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Journée internationale de l'enfant soldat le 12 février 2011



  • ECI et la problématique des enfants soldats

     

    On estime à plus de 300 0001 le nombre d'enfants soldats. En plus du vol de leur innocence, ces enfants sont victimes de violences y compris de violence sexuelles. La date du 12 février a été choisie pour célébrer la journée internationale des enfants soldats car elle marque la date anniversaire de l'entrée en vigueur du Protocole facultatif à la Convention des droits de l'enfant relatif à l'implication des enfants dans les conflits armés.

     

    Incrimination par le droit international du recrutement des enfants soldats et des violences et sévices à l'encontre des enfants

     

    L'article 14 de la quatrième convention de Genève de 1949  relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre demande aux belligérants de créer les conditions afin de mettre à l'abris les enfants de moins de quinze ans et l'article 17 favorise leur évacuation des zones assiégées.

    Le Protocole I relatif à la protection des victimes des conflits internationaux dans son article 77, dispose que " les parties au conflit prendront toutes les mesures possibles dans la pratique pour que les enfants de moins de quinze ans ne participent pas directement aux hostilités, notamment en s'abstenant de les recruter dans leurs forces armées ". Cet article ajoute que lorsque les armées incorporent des personnes de plus de quinze ans mais de moins de dix huit ans, elles doivent donner la priorité aux plus âgés. L'article énonce aussi que si malgré ce qui précède, des personnes de moins de quinze ans participent aux combats et sont faits prisonniers, ils bénéficient d'une protection spéciale. Par exemple ils devront être dans des cellules séparées des adultes et n'encourent pas la peine de mort.

    Le Protocole II relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux en son article 4-3c précise que les enfants de moins de quinze ans ne devront pas être recrutés dans les forces ou groupes armés, ni autorisés à prendre part aux hostilités. Dans le cas où malgré cette interdiction, les enfants participent aux combats, ils bénéficient d'une protection spéciale.

    La Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant de 1989, allant dans le sens des Protocoles aux conventions de Genève, fixe l'âge de recrutement à 15 ans2. Cette convention a été complétée par le Protocole facultatif concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés  adopté le 25 mai 2000 et entré en vigueur le 12 février 2002 qui relève à 18 ans l'âge minimum d'engagement volontaire au sein des forces armées3. L'article 4 de ce Protocole fait peser cette obligation de ne recruter qu'à partir de 18 ans  également aux groupes armés.

    De même, l'Organisation Internationale du Travail (OIT) avait adopté en 1999 la Convention 182 sur les pires formes du travail des enfants. Cette convention condamne le recrutement forcé d'enfant pour le combat et fixe l'âge minimum de recrutement forcé à dix huit ans. Les enfants sont également protégés des exploitations sexuelles4 et d'autres violences graves5.

     

    De tous ces textes, le plus contraignant est le statut de la Cour pénale internationale qui considère que la conscription ou l'enrôlement d'enfants de moins de quinze ans dans les forces armées nationales ou leur engagement actif dans les hostilités est un crime de guerre6. Le statut de Rome instituant cette Cour est entré en vigueur depuis le 1er juillet 2002. Désormais les personnes coupables de crimes de guerre, si elles ne sont pas pénalement sanctionnées par les juridictions nationales, peuvent l'être par la Cour pénale internationale. Les enfants peuvent être entendus à titre de témoins.

     La Cour est saisie de nombreuses situations7 dont certaines comportent le chef d'inculpation de crime de guerre pour enrôlement d'enfants soldats et leur utilisation dans les combats, viol, autres violences sexuelles etc. C'est le cas en RDC8  et en Ouganda9 contre d'anciens chefs de groupes armés.

    En Afrique, la Charte africaine des droits et du bien être de l'enfant du 11 juillet 1990 entrée en vigueur le 20 novembre 1999, interdit également le recrutement d'enfants soldats. C'est ainsi qu'ayant noté avec inquiétude que la situation de nombreux enfants africains due entre autres aux conflits armés reste critique, elle affirme que l'enfant en raison de son immaturité physique et mentale, a besoin de protection et de soins spéciaux. L'enfant est défini comme un être humain âgé de moins de dix huit ans (art 2). L'article 22 portant sur les conflits armés, ajoute que les Etats s'engagent à respecter et à faire respecter les règles du droit international humanitaire applicable en cas de conflits armés qui affectent particulièrement les enfants. Les Etats doivent veiller à ce qu'aucun enfant ne prenne directement part aux hostilités et en particulier, à ce qu'aucun enfant ne soit enrôlé sous les drapeaux. L'article 15 sur le travail des enfants énonce que l'enfant doit être protégé de toute forme d'exploitation économique et de l'exercice d'un travail qui comporte des dangers ou qui risque de perturber son éducation ou de compromettre sa santé ou son développement physique, mental, spirituel, moral et social. L'article 16 le protège contre les abus et tortures, traitements inhumains et dégradant en particulier " toute forme d'atteinte ou d'abus physique ou mental de négligence ou de mauvais traitements y compris les sévices sexuels, lorsqu'il est confié à la garde d'un parent, d'un tuteur légal, de l'autorité scolaire ou de toute autre personne ayant la garde de l'enfant ".

    Tout comme les conventions de Genève et leurs protocoles, la Convention africaine exclut la peine de mort à l'encontre des enfants (art.5).

     

    L'atrocité de la guerre civile en Sierra Léone y avait conduit à la création d'un tribunal pénal mixte en vertu d'un accord conclu le 16 janvier 2002 par les autorités sierra léonaises et l'ONU conformément à la résolution 1315 (2000)du Conseil de sécurité. Ce tribunal est chargé de " poursuivre ceux qui portent la responsabilité la plus lourde " des violations graves du droit international humanitaire et du droit sierra léonais commis sur le territoire de la Sierra Leone depuis le 30 novembre 1996. Parmi les crimes  qui relèvent de la compétence de ce Tribunal, les violations du droit international humanitaire telles que les attaques intentionnellement dirigées contre les civils, le personnel humanitaire et les agents de la paix ainsi que l'enrôlement des enfants de moins de quinze ans dans les forces et groupes armés. Ce tribunal a inculpé treize personnes dont des responsables du Front révolutionnaire uni (RUF) et l'ancien chef de l'Etat du Libéria Charge Taylor poursuivi d'onze chefs d'accusation pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre notamment des actes de violence sexuelle, violences physiques, enrôlement forcé d'enfants soldats, enlèvement, travail forcé etc. Ce tribunal a déjà condamné trois anciens combattants du RUF pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité pour actes de terrorisme, assassinat, mariage forcé et enrôlement d'enfants soldats10.

     

    Le Mécanisme de surveillance et de communication des résolutions 1612 et 1882 du Conseil de sécurité


    En plus des règles du droit international, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté de nombreuses résolutions condamnant le recrutement et l'utilisation des enfants soldats ainsi que toutes les violences graves dont ils sont victimes en temps de conflits. Parmi elles, la résolution 1612 (2005) sur les enfants et les conflits entérine une proposition du Secrétaire général mettant en place un mécanisme de surveillance et de communication de l'information sur les enfants et les conflits armés. Ce Mécanisme est chargé de recueillir et communiquer rapidement des informations objectives exactes et fiables. Il doit collaborer avec les gouvernements et acteurs concernés et la société civile. Il s'applique en priorité aux parties mentionnées sur la liste établie11 par le Secrétaire général puis aux autres conflits. Le fonds des Nations Unies pour l'Enfance (UNICEF) doit appuyer la création et la mise en oeuvre générale du Mécanisme12.  La résolution 1612 créée en outre un groupe de travail du Conseil de sécurité chargé d'examiner les rapports du Mécanisme et recommander des mesures à l'encontre des parties qui continuent à porter atteinte à la sécurité et aux droits des enfants.

    La résolution 1882, adoptée en août 2009 sous le parrainage de la France étend ce Mécanisme de surveillance aux violences sexuelles, aux meurtres et mutilation, enlèvements commis sur les enfants indépendamment de leur recrutement et s'applique aussi aux attaques contre les écoles et les hôpitaux et le refus d'autoriser l'accès aux organismes humanitaires.

    Le Mécanisme fonctionne avec la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits, les comités de sanction et les missions et opérations de maintien de la paix déployées par l'ONU. L'objectif du Mécanisme est de pousser les Etats à prendre des mesures décisives contre les auteurs persistants de violations et sévices commis contre les enfants et de les traduire en justice.

    Ce Mécanisme existe déjà et selon le dernier rapport du Secrétaire général sur les enfants et les conflits13 certains Etats et des groupes armés ont adopté des mesures encourageantes contre le recrutement d'enfants. Cependant malgré des évolutions positives14, des obstacles persistent15.

    Ce Mécanisme spécifique aux conflits armés complète d'autres dispositifs prévus pour offrir des garanties à la protection de tous les droits reconnus à l'enfant, pas uniquement en temps de guerre.

    Ainsi la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant a établi un comité des droits de l'enfant chargé de recevoir les rapports transmis par les Etats sur les mesures prises en application de ladite Convention. Le comité peut faire appel à une institution spécialisée comme l'UNICEF ou demander une étude sur des questions précises au Secrétaire général et faire des recommandations aux Etats.

    S'inspirant de ce système, la Charte africaine sur les droits et le bien être de l'enfant a institué un comité africain d'experts sur les droits et le bien être de l'enfant16. Comme le prévoit le chapitre 2 de la Charte, ce comité est chargé de veiller à l'application de la Charte et la protection des droits qu'elle garantie. Le comité peut formuler des principes et des règles pour la protection des droits et du bien-être des enfants en Afrique. En vertu de l'article 43, il est compétent pour recevoir et examiner les rapports des Etats sur les mesures qu'ils ont adoptées dans l'exercice des droits proclamés. Cet article 43, inspiré de l'article 44 de la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, permet au comité d'émettre des directives sur les mesures devant figurer dans les rapports que doivent lui soumettre les Etats. Suivant l'article 45 de la Charte, ce comité peut mener des enquêtes et faire des rapports à la Conférence de l'Organisation africaine. En vertu de l'article 44, il peut recevoir des communications individuelles. Ainsi un individu, un groupe d'individus ou une ONG reconnue par l'Organisation africaine ou par un Etat membre ou par l'ONU peut s'adresser au comité. Toutefois, la Charte ne précise pas les conditions de recevabilité et d'examen des communications individuelles. Mais cette carence est partiellement levée avec le  fonctionnement du comité. Ce dernier a déjà adopté son règlement intérieur conformément à l'article 38. L'une des dispositions de ce règlement intérieur porte sur la procédure du comité et les relations entre le comité avec les non membres au comité et la société civile17. Un problème inhérent à ce comité est qu'il ne dispose pas de pouvoir de sanction pour contraindre les Etats ou les individus qui ne respectent pas les droits de l'enfant.

    Pour la journée de l'enfant africain pour 2011, le comité africain d'experts sur les droits et le bien être de l'enfant a adopté le thème suivant " tous ensemble pour des actions urgentes en faveur des enfants de la rue "18.

     

    Les meilleurs droits et protections qui puissent être accordés aux enfants sont l'amour, l'affection, les soins, l'écoute et l'espoir. Comment susciter l'espoir ? En donnant à l'enfant les outils indispensables à son épanouissement physique et moral et les moyens de faire face à l'avenir de manière sereine. Quels sont ces moyens ? L'éducation et/ou la formation professionnelle débouchant sur un emploi stable.

    Hassatou Baldé

    Docteur en droit international- ECI


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