroforestiers à l’échelle du paysage, comme par exemple leur rôle dans la connectivité entre aires protégées, doivent également être mieux compris. Concernant les résultats biophysiques existants, des métabases de données les rassemblant permettraient d’organiser l’information, de communiquer sur les méthodologies et les résultats, de mieux valoriser ces résultats et d’identifier les besoins de recherche. Une approche de modélisation éventuellement couplée à l’analyse de ces métabases aiderait à résoudre les questions les plus cruciales telles que les relations entre le rendement de la culture et l’ombrage ou encore l’impact du changement climatique sur les fonctions et services de l’écosystème. Enfin, la certification constitue une stratégie qui pourrait être intégrée au sein même des programmes de développement. Ce processus nécessite néanmoins d’améliorer les bases scientifiques des critères et indicateurs biophysiques et sociaux servant à l’attribution des labels écologiques.
* Le symposium a été organisé par le Centro Agronómico Tropical de Investigación y Enseñanza (Catie), le Cirad, l’International Center for Research in Agroforestry (Icraf) et l’université du Pays de Galles. Il fait suite à un premier symposium ayant eu lieu en février 1999, également au Catie, à Turrialba, Costa Rica.
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