Un plan ambitieux, visant à la création d'une des plus grandes réserves marines dans les eaux de l'Archipel des Chagos, va être lancé au début de mois de mars 2008 par la Chagos Conservation Trust à la 'Royal Society' de Londres. L'étendu de la réserve marine qui sera environ 647, 500 kilomètres carrés et sera comparable, en terme non seulement de superficie mais aussi en terme de richesse en biodiversité, avec celle de la Grande Barrière Corallienne de l'Australie ou du Galápagos. Ce plan bénéficiera du soutien des principales organisations environnementales britanniques engagés dans la conservation notamment le 'Royal Society for the Protection of Birds', le 'Zoological Society', le 'Linnean Society' et l'organisation américiane 'Pew Environment Group'. Soulignons que le groupe environnemental Pew, une institution charitable américaine puissante, a réussi à convaincre l'ancien Président des États-Unis, George Bush, de créer de nouvelles réserves marines américaines. Fort de ce succès, le Pew veut étendre cette expérience globalement. D'où le choix de l'Archipel des Chagos.
L'Archipel des Chagos est composé d'un groupe d'atoll au centre de l'Océan Indien et dont l'île principale, Diego Garcia, abrite la base militaire et aéronavale américaine depuis 1973. L'archipel , avec ses 54,400 kilomètres carrés de surface marine et de 60 kilomètres carrés de terre, se situe à environ 1,200 miles au nord est de Maurice. Aujourd'hui, les Chagos qui fait partie du 'British Indian Ocean Territory' (BIOT) a été excisé du territoire mauricien en 1965 en échange de l'indépendance de Maurice. Et entre 1967 et 1971, environ 2000 personnes ont été forcées de partir vers les Seychelles et Maurice afin de faire de la place à la base américaine de Diégo Garcia. Depuis 1966, les Etats-Unis bénéficient d'une baille de 50 ans des britanniques avec la possibilité de le renouveler. Donc, 2016 n'est pas loin!
L'ironie est que pour des raisons stratégiques et géopolitiques tout un peuple a été sacrifié en 1966 et s'est vu condamné à l'exile. Aujourd'hui, ce même peuple et ses descendants risquent de se trouver interdire un droit de retour afin de pouvoir protéger des oiseaux (par. exemple le Red-footed booby, 'Sula sula'), des tortues verte ( Chelonia mydas), la chauve souris ( Pteropus hypomelanus maris) sans prendre la peine de leur demander leur avis. Or, historiquement, les humains et la nature font partie d'un même écosystème. L'important c'est de retrouver l'harmonie entre l'homme et la nature. C'est toute la problématique du développement durable.
Dans le contexte de la géopolitique de l'Océan Indien, la République de Maurice a toujours revendiqué sa souveraineté sur l'Archipel des Chagos. Cela malgré le fait que les Chagossiens, population originaire des Chagos, jouissent de la double nationalité mauricienne et britannique. Et il se trouve qu'une majorité vie toujours à Maurice et aux Seychelles. C'est en tant que sujet britannique, que l'organisation du peuple Chagossien, le Groupe Réfugié des Chagos, se bat depuis 2000 devant les cours de justice britannique pour la reconnaissance de leur droit de retour pour pouvoir s'installer dans les îles des Chagos, à l'exception de Diégo Garcia. En Octobre 2008, la Chambre de Lords britannique, la plus haute cour d'appel de Londres, avait confirmé la décision du Gouvernement anglais de refuser, pour des questions d'intérêts et de sécurité nationales, le retour des Chagossiens sur l'Archipel. Selon les autorités mauriciennes, la question de souveraineté de Maurice n'est pas liée à la question de retour des Chagossiens en tant que sujet britannique. Or l'archipel des Chagos fait partie de la République de Maurice et les Chagossiens sont des fils du sol au même titre que les autres mauriciens. Par conséquent toute négociation politique pour la récupération des Chagos doit être est un combat unissant les Chagossiens et le reste de la population de la République. C'est ce consensus qui est encore en gestation au sein des parties prenantes mauriciennes sur le dossier Chagos.
Dans ce contexte, il faut faire attention à ne pas sacrifier les humains et l'écosystème marin au profit des intérêts géostratégiques des grandes puissances comme c'était le cas en 1968 au moment de l'indépendance de Maurice. Aussi, tout comme dans le cas du conflit franco-mauricien sur l'île Tromelin (voir dépêche Médiaterre du 17.12.08), il ne faut pas non plus que les ONG des pays du nord oublient leur responsabilité politique et sociale et acceptent d'être le cheval de Troie de leur gouvernement respectif au nom des activités scientifiques voire de conservations dans l'Océan Indien.
Source : Economiste
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