Les « continents[1] » de plastique ne seraient pas immuables. Sur la base de travaux de modélisation de la circulation océanique dans le Pacifique, des chercheurs de l’IRD et du CNRS viennent de montrer qu’il existe des « courants de sortie » de ces zones du grand large où s’accumulent ces amas de déchets. Ceux-ci ne seraient donc pas condamnés à tourbillonner irrémédiablement au centre des océans, comme cela a été jusque-là avancé.
Un grand vortex de déchets dans chaque océan
À la faveur des vents à la surface des océans et de la rotation de la Terre (via la force de Coriolis), d’immenses vortex, appelés les « gyres océaniques », se forment dans chacun des cinq grands bassins : Pacifique Nord et Sud, Atlantique Nord et Sud, océan Indien. Ces gigantesques tourbillons entraînent lentement dans leur sillage tous les objets et débris de plastique flottant à la surface de l’eau, favorisant leur accumulation d’année en année.
Cette pollution est désormais reconnue comme un problème planétaire, faisant peser une menace sur la biodiversité marine. En particulier, ces « flotteurs » sont autant de moyens de transport pour les virus et bactéries qu’ils propagent à travers les océans.
Des « portes de sortie » existent
Pour autant, ces « continents » de plastique, comme ils ont improprement été baptisés, ne seraient pas immuables. Des chercheurs de l’IRD et du CNRS viennent en effet de révéler l’existence de « portes de sortie » de ces grandes zones de convergence des courants de surface. Les scientifiques ont travaillé à partir de la circulation océanique dans le Pacifique modélisée avec une résolution spatiale beaucoup plus fine que celle des modèles habituellement utilisés pour ce type d’étude (typiquement ceux utilisés pour les recherches sur le climat). Ils ont en effet simulé les trajectoires de plusieurs millions de particules, avec des courants définis sur des maillages du 1/32° au 1/4° (soit de quelques km à quelques dizaines de km). Les résultats obtenus mettent en évidence des courants, de quelques centaines de kilomètres de large, qui s’échappent depuis le cœur du gyre subtropical pour faire route vers l’est. À ces courants s’ajoutent des processus physiques tels que les effets du vent et des vagues, non pris en compte dans les modèles, qui peuvent également modifier la trajectoire et le temps de transit des particules et débris.
En route vers les côtes sud-américaines
Dans le Pacifique, les déchets ne seraient donc pas nécessairement piégés au centre du gyre océanique et pourraient s’évacuer en direction des côtes américaines. Ce résultat est par ailleurs corroboré par les travaux des partenaires chiliens de l’IRD. Ceux-ci observent depuis quelques années une augmentation du nombre de déchets collectés sur leurs littoraux.
De plus amples observations, modélisations et analyses sont nécessaires pour mieux comprendre les courants océaniques de surface qui régissent le lent cheminement des déchets de plastique à la surface des océans et mettre sur pied, à terme, des stratégies de collecte et de recyclage de tous ces détritus.
[1] Bien qu’inappropriée au vu des concentrations réelles estimées, ce terme est révélateur de la prise de conscience de l’impact des activités humaines sur les océans.
Partenaires
IRD, CNRS
Références
Christophe Maes, Bruno Blanke, and Élodie Martinez, Origin and fate of surface drift in the oceanic convergence zones of the eastern Pacific, Geophys. Res. Lett., 2016, 43, doi:10.1002/2016GL068217.
Contact scientifique
Christophe Maes, chercheur à l’IRD T. 33 (0)2 90 91 55 06 ; christophe.maes@ird.fr
UMRLPO (IRD / CNRS / Ifremer / université de Bretagne occidentale)
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