Demandé par l’Assemblée générale de l’ONU en mai dernier, le rapport pointant les lacunes du droit international de l’environnement censé déboucher sur un Pacte mondial a été publié le 3 décembre, par António Guterres, Secrétaire général des Nations Unies. Il s’intitule "Lacunes dans le droit international de l'environnement et les instruments liés à l'environnement : vers un Pacte mondial pour l'environnement". Les conclusions de ce rapport sont intéressantes.
Les auteurs plaident dans sa conclusion pour la création d'un Pacte mondial de l’environnement qui jouerait le rôle d'un "instrument international exhaustif et fédérateur reprenant tous les principes du droit de l'environnement, pour apporter une meilleure harmonisation, prévisibilité et certitude". Ce Pacte mondiale est amorcée par une remise en question de la gouvernance des instances du droit de l'environnement et du jeu des acteurs à différents niveaux.
Mise en cause de la gouvernance mondiale
C'est par une autocritique du système enchevêtré des Nations Unies que s'ouvre la voie d'une regénération de la gouvernance environnementale, dans laquelle l'ONU est plus que simple partie-prenante :
"Des efforts délibérés seront nécessaires [...] à des domaines spécifiques tels que la biodiversité, l'atmosphère ou les produits chimiques et les déchets. La structure de gouvernance du droit international de l'environnement correspond à sa fragmentation. Une multiplicité d'institutions ont des responsabilités et des mandats en matière d’environnement, y compris les institutions du système des Nations Unies, les organes conventionnels créés à partir d'accords multilatéraux, des agences spécialisées, ainsi que institutions régionales. Cette fragmentation institutionnelle nécessite une meilleure coordination autant au niveau de la création des lois que de leur mise en oeuvre, afin d'assurer la cohérence des politiques, leur soutien mutuel et les synergies dans leur execution. Il existe cependant un déficit de coordination important au sein du système des Nations Unies, entre le système d'institutions des Nations Unies et les accords multilatéraux sur l'environnement".*
Les auteurs du rapport appellent formellement à un renforcement de la coordination et de la cohérence pour servir l'efficacité du droit environnemental international. Mais c'est peut-être d'une certaine manière, l'opportunité une refonte de la gouvernance qui devrait être prise au sérieux.
En matière d'instruments juridiques et de respect des normes les lacunes sont nombreuses, et la tâche s’annonce épineuse. Le rapport passe en revue les nombreuses et importantes lacunes du système du droit international pour protéger efficacement l’environnement.
De manière synthétique c’est un droit jugé limité, fragmentaire, incohérent et peu contraignant.
Un droit fragmenté, limité, incohérent et souvent peu contraignant
Le rapport annonce de manière exhaustive, domaine par domaine, les problèmes et lacunes rencontrés. Parmi les problèmes, l’application limitée de certains principes fondamentaux de la « Démocratie environnementale ». Ces principes sont censés garantir la participation citoyenne dans les décisions ayant un impact sur le climat : la disponibilité de l’information, la participation à la prise de décision et l’accès à la justice. Or, la convention d’Aarhus de 1998 ne s’applique actuellement que dans 47 Etats.
En matière de protection de la biodiversité, le rapport souligne que les instruments légaux de protection de la biodiversité ont été développés en l'absence de stratégie globale, et sans structure cohérente. Des lacunes de coopération et de coordination entre les Etats sont aussi mentionnées dans ce rapport, concernant des instances comme la Convention sur la diversité biologique (CDB) et autres conventions internationales relatives. Les efforts et le respect des normes sont encore très insuffisants. La mise en œuvre de ces traités est inefficace, faute de surveillance et de contrôle.
Un autre exemple est celui de la lutte contre la pollution atmosphérique. Elle a été traitée comme un problème régional alors que ses effets se font sentir à l’échelle mondiale.
L'approche sectorielle, selon le rapport, a aussi souvent joué contre l’élaboration de règles juridiques contraignantes, particulièrement pour la conservation et l’utilisation des forêts, la pollution des zones marines par les déchets plastique d’origine terrestre, les droits de l’homme au regard du changement climatique, la protection des sols, les nanomatériaux ou encore les activités de géo-ingénierie.
L’insuffisance des moyens liés au « droit à un environnement sain ».
Il en est de même pour le « droit à un environnement sain » et pour les principes de « non-régression » et de « progression ». C'est-à-dire l’idée que la protection de l’environnement, assurée par des instruments législatifs et juridiques, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante (compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment). Le rapport pointe que ces principes n’ont été reconnus que très récemment, et surtout, il y aurait un important déficit d'instruments juridiques pour faire respecter ces principes.
Les auteurs du rapport et de nombreux juristes appellent donc à la création d’un grand instrument international exhaustif et fédérateur. L’Assemblée générale de l’ONU devra prendre la décision, in fine, d’ouvrir ou non des négociations internationales. Il est possible qu’une résolution soit soumise au vote des États à partir du premier semestre 2019.
*Extrait du rapport, p43. paragraphe 103
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