Soulignant la complexité et l'interdépendance des nombreux conflits en cours, le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres, a appelé samedi à relancer « une diplomatie pour la paix » pour contrer la menace du terrorisme mondial et regagner la confiance des populations se sentant laissées pour compte.
« Nous vivons dans un monde dangereux. Nous assistons à une multiplication de nouveaux conflits, de vieux conflits semblent ne jamais mourir - que ce soit en Afghanistan ou en Somalie », a déclaré M. Guterres lors d'une allocution à la Conférence sur la sécurité de Munich, en Allemagne. Le chef de l'ONU a souligné que beaucoup de ces conflits sont liés à la fragilité des Etats, s'internationalisent, « et la vérité est qu'ils se sont développés dans un monde où les relations de pouvoir sont devenues obscures ».
« Si l'on regarde du Nigeria au Mali vers la Libye, Israël-Palestine, Syrie, Somalie, Yémen, Afghanistan, il est clair que toutes ces crises sont liées les unes aux autres. Les combattants se déplacent d'un endroit à l'autre et retournent parfois vers les pays d'origine (…) ce qui constitue une énorme menace pour notre sécurité mondiale commune », a prévenu le Secrétaire général.
« Nous sommes dans une sorte de situation chaotique, conduisant probablement à un monde multipolaire », a alerté M. Guterres. « Mais dans ces situations chaotiques avec des relations de pouvoir peu claires, l'impunité et l'imprévisibilité ont été la règle du jeu. Et c'est dans ce contexte que je crois que nous avons besoin, et je l'ai dit à plusieurs reprises, d'une montée de la diplomatie pour la paix »,
Celui qui fut pendant 10 ans Haut-Commissaire pour les réfugiés mesure le défi de convaincre les pays engagés dans un conflit de la nécessité et de l'intelligence d'y mettre fin. « Ça ne sera pas facile. Nous aurons également besoin de beaucoup de diplomatie préventive, beaucoup d'efforts en matière de médiation, et nous devons surtout avoir une stratégie pour traiter les causes profondes de ces types de conflits dans le monde », a-t-il dit.
« La mondialisation a ses perdants »
Pour M. Guterres, il est important de reconnaître que les effets asymétriques de la mondialisation contribuent également aux problèmes de paix et de sécurité mondiales, soulignant qu'un développement inclusif et durable est un élément important dans la prévention des conflits.
« La mondialisation a été un générateur incroyable de richesse, de prospérité, d'amélioration des conditions de vie (…) ce qui a considérablement réduit la pauvreté absolue », a-t-il reconnu. « Mais la mondialisation a ses perdants (…) il y a, dans certaines régions du monde, dans plusieurs communautés, le sentiment qu'elles ont été laissés de côté, que personne ne s'occupe d'eux et ce sentiment s'est développé avec l'augmentation des inégalités », rappelant que ces dernières engendrent de l'instabilité et des troubles.
Le Secrétaire général a particulièrement attiré l'attention sur le chômage de masse des jeunes, qui selon lui représente probablement la plus grande menace à l'égard de notre sécurité mondiale. « Il n'y a rien de pire qu'un jeune homme ou une jeune femme [qui a] un diplôme universitaire, et qui, n'ayant pas de chance de trouver un emploi, n'a aucun espoir. Il n'y a rien de pire que cette situation et rien de mieux pour le recrutement d'organisations extrémistes violentes ou d'organisations terroristes ».
« Reconstruire la confiance dans les gouvernements et organisations internationales »
Face au manque de confiance des peuples envers leurs classes politiques, M. Guterres estime absolument essentiel de comprendre les personnes ainsi que leurs préoccupations et de trouver des solutions.
« Maintenant, le défi pour nous est: comment pouvons-nous entrer dans cet échange de communication dans une ère numérique? », s'est-il interrogé, soulignant qu'à l'heure des nouvelles technologies de l'information et de la communication, le monde part à toute vitesse. « L'un des pires symptômes inquiétants des difficultés actuelles dans le monde est que peu de pays affichent la capacité de présenter une stratégie à long terme par rapport à leurs propres objectifs », a-t-il regretté.
Pour le chef de l'ONU, ce manque de confiance des citoyens n'est pas limité aux gouvernements. Il touche également les institutions multilatérales. « La vérité est que pour l'Union européenne, pour l'ONU, pour d'autres organisations, nous sentons aussi ce manque de confiance (…) Nous devons profondément réformer nos institutions internationales afin de pouvoir répondre aux attentes des peuples de ce monde », a dit M. Guterres, rappelant l'engagement de l'Organisation à réformer sa stratégie de paix et de sécurité, son système de développement et sa gestion.
Le Secrétaire général a par ailleurs souligné que les défis immédiats auxquels est confrontée la communauté internationale, ne doivent pas lui faire perdre de vue les nouvelles dimensions que prendront les problèmes de paix et de sécurité à l'avenir et pour lesquelles elle doit être préparée. « Soyons clairs: nous manquons d'instruments multilatéraux pour résoudre les problèmes du cyberespace », a-t-il dit, rappelant que cette dernière constitue déjà une préoccupation majeure pour tous.
M. Guterres juge crucial que les gouvernements et les organisations internationales développent une capacité d'analyse, de discussion et de réflexion sur des modèles de gouvernance dans les nouveaux domaines du développement scientifique et technologique qui seront essentiels aux générations futures.
Communiqué de l'ONU (908 hits)