Par Rajendra K. Pachauri, Ph.D.
M. Pachauri est le président du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), l’organisme-chef de file en matière d’évaluation du changement climatique. Il est aussi le directeur général de l’Institut de l’énergie et des ressources (TERI – The Energy and Resources Institute), une organisation basée à New Delhi qui effectue des recherches sur le changement climatique et élabore des solutions aux questions qui y ont trait.
Lorsqu’il s’agit de changement climatique, personne n’est à l’abri. Les changements provoqués par un réchauffement du climat affecteront l’ensemble des populations dans toutes les parties du globe.
Ses effets seront loin d’être uniformes. Les pays pauvres de faible élévation les subiront de manière disproportionnée, à moins que la communauté mondiale ne témoigne d’une volonté de réduire et puis d’éliminer totalement les gaz à effet de serre qui provoquent le changement climatique. Et dans ce groupe déjà désavantagé, les femmes vivant dans les zones rurales et leurs enfants figurent parmi les plus vulnérables. Le Groupe de travail II du GIEC l’a en effet fait ressortir en mars dernier :
« Les augmentations de prix, qui peuvent être causées par des chocs climatiques ainsi que par d’autres facteurs, ont un impact disproportionné sur le bien-être des personnes en situation de pauvreté dans les zones rurales, notamment sur les foyers dirigés par des femmes et sur ceux n’ayant qu’un accès limité aux intrants agricoles récents, aux infrastructures et à l’éducation ».
L’atmosphère et les océans se sont réchauffés, les quantités de neige et de glace ont diminué, le niveau de la mer a monté, et les concentrations de gaz à effet de serre se sont accrus – tous témoignant d’un réchauffement climatique. Cependant, je garde l’espoir que l’accumulation rapide des indications d’un changement climatique et de ses conséquences très inquiétantes pour l’avenir de notre planète incitera ses dirigeants à prendre des mesures décisives dans de brefs délais pour assurer la transition vers une économie globale alimentée par des sources d’énergie propre, abordable et renouvelable. Nous disposons des technologies qui permettent d’assurer cette transition. Nous n’avons besoin que de volonté politique pour promouvoir son adoption à l’échelle mondiale.
Les femmes joueront un rôle crucial dans cette transition. Elles pourraient même très bien la mener. Après tout, c’est une femme, Rachel Carson, qui a fondé le mouvement moderne en faveur de l’environnement avec son ouvrage Silent Spring. Et, comme la Banque mondiale l’a fait ressortir, les femmes jouent un rôle indispensable dans la gestion des ressources naturelles ; de plus, selon mon expérience, elles sont souvent davantage en contact avec leur entourage naturel. C’est leur voix qui se fera le plus fortement entendre lorsqu’il s’agira de soutenir des politiques qui encouragent la création d’un environnement plus sûr pour leurs enfants.
Pour les femmes, la transition vers l’énergie propre et renouvelable comportera des avantages qui vont bien au-delà de la lutte contre le changement climatique. Plus de 1,3 milliard de personnes de par le monde vivent sans électricité – ce qui est particulièrement difficile pour les femmes, qui sont forcées de cuire à manger sur des réchauds de cuisine élémentaires dégageant des particules nocives et qui doivent lutter pour éduquer leurs enfants à la lumière de lampes à pétrole ou de bougies.
Par le biais d’un programme appelé Lighting a Billion Lives (Éclairer un milliard de vies) que met en œuvre TERI, l’institut que je gère, j’ai eu l’occasion de voir la façon dont la vie des femmes dans les villages pauvres, en milieu rural, a été transformée grâce à de petits équipements autonomes fonctionnant à l’énergie solaire. Bénéficiant de l’électricité pour la première fois dans leur vie, leurs enfants et elles-mêmes sont en mesure de lire la nuit et de faire tourner de petites entreprises. Les réchauds à bois, les lampes à pétrole et leurs émanations toxiques ont disparu.
Laissez-moi vous raconter l’histoire de Baby Devi pour illustrer mon propos. Mme Devi a été choisie pour gérer une station de recharge à énergie solaire que notre programme avait installée dans son village de Mahmuda en 2012. Grâce à cette nouvelle station, il est devenu possible pour les villageois de recharger des lampes solaires qui leur permettaient de lancer de petites entreprises.
Comme sa gestion de la station de recharge était efficace, Mme Devi a eu l’occasion de former des femmes à la fabrication d’encens – une activité qui aurait été beaucoup plus difficile sans les lampes solaires donnant de la lumière sur les lieux de leur travail après le coucher du soleil. Aujourd’hui, en plus de la location des lampes, Mme Devi gère une installation de production employant une douzaine de femmes qui gagnent de quoi vivre dorénavant.
Une énergie propre et abordable est une condition élémentaire à la qualité de vie de chacune et de chacun, et elle est nécessaire pour garantir le développement socio-économique. Sans accès à une énergie abordable, il ne sera pas possible d’éradiquer l’extrême pauvreté et la faim, de parvenir à l’éducation primaire pour tous, de promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, ou même de réduire la mortalité infantile et d’améliorer la santé maternelle.
Et sans accès à de l’énergie générée à partir de sources propres et renouvelables, ce sera impossible d’éviter l’impact potentiellement dévastateur du changement climatique.
Ainsi donc, nous avons le choix : continuer comme si de rien n’était sur la voie d’une planète toujours plus chaude et inhospitalière, ou prendre des mesures tout de suite en faveur de la création d’un monde plus sain, plus vert et plus équitable. Le choix est parfaitement clair : si nous traitons notre mère la Terre avec la bienveillance voulue, elle nous rendra la pareille.
Source : ONU
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